Pour ma part, je centrerai mon intervention sur le développement économique, car nous ne pouvons pas nous contenter, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, de faire l’inventaire de ce qui ne va pas. Il nous faut aussi faire des propositions.
En matière de développement économique, les territoires ruraux ne doivent plus seulement être des fournisseurs de matières premières brutes non transformées, des exportateurs de leur jeunesse bien formée et des collecteurs d’épargne à destination des centres urbains, voire des centres de spéculation. Ils doivent être des territoires attractifs, qui valorisent leurs ressources naturelles et humaines grâce à des entreprises, des activités et des implantations industrielles, locales ou relocalisées, et qui génèrent sur place des emplois et de la valeur ajoutée.
Pour cela, ces territoires doivent disposer de services publics performants et adaptés aux situations locales. C’est pourquoi l’organisation des services hospitaliers et scolaires, notamment, doit être fonction des temps d’accès et doit tenir compte des particularités du relief, ainsi que des conditions climatiques.
De même, l’organisation des transports et des communications doit être adaptée aux densités plus faibles. L’accès au très haut débit, indispensable, doit assurer la couverture effectivement universelle du territoire, mesurée à l’échelle de chaque commune et financée, comme nous le proposons, par une contribution des opérateurs de jeux en ligne. Mais l’horizon 2025 dont vous nous parlez, madame la ministre, est bien lointain…
Pour favoriser le financement des projets, nous proposons la mobilisation de l’épargne locale par la mise en place d’un dispositif inspiré de la législation américaine dite Community Reinvestment Act, qui date de 1974. Vous nous dites aujourd'hui que cela n’est pas conforme au Small Business Act. Voilà le paradoxe d’une Europe qui est plus libérale que le plus libéral des États du monde, qui n’est même pas capable d’adapter ses directives pour faire face à une libéralisation, à une dérégulation et à une spéculation qui sont en train de ruiner notre continent ! Sachez que nous lutterons contre cela !
Notre proposition vise à améliorer la transparence des établissements bancaires en les obligeant à publier les données relatives aux volumes d’épargne collectée et de crédits consentis dans chaque canton. Au sein du canton dont j’ai été la conseillère générale pendant onze ans, j’ai maintes fois constaté que le montant de l’épargne déposée chaque année auprès des établissements de crédit était infiniment supérieur à celui des prêts octroyés : de l’ordre de vingt fois pour ce qui concerne une caisse locale d’un organisme bancaire mutualiste agricole bien connu, sans compter les autres banques comme la Caisse d’épargne ou la Banque postale…
Pour des projets solides, les ressources locales de financement existent donc. Mais nous connaissons tous les difficultés rencontrées par les porteurs de projet pour obtenir un prêt auprès des banques, qui exigent de nombreuses garanties, comme je dis familièrement : ceinture, bretelles et parapluie !
La loi doit prévoir qu’une quote-part de l’épargne locale soit réinvestie sur place.
Par ailleurs, afin de favoriser la création de TPE et de PME, et afin de permettre la conversion écologique de l’industrie et la structuration de filières stratégiques, nous proposons de créer une banque publique d’investissement, elle-même déclinée au niveau territorial en fonds régionaux d’investissement, qui seraient mis en place par les conseils régionaux sous forme d’emprunts obligataires, et destinés au financement des projets émanant des territoires. L’exemple existe, puisque le Limousin vient de mettre en place ce dispositif.
Un autre levier d’action serait de favoriser localement l’accès à la commande publique. Nous proposons de réserver un quota minimum d’achats par la puissance publique locale aux petites et moyennes entreprises locales, notamment dans le domaine des marchés alimentaires, pour favoriser les circuits courts de distribution de produits agricoles. Cela figure d’ailleurs dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
La sécurisation de l’avenir professionnel des personnes actives essentielles au tissu économique du monde rural est également très attendue. C’est pourquoi nous proposons la création d’une caisse de mutualisation publique contre le chômage des commerçants, artisans et professions libérales et de leurs conjoints collaborateurs, ainsi que la mise en place d’une caisse de mutualisation publique contre le chômage des agriculteurs et de leurs conjoints, chacune délivrant, sur la base de cotisations volontaires, une « allocation rebond » en cas de défaillance de l’entreprise ou de l’exploitation. Dans la situation de crise que connaît actuellement l’agriculture, tout particulièrement l’élevage, qui peut nier l’utilité d’une telle mesure, sachant le nombre d’agriculteurs d’ores et déjà inscrits au RSA ?
De plus, nous souhaitons que le FISAC, le Fonds d’intervention pour le commerce, l’artisanat et le commerce, puisse soutenir le secteur de la petite hôtellerie rurale et serve à financer des conventions de commerce et d’artisanat, l’aspect multifonctionnel de ces activités étant un facteur essentiel de leur attractivité en milieu rural.
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’ai pas le temps de terminer mon propos, mais je souhaite toutefois attirer votre attention, madame la ministre, ainsi que celle de M. le ministre de l’agriculture, sur les perspectives financières pour la période 2014-2020 qui sont en cours de négociation à Bruxelles, et sur les inquiétudes relatives à une possible nouvelle coupe dans les crédits du développement rural, qui ont déjà été amputés de 35 % sur la période 2007-2013.
Si cela s’ajoutait à une diminution des fonds structurels, ce serait dramatique pour nos territoires ruraux.