Le deuxième axe est de réagir à l'avance technologique prise ou en passe d'être prise par la Chine.
Nous estimons que la législation française mise en place sur la 5G est adaptée. Il convient toutefois de rester attentif à l'évolution des risques sur l'ensemble du territoire européen. Tous les pays n'ont pas le même niveau d'expertise sur ces questions. La capacité de la France et de l'Europe à soutenir l'émergence d'acteurs alternatifs aux grands équipementiers non européens de cet écosystème est l'une des conditions sine qua non pour garantir notre souveraineté.
Notre septième recommandation concerne les batteries. Le règlement européen en préparation doit faire en sorte que nous résorbions le retard européen dans le domaine de la production de batteries en Europe et que nous édictions les mêmes obligations environnementales, élevées, à l'égard des batteries importées.
La huitième recommandation porte sur le domaine spatial, enjeu de souveraineté majeur. La France et l'Union européenne doivent agir pour préserver notre place dans ce domaine.
J'en viens à la digitalisation et l'internationalisation de la monnaie chinoise, qui doivent faire l'objet d'une attention particulière. La Chine vise à proposer une alternative au système de paiements bancaires internationaux Swift. La digitalisation et l'internationalisation du yuan et de l'euro sont des sujets encore sous-estimés du développement financier et économique mondial de court terme. Il y a là, à notre sens, un impensé regrettable au regard des enjeux, et nous recommandons d'encourager l'Union européenne à prendre à bras-le-corps les sujets de la digitalisation de l'euro et de son rôle dans le système monétaire international. L'Union européenne ne doit pas prendre plus de retard dans ce domaine.
J'ai assisté à un petit-déjeuner hier avec le diplomate Alexandre Orlov, qui expliquait que, entre autres sanctions, les Américains envisageaient d'exclure les Russes du système Swift. La réponse russe consiste à dire qu'ils intègreront le système chinois, rendant de facto la sanction inopérante.
Le troisième axe consiste à définir une stratégie géopolitique européenne tenant compte de l'accession prochaine de la Chine au statut de première puissance mondiale.
S'agissant de la boussole stratégique européenne et de la stratégie européenne dans l'Indopacifique, nous recommandons que la France joue un rôle moteur, lorsqu'elle assumera la présidence du Conseil de l'Union européenne. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) doit être rééquilibrée politiquement et ne doit pas s'organiser uniquement autour de la rivalité sino-américaine, mais bien pourvoir à la défense euro-atlantique.
Enfin, l'Union européenne doit s'affirmer comme une puissance géostratégique stabilisatrice. Pour cela, elle doit étudier les moyens de développer son régime de sanctions politiques comme économiques et envisager cet outil de puissance sous toutes ses facettes : sanctions, droit extraterritorial européen, contrôle des exportations, notamment pour ce qui concerne les technologies de rupture, la lutte contre la corruption et le contrôle des investissements. Nous sommes extrêmement fermes sur ce point.
L'Union européenne comme la France doivent également continuer de mener un dialogue de haut niveau lucide et exigeant avec la Chine, sur les sujets qui constituent désormais les lignes rouges de la politique étrangère chinoise : le Tibet, Hong Kong, Taïwan, le traitement des minorités musulmanes du Xinjiang, la liberté de navigation, y compris en mer de Chine, les droits de l'homme. Il est indispensable que les États membres de l'Union européenne veillent à leur unité sur ces sujets.
Last but not least, le quatrième axe est de trouver le chemin d'une relation commerciale équitable avec la Chine.
Des efforts doivent être déployés pour mieux l'arrimer aux bonnes pratiques de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Je ne ferai qu'évoquer le sujet pourtant majeur du statut de pays en développement dont la Chine continue de bénéficier à l'OMC, alors qu'elle n'en a manifestement plus les attributs. Au-delà, il nous paraît nécessaire de soutenir l'adhésion de la Chine à l'accord plurilatéral sur les marchés publics de l'OMC, sous réserve que ne soient pas exclus de son champ d'application les provinces et les universités chinoises ni les projets développés dans le cadre de la politique chinoise des nouvelles routes de la soie.
L'AGI étant gelé, nous devons, sans céder en rien sur la défense des droits de l'homme, parvenir à mettre en oeuvre des relations commerciales équitables, équilibrées et transparentes. Nous recommandons d'examiner comment s'appliqueront aux entreprises européennes les lois chinoises sur le contrôle des exportations et sur la cybersécurité, et, le cas échéant, de porter ces questions devant les instances multilatérales.
Enfin, il est nécessaire de renforcer la transparence des marchés chinois, afin d'établir un environnement prévisible pour les entreprises européennes.
La naïveté n'est plus de mise face à la puissance chinoise en Europe. Nous avons constaté la mobilisation de nos interlocuteurs européens, à tous les niveaux.