Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 décembre 2021 à 8h30
Éducation — Liberté académique en europe - communication proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur :

Avant tout, je souhaite remercier Pascal Allizard et Gisèle Jourda pour le travail qu'ils ont accompli. Ils ont travaillé avec une vision globale nécessaire, l'influence de la Chine étant systémique. Nous avons besoin en complément d'examiner cette influence de manière approfondie, domaine par domaine.

Un rapport de nos collègues sénateurs italiens montre la manière dont la Chine s'empare des objectifs de l'Europe et des pays développés, à savoir la transition numérique et écologique : alors qu'elle ne respecte aucun de ses engagements climatiques et environnementaux, la Chine a massivement investi dans la recherche sur les smart technologies de transition environnementale. Nous risquons de devenir dépendants d'eux dans ce domaine : sous couvert d'un prétendu multilatéralisme, la Chine n'est plus seulement la fabrique du monde et investit de façon anticipée sur les domaines dont elle sait qu'ils intéresseront les Européens.

Comme vous le savez, j'avais proposé que le Sénat engage une mission d'information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français. J'en ai été nommé rapporteur en juin. Nos travaux, adoptés fin septembre à l'unanimité, ont été très bien reçus dans le monde académique et auprès des services de l'État, économiques mais aussi de renseignement, chargés de ces questions.

Dans le temps limité qui nous était imparti, nous n'avons malheureusement pas pu nous intéresser autant que nous l'aurions souhaité à la situation de nos voisins européens. J'ai donc voulu prolonger le travail de la mission en vous présentant une proposition de résolution européenne ainsi qu'un avis politique.

Dans le cadre de la mission d'information, nous avons identifié un spectre d'interventions extra-européennes de gravité variable, allant de la simple influence, diplomatie culturelle et scientifique - le traditionnel soft power -, à la trahison et à l'espionnage. Ces derniers concernent la sécurité nationale et relèvent du champ de compétence exclusif des États membres, qui s'appuient sur leur arsenal juridique et leurs services de renseignements.

En accord avec le président Rapin, co-rapporteur avec moi sur les sujets « recherche » au sein de notre commission, il m'a semblé pertinent, en vue de la présentation de cette proposition de résolution européenne, de réfléchir sur les pratiques d'interférence et d'ingérence dites douces, une zone grise qui n'est définie ni sur le plan académique ni sur le plan pénal. Nous disposons d'instruments de protection pour certains domaines académiques, mais il y a un vide sur les sciences humaines et sociales, considérées non stratégiques alors que beaucoup s'y joue.

La division des communications stratégiques du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), nommée STRAT.2, qui lutte contre la désinformation et les manipulations d'informations émanant d'acteurs étrangers, nous a confirmé que les principales ingérences dans ce domaine viennent de Chine. Pour autant, ma démarche se veut agnostique : nous n'ignorons pas les actions d'autres acteurs comme la Turquie et l'Azerbaïdjan. Concernant la Chine, elles prennent des formes diverses, visant en majorité à contrôler le discours porté sur ce pays, notamment en censurant les sujets sensibles comme Taïwan, le Tibet, les Ouïghours ou encore la surveillance de la population.

La Hochschulrektorenkonferenz, qui rassemble la plupart des établissements allemands d'enseignement supérieur et de recherche, nous a ainsi indiqué que, en 2018, 26 % des sinologues allemands déclaraient avoir été empêchés dans leurs recherches, 9 % avoir déjà été convoqués par les autorités chinoises, et 5 % s'être vu refuser un visa. En outre, près de 70 % d'entre eux se disaient préoccupés par la question de l'autocensure, pernicieuse car peu visible. À cet égard, la présidente de l'université de La Réunion, où se trouve un centre Confucius, nous a indiqué, lors de son audition devant la mission d'information, que lorsqu'elle a supprimé la double présidence française et chinoise de ce dernier et refusé la création d'un « institut des routes de la soie », elle a subi des remontrances de ses collègues, qui craignaient des pertes de financements et d'être privés de visa pour la Chine.

