La France a un rôle déterminant à jouer, elle qui plaide pour le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne depuis longtemps.
Sa présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022 devra donner à l'Union l'impulsion nécessaire pour prendre en compte, dans sa boussole stratégique et sa stratégie indopacifique, les réalités que nous venons de rappeler.
Nous devons maintenir les coopérations et le dialogue avec la Chine, afin de progresser avec elle sur la protection de l'environnement : l'Europe ne peut se désintéresser de la fragilité de l'Indopacifique face au dérèglement climatique, à la montée des eaux et à la raréfaction de la ressource halieutique. La France, puissance européenne dans cette zone stratégique, est particulièrement concernée par ces dangers, parce qu'elle y possède des territoires et la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale en superficie. La délégation aux outre-mer se penche actuellement sur la question de la place de nos ports dans ces régions. Je vous recommande de suivre ces travaux, qui révèlent des réalités insoupçonnées.
Il nous faudra enfin mener un dialogue exigeant en termes de défense des droits de l'homme avec la Chine.
La PFUE intervient dans un moment de bouleversement géostratégique et devra permettre à l'Europe d'en sortir renforcée.
En conclusion, j'évoquerai l'initiative européenne dite Global Gateway.
La pandémie n'a pas permis à la Chine d'améliorer son image. Celle-ci s'est aussi dégradée dans le cadre des projets liés aux routes de la soie, jugés souvent peu respectueux des questions sociales et environnementales et des règles de transparence dans les appels d'offres, et engendrant de la corruption et du surendettement payé très cher, contre cession d'infrastructures vitales.
L'Europe ne peut se trouver marginalisée face aux deux grands axes Chine-Russie, d'une part, et États-Unis et ses alliés anglo-saxons, d'autre part.
Dans ce contexte, vient à point nommé l'initiative dite Global Gateway - bien qu'elle ne soit pas traduite officiellement, on pourrait la traduire par « porte ouverte sur le monde » plutôt que par « portail global » ou « passerelle globale » - que vient de présenter la Commission européenne la semaine dernière, après que sa présidente l'eut annoncée dans son Discours sur l'état de l'Union en septembre dernier : l'Europe veut « créer des liens, pas des dépendances ?! », affirmait Mme von der Leyen.
Il s'agit d'un programme d'investissements massifs, au niveau mondial, dans les infrastructures physiques durables - câbles en fibre optique, réseaux numériques, de transport et d'énergies propres -, mais aussi dans l'éducation et la recherche, pour plus de 300 milliards d'euros entre 2021 et 2027. Il vise à construire, en pleine concertation avec les pays partenaires, un environnement garantissant des conditions de concurrence équitables, dans le respect de normes sociales, environnementales, éthiques, de propriété intellectuelle et d'accès aux marchés publics.
Son financement puisera à de multiples sources : il sera abondé par de nouveaux instruments financiers, comme l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, dit NDICI-Global Europe, adopté en juin 2021 et doté de 79 milliards d'euros?; le Fonds européen pour le développement durable plus (FEDD+) mettra à disposition jusqu'à 135 milliards d'euros au titre de la garantie pour l'action extérieure de l'Union. En outre, l'instrument d'aide de préadhésion (IAP), doté de plus de 14 milliards d'euros, ainsi qu'Interreg, InvestEU et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon Europe mobiliseront les capacités d'investissement, avec le soutien de la Banque européenne d'investissement (BEI), de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et, ajoute la Commission, du secteur privé. On ne peut manquer de relever que ces divers instruments financiers sont déjà appelés à être mobilisés dans le cadre d'autres programmes, ce qui relativise la portée de l'annonce européenne de Global Gateway.
Cette initiative sera « mutuellement renforcée », selon la Commission, par l'initiative américaine Build Back Better World, conformément aux engagements pris main dans la main avec l'Union européenne par les États-Unis lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2021 (COP26).