Tout d'abord, j'indique que je n'ai pas de lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique.
Au fil de ses 3262 pages, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le Mediator, rendu public le 15 janvier 2011, parle de la Direction générale de la santé (DGS) à trente-trois reprises. Il rappelle que si le benfluorex a été interdit dans les préparations magistrales en 1995 par la DGS, l'autorisation de mise sur le marché de la même substance a été maintenue par l'Agence du médicament, sous forme de médicament pour diabétiques ; qu'un rapport de la Cour des comptes sur l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de mars 2006 n'a pas reçu de réponse de la DGS sur la conduite de la pharmacovigilance par l'Agence ; que la participation de représentants de la DGS aux différentes commissions nationales d'expertise sur le médicament n'a pas permis de générer une alerte ou une réaction plus précoce à propos du Mediator.
Deux critiques s'en dégagent donc. Si la DGS a eu une bonne réaction en 1995, elle n'a pas su mettre fin au paradoxe du maintien de l'utilisation du Mediator dans les préparations pharmaceutiques. Par ailleurs, elle n'a pas donné l'alerte malgré la présence de ses représentants dans le système de protection.
J'ai été informé régulièrement sur la pharmacovigilance dans le cadre des réunions hebdomadaires de sécurité sanitaire que j'anime. Sur 311 réunions qui se sont tenues en six ans, le directeur général de l'Afssaps m'a informé à 73 reprises de questions de pharmacovigilance qui lui semblaient d'une particulière importance. C'est ainsi que le 28 octobre 2009, j'ai appris, en même temps, l'existence du Mediator et la démonstration récente d'un risque accru de valvulopathie liée à son utilisation. J'ai ensuite appris, le 2 décembre 2009, sa suspension effective par l'Afssaps, à la suite de l'avis de la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) du 12 novembre 2009. Je tiens les comptes rendus de chacune de ces 311 réunions à votre disposition. De manière complémentaire, les représentants de la DGS au sein des commissions, notamment de pharmacovigilance, m'ont informé des conséquences à tirer concernant certains produits, s'agissant de décisions relevant de la DGS, par exemple à propos d'un vaccin contre le virus du papillome humain, de mucolytiques pour le nourrisson ou d'un médicament antidiabétique.
En matière de sécurité sanitaire du médicament, la DGS exerce un rôle de tutelle stratégique, dans le respect des missions de l'Afssaps, qui exerce sans contrôle hiérarchique ses pouvoirs de police sanitaire au nom de l'État. Dès le début des années 2000, la DGS a favorisé la modernisation de la pharmacovigilance, et promu la pharmaco-épidémiologie par diverses initiatives : la création, en août 2004, d'un groupement d'intérêt public sur l'évaluation épidémiologique ; le rapport demandé au professeur Bégaud sur l'évaluation des médicaments après leur mise sur le marché et la gestion des risques ; le financement par l'Afssaps d'études de pharmaco-épidémiologie à partir de 2005 ; la promotion de nombreuses études post-AMM ; la création en juillet 2005 d'un comité de liaison des études post-AMM ; enfin, le travail sur la coordination des vigilances dans le cadre du Comité d'animation du système d'agences (CASA). Surtout, des orientations ont été fixées à l'Afssaps en matière de veille, de surveillance, de réactivité aux risques dans le cadre de son contrat d'objectifs et de performance 2007-2010.
En matière de sécurité sanitaire, la DGS a pour rôle de veiller à la continuité de l'approvisionnement. L'Afssaps a ainsi publié, en 2009, une liste de médicaments dont la continuité de l'approvisionnement est indispensable, notamment en cas de pandémie grave. Une liste analogue a été établie concernant les dispositifs médicaux. Un plan de pharmacovigilance renforcée a été mis en place en 2009 concernant les produits utilisés dans le cadre de la pandémie grippale. Lors de phénomènes épidémiques graves, comme le méningocoque B en Seine-Maritime ou de menaces radiologiques, biologiques ou chimiques, la DGS a coordonné l'action de l'Afssaps et de l'établissement pour la préparation et la réponse aux urgences sanitaires.
L'affaire du Mediator a souligné la nécessité d'une amélioration dans la durée, dont le ministre a tracé les grandes lignes : organisation de l'expertise et conditions de sa crédibilité, organisation interne et financement de l'Afssaps, conditions de la vie du médicament, de son autorisation à son suivi.
L'Europe n'a pas tiré suffisamment les leçons de la crise du Vioxx. L'attention avait alors porté avant tout sur le renforcement de la surveillance lors de l'introduction de nouveaux médicaments, or le Mediator est un médicament ancien. La pharmacovigilance doit se rapprocher de l'AMM. C'est l'esprit de la nouvelle directive européenne sur les AMM. L'AMM n'est plus un aboutissement, mais le début de la vraie vie du médicament. Alors que le principe de précaution est parfois critiqué, le drame du Mediator souligne combien l'incertitude devrait profiter au patient. Restaurer la confiance, pour reprendre le titre de l'excellent rapport du Sénat en 2006, passera par un renforcement de l'approche de précaution.