Cette volonté de contrôler le discours vise également la diaspora, notamment les étudiants chinois, fort nombreux en Europe - ils sont le premier contingent d'étudiants étrangers en Allemagne et au Royaume-Uni, et le deuxième en France. Ces étudiants sont « invités » à soutenir la ligne du parti, et on assiste là encore à des pratiques d'autocensure chez les étudiants de la diaspora, qui craignent des représailles sur leurs familles restées en Chine. De plus en plus de professeurs, lorsqu'ils font des cours sur la Chine, sont obligés de censurer leurs cours : on ne parle plus, par exemple, du problème des minorités, mais de questions démographiques diverses. Avec les cours en ligne, les signalements de la part d'étudiants se font plus précis et vérifiables : des professeurs ont ainsi pu être contactés par l'ambassade de Chine, qui dénonçait des citations précises, et précisément horodatées, souvent après un signalement par un étudiant chinois.

Dans ce cadre, les fameux instituts Confucius sont souvent mis en cause : pas plus tard qu'en octobre dernier, la présentation d'une biographie de Xi Jinping à l'institut Confucius de Hanovre a été annulée. Tout le monde s'est récemment étonné du financement par l'université de Birmingham, à hauteur de 80 000 livres, d'une étude portant sur les « méchants » parlementaires britanniques et européens critiques envers la Chine. Comment s'en étonner quand on sait que les ressources propres de certains établissements dépendent parfois à plus de 30 % des inscriptions d'étudiants chinois ? La question de l'indépendance de ces établissements est donc posée.

Toutes ces pratiques ont un point commun : elles portent atteinte à ce que l'on appelle les « libertés académiques ». J'emploie le pluriel à dessein, car le concept général de liberté académique recouvre des droits divers. Tout d'abord, il s'agit de la liberté de l'enseignement supérieur, qui implique tant le droit pour les étudiants d'étudier que celui pour les enseignants d'enseigner. Nous trouvons ensuite la liberté de la recherche, qui implique, pour les chercheurs, le droit de choisir librement leurs sujets de recherche, le libre accès aux sources et données nécessaires à leurs travaux, et le droit de disposer des résultats de leurs recherches, notamment en les publiant et en les présentant librement, y compris dans leurs cours.

Par ailleurs, pour que ces droits individuels puissent être mis en oeuvre, la liberté académique suppose l'autonomie institutionnelle des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, comme l'a précisé la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt du 6 octobre 2020.

Enfin, la liberté académique implique des obligations pour les États : la respecter, la protéger et la promouvoir.

L'Union dispose de compétences respectivement d'appui et partagées dans les domaines de l'éducation et de la recherche ; elle est donc fondée à agir pour défendre et protéger la liberté académique.

Mais que peut, concrètement, l'Union européenne ? Comme nous l'ont signalé les représentants de la direction générale chargée de la recherche et de l'innovation de la Commission européenne (DG RTD), une prise de conscience a eu lieu, en particulier depuis la publication en 2019 de la nouvelle stratégie européenne sur la relation entre l'Union et la Chine. Ce document pose les bases d'une nouvelle approche des relations sino-européennes, plus réaliste et volontariste, visant à un meilleur équilibre et à davantage de réciprocité, y compris dans le cadre des partenariats de recherche.

Au-delà du cas chinois, cet objectif a été rappelé, plus globalement, dans la communication de la Commission du 18 mai dernier sur la stratégie de coopération internationale de l'Europe en matière de recherche et d'innovation. Nous sommes donc un peu moins naïfs, même si un eurodéputé allemand du parti populaire européen (PPE) m'a confirmé que les programmes de recherches européens et les données ainsi produites restent souvent en accès libre, y compris pour nos compétiteurs.

La communication de la Commission affirme explicitement la volonté de l'Union de promouvoir une science ouverte à la collaboration internationale « dans un environnement démocratique, inclusif et favorable, sans ingérence politique, défendant la liberté académique et la possibilité de mener des recherches motivées par la curiosité, dans le respect et sous la protection de la charte des droits fondamentaux de l'UE ».

