Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 13 janvier 2022 à 16h00
Audition d'internes et de jeunes médecins : M. Gaëtan Casanova président de l'intersyndicale des internes isni Mme Mathilde Renker présidente de l'intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale isnar-img dr thiên-nga chamaraux tran vice-présidente en charge de la médecine hospitalière de jeunes médecins dr agathe lechevalier présidente du regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants reagjir

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, président :

Merci pour le caractère très direct de vos propos !

Dr Thiên-Nga Chamaraux Tran, vice-présidente en charge de la médecine hospitalière de Jeunes médecins. - Je vous remercie d'avoir invité Jeunes médecins pour témoigner devant votre commission. Je remercie également mes collègues qui ont dû se réorganiser pour que je puisse venir devant vous aujourd'hui.

Je suis médecin anesthésiste-réanimatrice et j'exerce en tant que praticien hospitalier en réanimation chirurgicale aux hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Je fais également partie des médecins à l'origine de la minute de silence qui a actuellement lieu tous les vendredis à 14 heures sur le parvis des hôpitaux, qui prend actuellement de l'ampleur.

Je témoigne en tant que vice-présidente de Jeunes médecins en charge de la médecine hospitalière.

Jeunes médecins est un syndicat professionnel représentant près de 5 000 adhérents de toutes les spécialités, tous modes d'exercice confondus. Son but est de défendre les jeunes médecins, sans parti pris pour une spécialité ou un mode d'exercice.

Comme beaucoup de soignants, les jeunes médecins mettent l'intérêt général au centre de leur exercice et s'attachent à défendre leurs missions auprès du public.

L'intérêt de votre commission est majeur : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a en effet récemment alerté sur le risque d'effondrement de notre système de santé, notamment à cause de la pandémie de covid. Cet effondrement aura notamment lieu du fait de la souffrance des soignants. Celle-ci atteint son paroxysme, alors que les moyens pour soutenir les soignants sont si pauvres que les experts de l'Observatoire national de la qualité de vie au travail ont récemment démissionné.

Or cette souffrance a un retentissement sur le système de santé, car elle aboutit à la fermeture de lits faute de soignants, épuisés, parfois en arrêt maladie ou qui quittent leurs fonctions, dégoûtés par un Ségur qui n'a pas été à la hauteur et qui s'est même avéré cynique.

La revalorisation n'a concerné que les praticiens hospitaliers nommés depuis 2020. Pire, des mesures ont été prises pour déclasser les praticiens hospitaliers plus anciens qui étaient sur le front du covid. J'ai ainsi été déclassée de l'échelon 4 à l'échelon 1 en janvier 2021. D'anciens internes que j'ai encadrés pour leur mémoire de thèse ou de diplôme d'études spécialisées (DES) ont été nommés échelon 2. J'en suis heureuse pour eux, mais je ne comprends pas cette iniquité.

Jeunes médecins a d'ailleurs déposé un recours auprès du Conseil d'État, et plus de 8 000 praticiens hospitaliers ont saisi le tribunal administratif pour contester ce reclassement.

Le Ségur, qui concerne également les paramédicaux, n'a pas été suffisant à leur niveau et n'a pas permis de juguler l'hémorragie de soignants.

Dans mon CHU, on estime que 200 à 260 lits ont été fermés par manque de personnel paramédical. Les chiffres restent toutefois opaques.

Tout cela se passe dans un système de santé hospitalo-centré en termes de formation et de prise en charge. En effet, il faudrait profiter de ce contexte d'ouverture et du numerus apertus pour former plus de médecins généralistes, quitte à ce que ceux-ci se spécialisent dans une discipline ambulatoire supplémentaire, comme la pédiatrie, la gynécologie médicale ou les urgences.

Il faudrait également permettre aux internes d'accéder à davantage de stages ambulatoires et les former à la gestion des cabinets. Cette formation logistique est trop parcellaire au cours de leur internat. Cela aiderait à créer des maisons de garde pluriprofessionnelles de premier recours, permettant ainsi de désengorger les urgences, un des seuls remparts face à une désertification médicale galopante.

Quant à l'interconnexion ville-hôpital, elle est insuffisamment exploitée du fait de logiciels médicaux pluriels. Les professionnels sont insuffisamment formés au logiciel unique, comme l'espace numérique de santé (ENS), qui a succédé en début d'année au dossier médical partagé (DMP). La convergence de ces logiciels permettrait de faciliter les échanges et surtout d'améliorer la prise en charge des patients.

Un nouveau statut unique de praticien hospitalier doit prochainement voir le jour concernant l'exercice mixte. Or il ne répond pas aux besoins actuels concernant le resserrement du lien entre ville et hôpital à cause d'une clause de non-concurrence, qui empêchera les praticiens hospitaliers d'exercer dans un rayon de dix kilomètres, en contradiction avec l'objectif initial de ce nouveau statut.

Quant aux mesures prises en faveur de l'attractivité hospitalo-universitaire, elles sont insuffisantes. Il serait nécessaire de revaloriser les salaires de ceux qui s'engagent dans cette voie tout au long de leur carrière, et d'intégrer leur temps de travail hospitalier dans le calcul de la retraite, ce qui n'est pas encore fait.

Il faudrait également plus de transparence et de visibilité pour ceux qui veulent s'engager pleinement dans cette carrière, qui en déçoit plus d'un.

Enfin, du fait des changements sociétaux, il faut porter une attention particulière à l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Voici un panorama des difficultés actuelles et quelques solutions proposées par Jeunes médecins. Nous vous avons également remis, en début de séance, notre Livre blanc, qui comporte des propositions portant sur d'autres champs d'action.

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