De plus, la France, par son mode de scrutin majoritaire, est très isolée en Europe. Ce mode de scrutin a des avantages mais également des inconvénients importants. Ceux que l'on appelle « les extrêmes » auraient peut-être été moins extrêmes s'ils avaient participé, échangé et été intégrés à un débat parlementaire. Le mode de scrutin est fait pour cela. Quand nous avons un raisonnement institutionnel plus que politique, des changements peuvent survenir. Il existe beaucoup de missions d'information et de groupes de travail sur les institutions. Toutefois, systématiquement, cette question est passée par pertes et profits. Il est inutile de renforcer le pouvoir du Parlement, qui détient déjà tous les pouvoirs qui conviennent mais encore faut-il qu'il les utilise.
Cette question me semble en lien avec la problématique de la culture citoyenne car la perception que peuvent avoir les citoyens des institutions et de leur utilité est très importante. Les institutions sont prises pour un pur jeu de complicité ou d'affrontement partisan, où chacun joue un rôle dans une sorte de théâtre d'ombres ; au sein duquel tout est calculé à l'avance ; l'initiative des parlementaires, ou même des citoyens, ne compte pas.
Nous pouvons nous inspirer d'exemples étrangers. De nombreuses commissions ont réfléchi aux questions de la représentation proportionnelle et des initiatives référendaires.
Le référendum d'initiative partagée (RIP) introduit en 2008 à l'article 11 de la Constitution n'a pas pu fonctionner pour Aéroports de Paris puisqu'un nombre extrêmement élevé de citoyens était nécessaire pour solliciter les parlementaires afin de soumettre un référendum. Cet article de la Constitution est perçu par les citoyens non seulement comme un déni, mais comme une provocation. Un collègue, par ailleurs membre de la commission de réflexion sur les institutions ayant abouti à la révision constitutionnelle, m'a indiqué que la réforme de 2008 n'était pas pensée pour le référendum mais qu'elle était centrée sur les pouvoirs du Parlement, ce qui relève d'un certain cynisme. Le référendum ne doit pas être perçu comme une volonté de donner un coup de boutoir contre ce qu'on appelle la démocratie représentative ni contre le Parlement.
Ainsi que l'avait pensé le grand juriste Raymond Carré de Malberg sous la IIIe République, le contrôle de constitutionnalité - qui a beaucoup de défauts -, le référendum - qui peut en avoir - et le gouvernement représentatif peuvent se mêler pour trouver un équilibre satisfaisant afin de pouvoir, selon le cas, débloquer des situations et solliciter des citoyens ou le Parlement.
En matière de contrôle, il n'existe pas mieux que le Parlement. Rappelons que le Sénat a sauvé l'honneur dans l'affaire dite Benalla ! Le Sénat est exemplaire dès lors qu'il veut bien mettre à distance cette ritournelle sur la représentation des collectivités territoriales et reprendre, enfin, son rôle de législateur et de représentant du peuple. Quand le Sénat exerce ses prérogatives, sa réputation est excellente dans l'opinion publique : il prouve qu'il est possible de réinstitutionnaliser la politique.
Dans d'autres pays, il existe parfois la représentation proportionnelle, un rôle très important donné au Parlement ou une institution référendaire. Cette dernière est pratiquée aux États-Unis dans certains États fédérés. En Suisse, il existe des consultations et des combinaisons qui permettent de faire fonctionner un système évidemment très compliqué.
Je suis radicalement hostile au droit de vote à 16 ans et au vote numérique.
Le droit de vote à 16 ans me semble être une mesure complètement démagogique. Que recouvre l'expression « les jeunes » ? Il n'y a aucun rapport entre un jeune bourgeois des villes ou un citoyen de la France périphérique des campagnes. À supposer que les jeunes forment une entité homogène sociologiquement, le droit de vote à 16 ans posera certainement une question de maturité car cette population est extrêmement influençable, surtout aujourd'hui, par les réseaux sociaux et Internet. Je suggérerais plutôt de laisser les jeunes vivre leur jeunesse mais de les impliquer vraiment lorsqu'ils seront citoyens.
Le vote électronique me paraît extrêmement néfaste également, même si ce terme recouvre des outils variés, allant de la machine à voter - à laquelle je ne suis pas très favorable - au vote par un tweet ou une application. Le vote par le biais d'une application aurait l'effet extrêmement néfaste de désacraliser et décérémonialiser l'acte de vote, alors qu'il s'agit de l'un des rares moments où les citoyens peuvent se retrouver dans un acte qui n'est pas commandé par un intérêt individuel. Si nous individualisations l'acte de voter, ce moment solennel sera supprimé.