De par sa puissance scientifique - je rappelle que le programme Horizon Europe est le premier programme de recherche publique au monde -, l'Europe a la capacité pour façonner selon ses valeurs le futur espace mondial de la recherche. L'on pourrait même dire qu'elle en a le devoir, puisque c'est sur le fondement de ces principes libéraux, qui autorisent la curiosité, voire l'impertinence, mais aussi le libre partage des résultats de la recherche, que pourront s'élaborer les réponses aux grands défis mondiaux actuels.

Dans le même temps, un mouvement s'est dessiné à l'intérieur même de l'Europe visant à réaffirmer l'importance de la liberté académique en tant que fondement du succès de la recherche. Depuis le Moyen-Âge, les universités sont l'un des fondements culturels de l'Europe. Les idées des Lumières sont fondamentales dans les libertés académiques.

Ce rappel n'a rien d'anodin, compte tenu des atteintes commises dans différents pays d'Europe ces dernières années : volonté du Gouvernement hongrois de stopper le financement des études de genre sur le budget national, poursuites systématiques contre les chercheurs polonais travaillant sur la Shoah en Pologne, ou - cas paroxystique - bannissement par le gouvernement Orban de l'université d'Europe centrale de George Soros.

Il faut dire que la liberté académique a longtemps été une valeur implicite en Europe, et qu'elle ne faisait l'objet que d'un consensus tacite. Par exemple, dans le cadre du processus de Bologne, amorcé en 1999 pour créer un espace européen de l'enseignement supérieur, la question de la liberté académique n'a été discutée qu'à partir de 2017. Elle n'a fait l'objet d'une définition commune qu'en 2020.

D'ailleurs, si l'article 13 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne la mentionne explicitement, cette liberté est inégalement protégée dans les différents États membres : alors qu'elle est inscrite dans la Loi fondamentale allemande depuis 1949, en France, elle n'apparaît pas explicitement dans la Constitution, mais est reconnue depuis 1984 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Elle n'apparaît pas non plus dans la Convention européenne des droits de l'homme, et n'est protégée à ce titre que partiellement, en tant que manifestation de la liberté d'expression. En fait, plusieurs jugements de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont montré qu'il n'y avait pas de statut normatif consolidé des libertés académiques. Je pense notamment à la réforme des universités en Hongrie, pour laquelle la CJUE, dans l'arrêt mentionné précédemment, a dû se baser sur un article de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) pour condamner la Hongrie pour atteinte à la liberté académique. Le commissaire européen Didier Reynders a reconnu, lors de son audition devant la commission des affaires européennes il y a quelques jours, qu'en ce qui concerne l'Etat de droit, il était souvent nécessaire de passer par de tels détours juridiques pour défendre certaines libertés fondamentales. Au niveau du Conseil de l'Europe également, certains concepts juridiques mériteraient d'être renforcés.

Malgré ces différences d'approche entre pays, les gouvernements des vingt-sept États membres de l'Union se sont engagés, à travers la déclaration de Bonn du 20 octobre 2020, à mettre en place un système européen de surveillance de la liberté de la recherche scientifique et de protection de la recherche contre toute intervention politique. Le nouveau pacte pour la recherche et l'innovation en Europe, présenté le 16 juillet dernier, rappelle ce principe de liberté et d'intégrité de la recherche scientifique.

Le Conseil ayant approuvé le pacte et la stratégie de coopération internationale, il est maintenant temps de développer un agenda et d'élaborer des outils de suivi.

Un certain nombre d'initiatives ont été engagées, en ordre dispersé, ces dernières années : un index de la liberté académique, l'Academic Freedom index (AFi), qui concerne plus de 170 pays, a été créé par le Global Public Policy Institute et l'organisation non gouvernementale (ONG) Scholars at Risk, tandis que l'Association européenne des Universités (EUA) a mis au point un index de l'autonomie des universités dans vingt-neuf pays d'Europe. Le projet InsPIREurope, soutenu par Scholars at risk et l'EUA, aide, lui, les chercheurs de toutes nationalités en danger, grâce notamment au financement de l'Union européenne, via les actions Marie Skodowska-Curie.

