Intervention de Bruno Daugeron

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 16 février 2022 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno dauGeron professeur des universités en droit public directeur du centre maurice hauriou

Bruno Daugeron, professeur des universités en droit public et directeur du Centre Maurice Hauriou :

Je ne peux que partager votre inquiétude. Nous touchons à un problème institutionnel. Tant que l'on n'aura pas instauré un seuil en deçà duquel une élection ne peut pas être considérée comme acquise, on se prévaudra de l'élection, non comme une légitimité mais comme une légitimation artificielle.

L'élection - j'y ai consacré ma thèse - est un outil très ambigu. On lui prête des vertus, notamment d'exercice de la souveraineté, qu'elle ne possède pas. Élire quelqu'un revient simplement à nommer quelqu'un. Ce n'est pas l'élection qui fait ses pouvoirs ni sa légitimité.

Si l'élection devient, non pas une marque de confiance, mais une instance de légitimation, le problème que vous soulignez de distorsion entre les institutions et les citoyens risque d'être à son comble. On a le sentiment tout simplement que des citoyens font sécession. On voit bien qu'un certain nombre de personnes, dans le monde rural en particulier, ne comptent plus sur les institutions et ne votent plus car ils ne se perçoivent plus comme des citoyens intégrés. Ces personnes se disent que l'opinion se fait ailleurs, en l'occurrence sur Internet et les réseaux sociaux.

Une certaine professionnalisation politique fait beaucoup de mal aux institutions. S'il est bénéfique d'avoir rompu avec certains aspects de la IVe République, il faut tout de même rappeler qu'alors on venait s'exprimer au Parlement : ce n'était pas le journal de 20 heures ou le dernier tweet qui faisait l'institution. Les institutions étaient alors politisées et prises au sérieux. Or on a le sentiment qu'elles sont aujourd'hui vidées de leur substance.

Je n'ai pas de solution à proposer pour repolitiser les institutions. Cela ne peut dépendre que de moeurs individuelles. La situation me semble très dangereuse car je crains qu'une rupture ait lieu. Mais on ne sait pas quelle forme elle prendra...

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