Disons par une brève introduction.
Le CEPS, qui était le Comité économique du médicament quand j'en ai pris la présidence, n'est compétent ni juridiquement ni techniquement pour apprécier la sécurité des produits pharmaceutiques. Vous le savez, mais il n'est pas inutile de le rappeler. Il en va de même pour l'inscription au remboursement, la suppression du remboursement et la fixation du taux : ces prérogatives relèvent du ministre, sauf la fixation des taux, transférée en 2004 au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam).
Pour le comité et pour moi-même, le Mediator était un des nombreux médicaments dont la commission de transparence avait estimé le service médical rendu (SMR) insuffisant. A l'évidence, ces produits ne sont pas sans importance pour l'industrie pharmaceutique. C'est à ce titre que plusieurs ministres m'ont consulté au sujet du Mediator.
J'ai été nommé en 1999 président du comité, pendant que la commission de transparence conduisait la réévaluation générale engagée à l'initiative de Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Celle-ci m'a demandé de consulter les entreprises pharmaceutiques au sujet des produits à SMR insuffisant, ce que j'ai fait. J'ai consulté les plus grandes entreprises françaises sur le marché en termes de chiffre d'affaires. Rendant compte de mes entretiens, j'ai formulé des propositions dans une note intégralement reprise par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport. Concrètement, les laboratoires acceptaient plutôt le principe de la réévaluation et même la perspective de déremboursements, pourvu que l'évolution ne soit pas trop brutale.
Il me semblait impossible de supprimer le remboursement de toutes les spécialités concernées, pour des raisons industrielles car une telle mesure toucherait principalement des usines françaises, mais aussi envers les patients et leurs médecins. J'ai donc recommandé une démarche progressive fondée sur une baisse des prix et une modification du taux de remboursement, pour concilier les intérêts de l'assurance maladie, ceux des professionnels de la santé et ceux des malades, tout en conservant sa crédibilité à la politique du médicament axée sur le remboursement du juste soin. J'ai même rédigé un projet de lettre que Mme Martine Aubry aurait diffusée aux professionnels de la santé, dont je revendique la paternité. Reprise en annexe dans le rapport de l'Igas, cette missive avait pour ambition d'expliquer la réévaluation en cours, le sens du moindre remboursement et le calendrier des déremboursements.
Ces orientations ont été acceptées dans le principe : on m'a demandé de réduire de 20 % la somme des remboursements opérés pour ces produits à l'horizon de trois ans. Dans ce cadre, le Mediator a été traité comme les autres spécialités : son prix a baissé de 10 % en 2000, puis de 7 % en 2001. L'année suivante, nous avons demandé une nouvelle baisse de 5 %. Quasiment seuls parmi les entreprises pharmaceutiques, les laboratoires Servier l'ont refusée, comme pour d'autres produits, et le ministre a alors dû prendre un arrêté unilatéral de baisse des prix. Par la suite, le CEPS n'a plus jamais eu à connaître du Mediator.
Quand M. Mattei a été nommé ministre de la santé, le processus de déremboursement s'est passé en bon ordre.