Intervention de Muriel Salmona

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 23 janvier 2019 à 16h35
Audition d'associations de défense de l'enfance en danger : mmes martine brousse présidente de « la voix de l'enfant » muriel salmona présidente de « mémoire traumatique et victimologie » homayra sellier présidente de « innocence en danger » violaine guérin présidente et muguette dini représentante du groupe multidisciplinaire « politique et institutions » de l'association « stop aux violences sexuelles

Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie » :

Je vais dans tous les départements et l'on a commencé à former aussi les professionnels du placement en famille d'accueil. Ce qui nous est rapporté, c'est que la loi de 2016 sur la protection de l'enfance est peu connue et peu appliquée. Je pense qu'un gros travail d'information reste à faire pour que l'on puisse vraiment imposer l'application de ce texte. Je crois beaucoup à la présence d'un médecin référent dans chaque service de pédiatrie. Dans un autre domaine, celui des femmes victimes de violences, nous avons entrepris la formation des référents dans les CHU avec la mission interministérielle et l'on on voit à quel point cela change les choses. Le référent s'occupe du sujet, fait passer les informations, sensibilise, organise des colloques etc. Pour les enfants, on est deux ans après la loi et il y a urgence. Les formations de formateurs qui ont été mises en place sont une façon de démultiplier l'effort.

Quant aux prises en charge systématiques, oui, c'est une urgence absolue. Avoir subi des violences sexuelles dans l'enfance est le premier facteur de mort précoce, de dépressions à répétition et de très loin, le premier facteur de risque de suicide, de conduites addictives, de troubles alimentaires, cardio-vasculaires, immunitaires, et d'énormément d'autres troubles découlant des troubles psychotraumatiques. Quand un enfant se fait une fracture, on ne se pose pas la question de savoir si le soin est nécessaire. Dans le département de Seine-Saint-Denis, il a fallu mettre en place un protocole pour que les enfants qui assistent à la mort de leur mère par meurtre de son conjoint puissent être pris en charge immédiatement ! Dans un tel cas, on voit bien qu'il s'agit d'une véritable réanimation au niveau psychiatrique, psychologique et médical.

On espère que l'ouverture des centres psychotraumatiques va faire avancer les choses. Il faut rappeler que presque partout le délai minimum pour une prise en charge en centre médico-psychologique (CMP) est de six mois. Mais le plus souvent, c'est entre douze et dix-huit mois. Une enquête de l'OMS répertoriant toutes les études sur les conséquences des violences sur les enfants a démontré que les troubles psychotraumatiques sont le principal facteur explicatif des conséquences observées en termes de santé physique, de santé mentale et psychologique, de conséquences sur la vie, des risques de marginalisation et de risques d'échec. La prise en charge doit être proposée systématiquement et elle doit être expliquée. Je prends en charge des enfants qui sont passés par des placements auprès de l'ASE. Ils sont opposés à une prise en charge psychologique parce qu'ils avaient trouvé cela insupportable. A partir du moment où on leur explique qu'ils ne sont pas fous, mais blessés psychologiquement, je n'ai jamais eu un seul enfant, ni aucun parent qui se soit opposé à des soins. Pour cela, il faut que les professionnels soient formés, qu'ils puissent expliquer, qu'ils utilisent les documents qui existent, et il faut aussi qu'il y ait des lieux de soins. Dix centres c'est très bien mais on en veut au moins cent cet été, comme prévu au départ. Il est urgent d'avancer ; cela fait vingt-cinq ans que l'on a toutes ces connaissances.

L'enjeu est considérable ; ce peut être vingt-cinq ans d'espérance de vie en plus. En outre, avoir subi des violences sexuelles est le premier facteur de risque d'en subir à nouveau...et d'en commettre puisque 25 % des agresseurs sexuels sont des mineurs. Là aussi, il faut prendre en charge immédiatement tout enfant qui a des comportements sexuellement agressifs.

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