Ces différentes initiatives doivent maintenant être mises en cohérence. L'Union peut jouer un rôle pour impulser une action globale et coordonnée en intégrant la protection et la défense de la liberté académique dans chacune des actions qu'elle mène en matière d'enseignement supérieur et de recherche, et en l'incluant systématiquement, en tant que liberté fondamentale, dans les démarches relatives au respect des droits de l'homme et de l'État de droit, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union.

Concrètement, la première étape serait de disposer d'un diagnostic solide de la situation, non seulement dans l'Union, mais également chez nos partenaires extra-européens. Nous suggérons donc que la Commission dresse un état des lieux de la situation en Europe et en assure le suivi.

Nous avons eu un échange avec le service STRAT.2 du SEAE, dont le discours n'est pas celui de la Commission : ils savent que l'enjeu politique est très fort et reconnaissent qu'il n'y a pas de remontée de tous les abus au niveau européen. Sur leur suggestion, nous proposons qu'un mécanisme de signalement des incidents soit mis en place, sur le modèle du Rapid Alert System récemment mis en place pour la désinformation. Le problème, c'est que tous les chercheurs ne connaissent pas les procédures de signalement qui existent déjà, par exemple en France, via le fonctionnaire de sécurité et de défense (FSD).

La dimension de respect de la liberté académique devrait par ailleurs être systématiquement incluse dans les rapports d'évaluation d'Horizon Europe et d'Erasmus+.

Une commission ad hoc, composée notamment de représentants de l'ensemble de la communauté universitaire, pourrait être chargée d'élaborer des indicateurs fiables pour évaluer le respect de la liberté académique, par pays et par institution, sur la base des indicateurs déjà existants. Ces derniers devraient également, à moyen terme, permettre la mise en place d'un classement des universités alternatif au classement de Shanghai, qui prenne en compte le respect de la liberté académique, mais aussi de l'intégrité scientifique et de l'autonomie des universités. Aujourd'hui, les trois grands classements des universités portent sur des éléments volumétriques. Si nous mettons en place des critères valorisant les valeurs précitées, nous pourrons engager un cercle vertueux. Il faut associer la communauté universitaire à cette démarche.

Enfin, pour soutenir cet effort et aider au développement de solutions innovantes, la recherche sur la liberté académique pourrait faire l'objet d'un financement spécifique dans le cadre des clusters d'Horizon Europe, en tant que grand défi sociétal, à côté de l'environnement, de la transition numérique ou du vieillissement de la population.

La Commission a annoncé la publication, dans quelques semaines, de lignes directrices pour contrer l'ingérence étrangère dans le monde académique, qui devraient comporter un volet sur la liberté académique. Je salue cette initiative, et souhaite que ces lignes directrices posent des principes de transparence sur les financements, les conflits d'intérêts et les incidents constatés. Il importe aussi que, compte tenu de la triple dimension de la liberté académique, qui comprend à la fois des droits individuels, pour les chercheurs, les enseignants et les étudiants, des droits pour les institutions académiques - en premier lieu, leur autonomie - et des obligations pour les États, ces lignes directrices puissent se décliner à l'attention de chacun de ces acteurs.

On peut relever que, pour la première fois, à la demande du Parlement européen, le programme-cadre de recherche européen, Horizon Europe, mentionne explicitement la liberté académique - c'est le considérant 72. L'eurodéputé Christian Ehler, rapporteur sur le programme Horizon Europe au Parlement européen, m'a indiqué qu'il avait obtenu ce résultat par chantage, en menaçant de ne pas faire voter le règlement si un considérant sur la liberté académique n'était pas ajouté. La Commission doit aujourd'hui en tirer toutes les conséquences, et intégrer cette dimension dans chaque accord d'association et dans toutes les conventions de participation d'entités issues de pays tiers à des actions financées par Horizon Europe.

