Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Développement des langues et cultures régionales — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Élus de proximité, nous nous interrogeons aussi sur l’incidence qu’aurait ce texte pour les collectivités territoriales : celles-ci ont indéniablement un rôle à jouer, mais dans quelle mesure ? Une loi trop généraliste ne serait-elle pas difficile à appliquer, étant donné la diversité des langues régionales ? Qu’en disent les associations d’élus, du reste ? Quels outils communs pourraient permettre à la fois la transmission du créole et celle du normand ?

Si, comme l’affirme l’exposé des motifs, « la reconnaissance des langues et cultures régionales est un prolongement logique de la décentralisation », laissons donc aux collectivités territoriales le soin de mettre en œuvre leurs propres plans d’action, en fonction des demandes exprimées sur leur territoire et des spécificités de celui-ci. N’oublions pas qu’elles en ont déjà légalement la possibilité.

Certaines s’en sont d’ailleurs déjà saisies : un Office public de la langue basque a ainsi été créé en 2004 par la volonté conjuguée de tous les acteurs, et il assure désormais, avec une remarquable efficacité, la promotion de l’euskara ; en Haute-Normandie, ce sont plutôt de petites associations qui font vivre la langue régionale, les autorités régionales ne s’impliquant guère, ce que je regrette.

Au vu de tous ces éléments, nous pensons que, si une nouvelle loi est peut-être nécessaire, celle-ci doit reposer sur des propositions réalistes. Une circulaire clarifiant le droit en vigueur pourrait être tout aussi opportune. Je sais, monsieur le ministre, que vous y travaillez avec le ministère de la culture et de la communication ; nous serions heureux que vous puissiez nous donner des indications plus précises à ce sujet.

Selon Victor Hugo, la langue française, quand elle s’est construite, « commençait à être choisie par les peuples comme intermédiaire entre l’excès de consonnes du nord et l’excès de voyelles du midi ». Si l’on peut regretter que l’utilisation exclusive du français dans les actes officiels se soit faite au détriment de certains patois, pour autant nous ne pouvons pas remettre en cause cette unicité.

Bon nombre d’obligations pour l’État et les collectivités territoriales sont créées par des dispositions de cette proposition de loi qui risquent d’être invalidées par le Conseil constitutionnel : celui-ci a en effet confirmé le 20 mai que, si les langues régionales appartiennent bien au patrimoine de la France, elles ne confèrent aucun droit. Or notre collègue Robert Navarro nous propose au contraire de reconnaître des droits spécifiques à certains citoyens, sur des territoires déterminés.

Fort heureusement, le principe de liberté d’expression ne s’oppose nullement à la possibilité dans notre pays de s’exprimer en langue régionale. Mais tirer partie d’une possibilité n’est pas exercer un droit !

Enfin, je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais, connaissant la situation financière de notre pays et au vu des coûts que pourrait induire cette réforme, à tous les échelons, je m’interroge sur la manière dont pourraient être financées de telles dépenses.

Une approche pragmatique des coûts induits a-t-elle été faite par les auteurs de la proposition de loi ? Je sais ce que cette question a de vulgaire s’agissant de culture, mais, à l’heure où il est établi que 3, 1 millions de Français souffrent d’illettrisme, avant de rendre obligatoires les langues régionales pour tous dans leur région, ne faut-il pas plutôt que le budget de l’État soit prioritairement consacré à remédier à cette situation catastrophique et militer pour un renforcement des moyens consacrés à l’enseignement de notre langue ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion