Merci de nous donner l'occasion, à la veille de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), d'échanger sur la réponse de l'Union européenne au développement de la puissance chinoise. Nous nous inspirons des principales conclusions de notre récent rapport d'information, présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en octobre dernier, intitulé La France peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIe siècle chinois??? Nous l'avons réalisé non seulement à quatre mains, mais avec l'apport de nos collègues André Gattolin, Édouard Courtial et Jean-Noël Guérini.
Nous sommes partis du constat que, depuis notre précédent rapport sur les nouvelles routes de la soie, datant de 2017-2018, l'influence chinoise - économique, politique, mais aussi culturelle au sens large, ce que l'on appelle le soft power - a progressé partout en Europe.
En revanche, la prise de conscience européenne a émergé lentement, et récemment, mais, semble-t-il, sûrement. Nous avions été stupéfaits, lors de la rédaction de notre précédent rapport : nous avions interrogé les représentants de l'Union européenne sur le sujet... silence radio?; c'était presque une fin de non-recevoir ! À l'issue de ce second rapport, trois ans plus tard, le sursaut et la prise de conscience ont eu lieu.
Le concept chinois des nouvelles routes de la soie, récemment dénommé Belt and Road Initiative, pour décrire la ceinture d'infrastructures et la route reliant la Chine au reste du monde, est un concept mondial ambitieux. Il s'agit de bâtir, depuis la Chine jusqu'à l'Europe, l'Afrique et l'Amérique latine, des routes commerciales terrestres, ferroviaires, maritimes et numériques, mobilisant des centaines de milliards de dollars d'investissements sur plusieurs décennies.
En Chine, l'économie n'est jamais loin de la politique. Nous avions mis en lumière, dans notre précédent rapport, cette ambiguïté entre la proposition économique, qui n'est d'ailleurs pas sans risques, et celle, plus politique, d'offre alternative au modèle occidental.
Ce projet extrêmement ambitieux a rencontré les attentes de nombreux territoires qui peinaient à trouver des financements, tant dans des zones en développement - Afrique, Asie centrale - que dans des pays plus avancés, notamment en Europe centrale, orientale et méridionale, qui devaient rattraper rapidement un déficit d'infrastructures, en dépit des crédits européens.
Quant aux moyens, les autorités chinoises ont été capables d'actionner à la fois le secteur public et le secteur privé, grâce à un pilotage politique par l'État et à leur puissance financière considérable. Selon certaines estimations, les investissements chinois cumulés des routes de la soie dépasseraient 1 200 milliards de dollars d'ici à 2027.
Ce projet global est donc bien un défi pour l'Europe et pour sa place dans le monde.
Dans les pays d'Europe centrale, orientale et méridionale, la présence chinoise s'est affirmée dans l'économie, ainsi qu'en matière politique, par l'instauration d'un dialogue de haut niveau, au format dit « 16+1 ».
La Chine a su parfaitement saisir le déséquilibre en infrastructures entre les pays de l'ouest et ceux de l'est et du sud de l'Europe. Cependant, ces derniers ont surtout reçu des promesses d'infrastructures assorties de prêts à rembourser avec intérêts. La Chine a aussi constitué un véritable réseau d'organisations influentes à Bruxelles, qui agissent comme autant de leviers venant soutenir ses efforts diplomatiques et sa stratégie de soft power.