Merci de m'accueillir. J'avais accompagné le ministre de l'intérieur lors de son audition par votre commission. Je présenterai le point de vue de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Je vous ferai parvenir par écrit une réponse plus précise au questionnaire que vous m'avez adressé.
Nous devons aborder la question des risques avec humilité, car notre société est fragile. Nous devons nous inscrire dans une logique d'amélioration continue devant les risques naturels et technologiques, même si nous possédons une capacité d'anticipation plus importante pour les risques naturels, tandis que les risques industriels relèvent de l'aléa. Une mission interministérielle sur les retours d'expérience a été lancée et couvrira l'ensemble des ministères concernés. Je pense qu'elle nous fournira une analyse précise de ce qui s'est passé et des points qui méritent d'être améliorés. Nous en tirerons les conclusions.
En matière de gestion de crise, la DGSCGC intervient en amont - pour assurer la prévention, organiser des formations, définir des plans d'action - et, en cas de crise, pour la circonscrire et protéger les populations. Elle ne gère pas la crise directement : c'est le rôle du préfet, conformément à l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure. Celui-ci travaille alors étroitement avec tous les services de l'État et avec les collectivités. On entend beaucoup de commentaires sur la solitude du préfet. En réalité, si celui-ci est l'autorité décisionnaire, il est entouré de toute une équipe : un centre opérationnel départemental (COD), les équipes de la zone concernée et de l'échelon central. La mobilisation des moyens se fait d'abord au niveau du département, mais en cas de besoin des renforts peuvent être fournis par les autres départements ou par le niveau national. C'est ce qui s'est passé pour éteindre l'incendie de l'usine Lubrizol : les départements voisins ont ainsi fourni des produits pour éteindre et étouffer l'incendie, ainsi que des tuyaux - une quinzaine de kilomètres de tuyaux ont été nécessaires ! - tandis que d'autres moyens complémentaires ont été engagés dans le cadre du plan pollution maritime (Polmar).
Dans la gestion de l'événement, des choix tactiques ont été faits qui se sont révélés pertinents. Il s'agissait de maîtriser un feu d'hydrocarbures de très grande ampleur sur un site Seveso en milieu urbain. Les objectifs étaient donc de contenir ce feu, pour empêcher son extension, de le maîtriser, pour éviter une explosion et un phénomène de souffle, et de le traiter. En tout, grâce à la mobilisation des moyens complémentaires de différents départements et de l'État, près de 900 sapeurs-pompiers sont intervenus, ce qui est considérable, appuyés par différents véhicules, comme le véhicule de détection, identification et prélèvement (VDIP), ainsi que deux hélicoptères de la sécurité civile ; le laboratoire central a aussi été sollicité. L'enjeu était de ne pas perdre la maîtrise de l'événement, ce qui est primordial.
La sécurité civile a joué son rôle classique de coordination entre l'ensemble des acteurs et de lien entre les différents ministères. Les experts, y compris les experts en météorologie puisqu'il fallait évaluer l'évolution du nuage, se sont vite rendus au centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic). Tout cela a permis d'agir rapidement.
Un mot sur les alertes. Elles ont eu lieu en deux temps : par appel téléphonique puis par le biais de l'outil de Gestion d'alertes locales automatisées (GALA). Nous pensons que le contenu des messages d'alertes GALA gagnerait à être formalisé. Les sirènes ont fonctionné. Elles sont déployées dans plus de 80 % du territoire de la Seine-Maritime et constituent un outil qu'il faut sauvegarder, mais cet outil n'est plus suffisant. Une réflexion est en cours ; vous avez évoqué le cell broadcast, mais il existe d'autres possibilités. Une directive européenne nous impose certains délais.
Nous devons aussi nous attacher à traiter la question des fake news. L'association Visov réalise un travail de repérage sur les réseaux sociaux et fournit une cartographie des questions et des interrogations, ce qui peut permettre de cibler les éléments de réponse. Nous réfléchissons à un dispositif qui pourrait permettre, sur la base des questions posées sur les réseaux sociaux, de constituer une foire aux questions (FAQ), de manière à informer non seulement les élus, mais aussi la population. Il est indispensable que l'on intègre pleinement, dans notre réflexion, les réseaux sociaux et que l'on élabore un dispositif de lutte contre les fake news qui ont pu déstabiliser l'action publique et porter atteinte à sa crédibilité.