Il est également nécessaire de créer une véritable culture de la liberté académique parmi les chercheurs, mais aussi les étudiants et les enseignants : des modules de formation obligatoires devraient être inclus pour les mobilités et programmes financés par les fonds européens, et, plus largement, des boîtes à outils pourraient être mises à disposition de l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, y compris en matière de cybersécurité. Il y a huit ans, lors de l'adoption d'une résolution, nous avions déjà souligné avec Colette Mélot l'importance, pour tous les étudiants bénéficiant d'Erasmus, d'être avertis de tels risques, notamment s'agissant des données de recherche en cours de développement.

Il faudra aussi poser la question de la conditionnalité des financements européens, que ce soit pour les établissements européens ou extra-européens participant à des programmes de recherche ou d'échanges universitaires de l'Union - la difficulté étant de ne pas punir doublement les chercheurs ou les étudiants subissant les turpitudes d'un gouvernement trop interventionniste, en les privant systématiquement de financement.

À plus long terme, il sera sans doute utile de réfléchir, avec toutes les parties prenantes, à l'opportunité d'une évolution du cadre juridique européen, afin de disposer d'outils plus opérants pour pouvoir défendre la liberté académique en Europe, y compris dans sa dimension institutionnelle.

Je conclurai en reprenant les termes de l'universitaire et spécialiste des droits de l'homme canadien, Michael Ignatieff, qui était directeur de l'Université d'Europe Centrale - qui a dû être fermée en Hongrie - de 2016 à 2021 : « Lorsque nous tentons de définir ce qu'est la démocratie, nous pensons au règne de la majorité, à l'indépendance des médias, à celle de la justice, à l'équilibre des pouvoirs. Mais cela concerne aussi, et c'est crucial, l'existence d'institutions qui se gouvernent elles-mêmes, sans interférence de la part de l'État. » En effet, la liberté académique n'est pas un privilège accordé à une caste universitaire, mais constitue une valeur démocratique fondamentale. Ses violations ne portent pas seulement atteinte à la communauté scientifique ; c'est l'ensemble de la société qu'elles affectent in fine.

Parce qu'elle a pour corollaire l'intégrité scientifique, qui implique le respect des principes de fiabilité, d'honnêteté et de responsabilité, la liberté académique est aussi un remède contre la défiance croissante envers la science. En juillet dernier, un grand retournement s'est produit dans le monde scientifique : pour la première fois, la Chine a devancé les États-Unis en matière de publications scientifiques. Selon des études réalisées par des chercheurs européens, un grand nombre de ces publications ne sont que des copies d'articles qui ont déjà été publiés dans d'autres revues. Ce phénomène a pris de l'ampleur, car le nombre de publications internationales est l'un des principaux critères d'évaluation des universités. Ne soyons pas naïfs et protégeons nos travaux. En assurant une éducation libre, plurielle, contradictoire, qui éveille l'esprit critique, la liberté académique est aussi un remède contre le repli sur soi, le communautarisme, l'atrophie du débat public.

Pour toutes ces raisons, la France doit, lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne, mettre cette question tout en haut de son agenda. Nous avons soumis un grand projet de conférence avec les vingt-sept États membres et leurs partenaires, mais nous n'avons pas encore reçu de réponse à ce sujet. Nous voulons rappeler au Gouvernement qu'il ne faut pas abandonner ce qui a été engagé lors de la présidence allemande, la présidence slovène n'ayant pas été très allante en la matière.

La Commission européenne a fait de la recherche et de l'innovation l'un des cinq piliers de sa stratégie géopolitique globale, dévoilée le 1er décembre dernier, en insistant sur la nécessité de partenariats fondés sur les valeurs démocratiques, la transparence, la réciprocité et la sécurité. Lorsque je me suis entretenu avec les responsables européens de la direction en charge de la recherche et de l'innovation. Ils ont indiqué que la liberté académique n'était pas un programme de recherche en soi. Certes, mais celui-ci inclut de nombreux éléments de recherche avec des pays tiers. Nous devons donc, là aussi, poser plus fermement des conditions.

Dès lors, une déclaration de haut niveau reconnaissant la liberté académique non pas comme l'une des valeurs, mais en tant que socle de toute coopération internationale dans le domaine de l'enseignement supérieur et la recherche, serait une étape clef dans la mise en place d'une véritable diplomatie scientifique et universitaire européenne.

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