C'est un réel plaisir d'accueillir aujourd'hui au Sénat le vice-président de la Commission européenne, M. Maros efèoviè. Nous avons la joie de nous rencontrer occasionnellement à Strasbourg, lors des sessions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, dont vous présidez le groupe de travail Santé, auquel j'appartiens. Mais il est rare de vous recevoir au Sénat et nous sommes très sensibles à votre présence ici, dans les circonstances difficiles que nous connaissons.
Nous vous remercions d'être venu jusqu'à nous, parlementaires français, car nous sommes particulièrement avides d'un dialogue direct avec la Commission européenne, sur un sujet qui nous concerne au premier chef du fait de notre position géographique : la nouvelle relation à construire entre l'Union européenne et le Royaume-Uni après le Brexit, intervenu il y a treize mois. Vous avez, en effet, pris le relais du négociateur Michel Barnier pour assurer le suivi des accords qu'il a obtenus, et vous représentez l'Union au Conseil de partenariat établi par l'accord de commerce et de coopération. Ce n'est pas une sinécure, car notre partenaire britannique est remuant et les soubresauts de politique intérieure qu'il connaît le conduisent souvent à la surenchère, avec des discours mystificateurs sur les bénéfices du Brexit - malgré un soutien public aux régions britanniques clairement en recul - et avec l'annonce d'un projet de loi « libertés du Brexit », pour s'affranchir des lois héritées de l'Union européenne.
Vous avez déjà fait des concessions au gouvernement britannique, mais vous avez maintenu l'unité entre les vingt-sept en posant deux limites claires : ne pas renégocier le protocole, mais aménager sa mise en oeuvre pratique, et ne pas renoncer à la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Outre ceux qu'a évoqués le Président Cambon, nous avons deux sujets de préoccupation principaux. D'abord, la gestion des flux migratoires à travers la Manche, sur laquelle nous avons déjà échangé. Les drames humains que nous vivons quotidiennement dans ces territoires ne peuvent pas durer : la Manche étant devenue une frontière extérieure de l'Union, cette question ne peut plus relever exclusivement d'accords bilatéraux comme ceux du Touquet et de Sandhurst, qui ont montré leurs limites. La Commission européenne entend-elle engager l'Union dans la négociation d'un accord euro-britannique dédié à la gestion de cette frontière ?
Nous sommes aussi très inquiets pour l'avenir de nos pêcheurs. Les Britanniques n'ont toujours pas accordé toutes les licences de pêche que ceux-ci sont en droit de recevoir - il en manque encore des dizaines selon notre Gouvernement. Quant à ceux qui ont obtenu leur licence, ils sont harcelés de nouvelles mesures techniques et de contrôles tatillons.
Comment comptez-vous obtenir l'application pure et simple du volet Pêche de l'accord conclu avec le Royaume-Uni ? La France a demandé la saisine du Conseil de partenariat chargé de mettre en oeuvre cet accord : qu'en est-il ? Envisagez-vous des mesures de rétorsion ? Si oui, lesquelles et à quelle échéance ? Il n'est pas question que la filière pêche soit la victime collatérale du Brexit. La réserve d'ajustement au Brexit ne peut être la seule réponse à des professionnels qui craignent de perdre leur métier et à une région côtière comme la mienne, menacée de dévitalisation. Pour ouvrir des perspectives, notre Gouvernement promet qu'un régime ad hoc en matière d'aides d'État serait à l'étude : pouvez-vous nous le confirmer et nous en dire plus ?
Il y a deux semaines, vous avez conclu votre rencontre avec Mme Liz Truss, votre nouvelle homologue britannique, en vantant « une atmosphère constructive » : pouvez-vous justifier votre optimisme au regard de toutes les difficultés que nous venons d'évoquer, des tensions qui s'accumulent en Irlande du Nord et de la confusion croissante à Londres, où Mme Liz Truss doit démentir le Premier ministre quand il juge « fous » les contrôles à Belfast, auxquels il a pourtant lui-même consenti ?
Le Royaume-Uni, après le Brexit, aurait pu en tempérer l'impact en se rapprochant de ses voisins européens ; il a choisi de jouer la carte de l'agressivité en identifiant ceux-ci comme la principale source de ses difficultés. Croyez-vous possible d'obtenir que les accords conclus soient finalement appliqués sans en appeler au juge ?