Intervention de Gisèle Jourda

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 décembre 2021 à 8h30
Politique étrangère et de défense — La réponse européenne au développement de la puissance chinoise - communication

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Je vais vous présenter nos principales recommandations. Nous nous concentrerons ici sur l'essentiel, en renvoyant au rapport précité pour le détail de nos 14 recommandations, qui s'articulent autour de quatre axes.

Le premier axe est de faire face aux moyens mis en oeuvre par la Chine pour déployer sa puissance en Europe. Nous avons formulé cinq recommandations.

Premièrement, pour l'Union européenne, les investissements directs à l'étranger (IDE) de la Chine représentent 294 milliards de dollars entre 2005 et 2019. Ils se concentrent dans des domaines stratégiques : 54 % concernent les secteurs de l'énergie et des transports. La Cour des comptes européenne a alerté dans un rapport de 2020 sur la nécessité pour l'Union de répondre à la stratégie d'investissement étatique de la Chine, recommandation à laquelle nous souscrivons. L'Union européenne et la France doivent encourager les efforts entrepris pour recenser le plus exactement possible les investissements et les prêts chinois. Nous devons inciter la Chine à appliquer les règles du Club de Paris, afin d'éviter que les pays qui contractent des prêts auprès des banques chinoises ne tombent dans le piège de la dette et ne soient obligés de céder leur souveraineté sur de grandes infrastructures stratégiques.

Notre deuxième recommandation part du constat que la Chine a su investir les instances internationales pour devenir une puissance normative dans le domaine numérique, mais aussi, ce qui se sait moins, dans le domaine alimentaire. Nous recommandons donc que l'Union européenne et la France y prêtent une attention soutenue. Pour cela, il faut accroître les moyens humains et financiers afin de renforcer notre présence dans les instances internationales de normalisation, y compris les plus techniques.

La pénétration du marché européen s'appuie sur une extraordinaire économie de la contrefaçon, favorisée par le développement du commerce électronique. Notre troisième recommandation vise la défense de la propriété intellectuelle, des brevets, des processus de production et des savoir-faire.

J'en arrive à notre recommandation sur le format « 16+1 ». Il est en perte de vitesse?; on voit la Lituanie quitter le format et s'exposer à de fortes menaces commerciales. L'intérêt du format est moins évident, mais le coût pour en sortir se veut clairement dissuasif. Il importe que les États membres de l'Union européenne qui y participent restent attentifs au plein respect des normes communautaires. Des positions communautaires au sein du format devraient être définies, avec le concours de la Commission européenne et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), afin de défendre au mieux les intérêts des États membres et d'éviter que la cohérence communautaire ne soit prise en défaut.

Depuis quelques années, l'influence se confond avec l'ingérence, selon la vieille pratique dite du « front uni ». Pour y répondre, il nous apparaît urgent de renforcer les services de l'État et de l'Union européenne, tels que le SEAE, afin qu'ils puissent mieux identifier ces modes d'action sur le territoire européen et déceler les campagnes d'influence et de désinformation. Les prescriptions de ces services doivent être suivies, tant au niveau de l'État que des collectivités territoriales, mais aussi de toutes les institutions publiques, notamment les universités, sur lesquelles notre collègue André Gattolin a rendu un rapport éclairant.

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