Intervention de Homayra Sellier

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 23 janvier 2019 à 16h35
Audition d'associations de défense de l'enfance en danger : mmes martine brousse présidente de « la voix de l'enfant » muriel salmona présidente de « mémoire traumatique et victimologie » homayra sellier présidente de « innocence en danger » violaine guérin présidente et muguette dini représentante du groupe multidisciplinaire « politique et institutions » de l'association « stop aux violences sexuelles

Homayra Sellier, présidente de « Innocence en danger » :

Les séjours de résilience ont commencé en 2002 de façon tout à fait empirique. Une petite fille de dix ans avait été violée par quatre adolescents, avec tentative d'assassinat, et elle ne parlait pas. En unité psychiatrique à l'hôpital depuis six mois, elle ne disait rien. Sa mère m'a contactée et ma première question a été de savoir ce que sa fille aimait. La mère m'a répondu l'équitation. Nous lui avons donc organisé un séjour d'équitation au cours duquel toutes les personnes respectaient le fait qu'elle mangeait seule, qu'elle ne parlait pas. Au bout de dix jours, au moment de partir en prenant la main de sa mère, elle m'a dit « Homayra je vais parler » et effectivement elle a parlé. Un peu plus tard, le président des pédopsychiatres suisses, qui avait vu l'un des enfants qu'il suivait rentrer métamorphosé après un séjour que nous organisions, m'a contacté. Il est venu et nous avons organisé ensemble, jusqu'à son décès, des séjours de résilience, basés sur l'art-thérapie, sur le yoga, la méditation, l'empathie et toutes ces disciplines très mal connues en France. Quant au gouvernement allemand, il a envoyé des responsables sur place pendant trois ans pour étudier les bienfaits de ces séjours, et il nous a décerné en 2015 le label thérapeutique que nous avions déjà acquis en Suisse. Depuis, des médecins et des experts français sont venus passer du temps avec nous et là aussi, le label nous est octroyé. Il s'agit de séjours d'art-thérapie, les enfants sont encadrés par des experts, psychologues, psychiatres, ou praticiens de l'EMDR, qui est une thérapie cognitive. Les enfants viennent avec leurs fratries et avec leur parent protecteur ; ils restent entre une et deux semaines. Dans certains pays comme l'Allemagne où les moyens financiers le permettent, le séjour est organisé trois ou quatre fois par an. Nous emmenons les enfants français dans un autre pays - francophone - faute de structure ici. Malheureusement ce n'est possible pour eux qu'une fois par an, pendant les vacances d'été. Parmi les enfants qui sont venus brisés, aujourd'hui je suis fière et heureuse d'en voir certains faire des carrières magnifiques à partir de talents qu'ils se sont découverts chez nous, comme la photo ou le dessin. La résilience existe, il faut le comprendre et il faut l'accepter, tout est une question de moyens. On peut tout faire, on sait que le cerveau se répare. Mais c'est une question de volonté politique et financière ; et la volonté financière ne peut venir que de la volonté politique. Il faut qu'à la tête de ce merveilleux pays il y ait un consensus national accordant la priorité aux enfants. Les enfants c'est l'avenir, en hypothéquant nos enfants, on hypothèque notre avenir. Cette volonté politique manque à ce pays depuis toujours.

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