Intervention de Bruno Daugeron

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 16 février 2022 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno dauGeron professeur des universités en droit public directeur du centre maurice hauriou

Bruno Daugeron, professeur des universités en droit public et directeur du Centre Maurice Hauriou :

Je pense que nous ne pouvons pas mener une réflexion sur la question qui nous occupe aujourd'hui en nous passant d'une réflexion plus globale sur le fonctionnement des institutions.

Concernant la Ve République, je ne pense pas que le quinquennat ait été satisfaisant du point de vue institutionnel.

En effet, il existe une sorte de fusion entre le temps présidentiel et le temps législatif qui élude le débat sur les élections législatives. Ces élections n'étant plus que la confirmation de l'élection présidentielle, elles permettent en quelque sorte de ratifier un programme présidentiel dont on ne vérifiera absolument pas s'il a été appliqué.

Le fait que la fonction du Président de la République ne corresponde plus à celle qui était prévue dans les institutions au départ - même si rien n'est jamais figé - me semble problématique.

J'ai l'habitude de dire qu'il n'y a pas une Ve République, mais plusieurs. Il existe une seule Constitution, mais plusieurs pratiques institutionnelles radicalement différentes. Nous sommes dans une nouvelle Ve République, post-gaulliste et présidentialiste, où le Président de la République a conservé des pouvoirs très importants de la Ve avec des moeurs de la IVe République. En raison de cette conjonction, il existe une autorité, mais elle est au service d'un engagement partisan, ce qui me parait extrêmement néfaste. Je pense en effet que l'inversion du calendrier électoral n'était pas souhaitable, de même que l'adoption du quinquennat. Concernant la culture citoyenne, certains éléments pourraient réintroduire de l'équilibre sans bouleverser le système actuel.

Par exemple, le référendum, voire le référendum d'initiative citoyenne ou populaire, pourrait être davantage pratiqué.

En Suisse, la votation populaire peut avoir lieu dès que 100?000 citoyens en font la demande. Dans certains cantons, des citoyens peuvent voter jusqu'à vingt-cinq fois par an sur des sujets complètement différents, sans que cela soit considéré, dans la lignée de ce que nous connaissons en France depuis le Second Empire, comme une sorte de coup d'État césarien déguisé qui viserait à prolonger le pouvoir du Président de la République.

Parfois, certaines décisions peuvent relever du référendum. Son champ peut être défini de manière empirique, politique et discrétionnaire. En effet, celui qui a la possibilité de soumettre le référendum considère en son âme et conscience qu'il est bon de le soumettre au corps électoral. Dans d'autres circonstances, en fonction du sujet, il sera jugé plus opportun que la question soit soumise au Parlement.

Si ce que l'on appelle la démocratie doit se limiter à une élection présidentielle une fois tous les cinq ans, avec des élections législatives purement confirmatives, cela ne fonctionne plus. Notre système est stable mais le charme est rompu.

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