Intervention de Alain Houpert

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Instauration d'un nouveau pacte territorial — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Alain HoupertAlain Houpert :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Lozach a le grand mérite de parler de la ruralité, de la mettre en lumière, mais je crains cependant qu’elle ne fasse pas le bon diagnostic.

Traitons la cause, pas les conséquences. Arrêtons la politique du sparadrap et adoptons le bon traitement.

En réalité, la géographie française est en train de changer. Je suis maire d’une commune de 282 habitants et conseiller général d’un canton dont la densité est de six habitants au kilomètre carré.

Le problème de la ruralité, c’est qu’elle est à la fois trop loin et trop proche de la ville : trop loin, ce qui pose un problème de transport ; trop proche, parce que la matière économique reste captée par la ville.

La ruralité, je la connais, je peux en parler. Je ne suis pas allé à la maternelle, il n’y en avait pas. J’ai fait la communale dans mon village. Je suis allé au collège voisin. Il n’y avait pas de transports scolaires. Je suis allé ensuite à l’internat à Dijon, la ville voisine. Mon fils est aujourd’hui à la maternelle, laquelle n’existait pas à l’époque.

Nous accueillons des néo-ruraux qui, s’ils travaillent en ville, n’ont pas les moyens d’y vivre, car le prix du foncier et de l’impôt foncier y est trop élevé. Faisons en sorte que cet exode devienne un choix plutôt qu’une contrainte. Permettons au monde rural de les accueillir, de créer du lien. Créons un terreau fertile pour qu’ils puissent s’enraciner et sculpter leur poutre de vie. Avoir l’esprit « village », c’est vivre entre l’église et le cimetière, entre Dieu et les ancêtres. C’est le choix du bonheur, mais avec des contraintes.

Aujourd’hui, les territoires ruraux redeviennent attractifs, mais, plus encore, ils doivent devenir une destination de vie choisie pour s’épanouir et s’enraciner. Nos enfants à la campagne sont heureux. J’ai choisi d’y vivre pour que mes enfants connaissent le même bonheur que moi, celui de ne pas être anonyme, de pouvoir, comme je l’ai fait, construire des cabanes, avoir des souvenirs, des concentrés du temps passé, des souvenirs de chasse avec leur grand-père, de parties de pêche avec leurs copains, de refaire La guerre des boutons. Je peux vous assurer que, face aux divertissements modernes, ces plaisirs ne se démodent pas. Nos enfants ne sont pas devant la télévision. Ils explorent la nature et le réel.

La ruralité ne veut pas être la banlieue de la ville, le lieu du ban, du bannissement. La campagne française ne veut pas ressembler aux satellites de Brasília, qui accueillent les employés de la capitale.

Faisons en sorte que les gens puissent faire le choix de venir vivre à la campagne plutôt que de fuir la ville. Pour cela, il faut des commerces de proximité, car les supermarchés des villes, véritables miroirs aux alouettes, ont vidé les campagnes des derniers commerces de proximité. Je sais de quoi je parle, moi qui suis fils d’un épicier de campagne qui a dû fermer son échoppe.

Que doit faire l’État ? Il doit faire en sorte que les gens puissent choisir la campagne autour de l’esprit « village ».

Créons des lieux de proximité, des commerces, des lieux de rencontre, créateurs de liens. Relocalisons l’économie dans les territoires afin d’éviter les mouvements pendulaires, matin et soir, ces déplacements ville-campagne, boulot-dodo !

Nos villages se transforment en dortoirs avec des volets clos la journée, où les gens n’ont pas le temps de s’intégrer. Aidons-les tous ensemble à s’enraciner dans ce terreau fertile. Je le répète : faisons en sorte que les gens puissent faire le choix de venir à la campagne plutôt que de fuir la ville.

Mener une politique d’aménagement du territoire ambitieuse, c’est d’abord relocaliser l’activité. Les services publics viennent ensuite en soutien. Le rôle de l’État est de faciliter, d’accompagner, et non d’organiser. On est mieux aidé par son prochain que par le lointain. Les erreurs du passé en sont la preuve. Faire l’inverse, ainsi que vous le proposez, cher collègue, c’est mettre la charrue avant les bœufs, ou encore charger la mule de l’État.

Relocaliser l’économie et l’emploi, c’est ce que le Gouvernement s’emploie à faire : avec les pôles d’excellence rurale – 114 projets ont déjà été lancés et 108 millions d’euros investis ; avec les pôles de compétitivité, qui ont permis aux acteurs locaux et aux collectivités locales de travailler en partenariat autour de projets innovants ; avec le programme national « très haut débit », qui vise à couvrir tous les foyers d’ici à 2025 ; avec l’opération de financement de deux cents maisons de santé ; avec l’opération « Plus de services au public », expérimentée dans vingt-trois départements en vue de permettre la mutualisation de moyens entre partenaires tels que La Poste, EDF, la SNCF, Pôle emploi et bien d’autres ; ou encore avec le FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, pour les commerces de proximité.

Enfin, comment ne pas évoquer la réforme territoriale ? Il me semble que cette réforme permettra de gagner en efficacité. C’est une réforme de fond, importante.

Avec votre proposition de loi, monsieur Lozach, vous donnez à penser que la France est sous-administrée. C’est faux ! Au contraire, la réforme était nécessaire, car l’empilement des structures devenait insupportable. Cette réforme fait entrer la France et ses collectivités locales dans une géographie moderne.

Notre ambition n’est pas d’avoir des services publics en moins, mais en mieux.

La ruralité est raisonnable, elle le prouve ; les ruraux sont lucides, ils le prouvent.

Il est vrai qu’il reste encore du pain sur la planche. Les ruraux n’ont pas les mêmes besoins que les habitants des villes. Calquer le rural sur l’urbain serait une grave erreur.

Certes, la ruralité doit relever des défis qui lui sont propres : l’éloignement, les distances, l’isolement. De ce fait, les habitants des zones rurales doivent gérer leurs déplacements et ceux de leur famille pour se rendre sur leur lieu de travail, aller faire leurs courses, pour le transport des enfants. L’un des véritables enjeux, c’est la disparition des stations-services de proximité à cause du dumping des grandes surfaces, qui sont, elles, en ville.

Peut-être devrions-nous proposer un maillage plus fin de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, qui relève de la compétence des régions, un maillage plus adapté aux territoires ? Il faudrait en effet appliquer des taux plus faibles en zone rurale, quand la nécessité du déplacement fait loi.

Je souhaite une autre vision de la ruralité. Il ne faut pas penser la campagne sur le modèle de la ville.

Le problème en France est qu’il n’y a pas de salut hors de l’urbain. Pourquoi ne pas installer, à l’instar de nos pays voisins – l’Allemagne, les Pays-Bas –, nos maisons de retraite à la campagne, hors des murs, là où il y a de l’espace et où nos aînés peuvent se poser et se reposer ? À cet égard, je rappelle que le foncier représente 30 % du coût de la prise en charge de la dépendance.

La réforme de la carte hospitalière a été évoquée. Vous savez très bien, chers collègues, qu’on ne peut pas conserver des hôpitaux qui font la même chose partout, ce serait y perdre en qualité des soins. L’avenir est à la spécialisation des sites et au développement des télédiagnostics. Vous savez très bien, chers collègues de l’opposition, que ce qui a tué l’hôpital, ce sont les 35 heures que vous avez votées !

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