Je commencerai par trois remerciements. Le premier parce que nous avons eu, il y a deux mois, une excellente discussion au Sénat, quand le collège des commissaires s'est rendu en visite officielle à Paris pour l'ouverture de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Le deuxième remerciement est adressé à vos deux commissions, notamment la commission des affaires européennes dont nous apprécions beaucoup les avis sur les politiques de la Commission européenne. Votre regard, vos idées sont très importants pour notre travail.
Le troisième remerciement est pour votre vigilance et votre activité sur les relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
L'objectif de l'Union européenne reste d'établir une relation positive et stable avec le Royaume-Uni, parce que nous allons demeurer des partenaires, que nous sommes des voisins et alliés et que nous partageons des valeurs communes. Nous devons relever ensemble un certain nombre de défis mondiaux.
La coopération euro-britannique a ainsi été essentielle pour faire aboutir la conférence de Glasgow. Je pourrais également citer la situation précaire et dangereuse à l'est de l'Union européenne, le défi stratégique que posent la Russie et la Chine, et la défense de nos valeurs démocratiques. De nombreux sujets appellent un travail en commun.
Vous avez décrit de manière très précise, dans vos remarques, comment nous appréhendons les relations avec le Royaume-Uni. Nous avons réglé la question du divorce, avec l'accord de retrait dont le protocole nord-irlandais fait intégralement partie ; nous avons réglé celle de l'avenir de nos relations avec l'ACC. C'est une base solide pour les relations constructives et stables auxquelles nous aspirons. Le respect du règlement de divorce est cependant une condition préalable à la relation future. L'accord de commerce et de coopération, l'accord de retrait et le protocole sont intrinsèquement liés.
Depuis le début, la Commission européenne s'est engagée à une pleine mise en oeuvre de l'accord de retrait, tel qu'il a été signé et ratifié par l'Union européenne et le Parlement et le gouvernement britanniques - lesquels sont toujours en place. C'est l'aboutissement d'un travail diplomatique énorme pour maintenir la paix, la stabilité et la sécurité de l'Irlande du Nord. C'est la raison d'être de ce protocole.
Nous avons cependant eu des difficultés pratiques de mise en oeuvre. Le Royaume-Uni a demandé une renégociation du protocole en juillet 2021. Notre réponse a été claire : nous ne le renégocierons pas. Mais nous sommes restés constructifs, nous attachant à trouver des solutions concrètes pour faciliter la circulation des marchandises entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, en exploitant les flexibilités offertes par le protocole.
J'ai directement échangé avec les représentants d'entreprises, de la société civile, et les représentants politiques de Stormont - l'Assemblée nord-irlandaise. Nous devons et nous pouvons trouver les solutions dans le cadre du protocole.
Le plus important était d'apporter de la stabilité et de la sécurité, et de mettre fin à l'incertitude juridique. C'était la seule solution pour protéger le marché unique tout en respectant l'accord du Vendredi saint dans le cadre du Brexit. Le protocole était une requête claire du gouvernement britannique, et la solution trouvée a été proposée par Theresa May.
Le paquet proposé par la Commission européenne le 13 octobre dernier a marqué un grand pas vers la résolution de la situation. Il contient un ensemble de solutions pour faciliter la circulation des marchandises entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord. Nous avons aussi, en décembre, garanti unilatéralement la continuité de l'approvisionnement en médicaments de l'Irlande du Nord, même si j'aurais préféré que ce soit dans le cadre d'un accord. Il fallait agir vite.
Nous avons aussi fait des propositions pour renforcer la participation des autorités d'Irlande du Nord à la mise en oeuvre du protocole. C'était très attendu par les entreprises, les membres de l'assemblée législative et la société civile. Nous avons mis en place une coopération structurelle.
Nous proposons également la suppression de 80 % des contrôles sur les produits sanitaires et phytosanitaires destinés à la consommation en Irlande du Nord, ainsi que la réduction significative des formalités douanières entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord.
Ces propositions sont le résultat de discussions approfondies menées au cours des derniers mois. Elles visent à régler durablement le problème, dans un souci de stabilité et de prévisibilité pour l'Irlande. Elles faciliteraient les échanges entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, et sur l'ensemble de l'Irlande. Ce serait une situation gagnant-gagnant pour tous.
Mais cette flexibilité est conditionnée à la protection de l'intégrité de notre marché unique. Pour cela, le Royaume-Uni doit respecter son engagement de construire des postes frontaliers permanents.
Il doit donner des assurances sur le conditionnement et un étiquetage indiquant que les marchandises expédiées en Irlande du Nord sont exclusivement destinées à la vente au Royaume-Uni.
Il doit donner un accès complet en temps réel à ses systèmes informatiques, pour que les autorités européennes puissent constater par elles-mêmes ce qui se passe à la frontière commerciale.
Il doit mettre en oeuvre la législation douanière pour la livraison de colis « B to B » en Irlande du Nord, et la déclaration sur le libre accès de marchandises expédiées d'Irlande du Nord vers la Grande-Bretagne. Le Royaume-Uni doit enfin assurer la mise en oeuvre par les autorités douanières et de surveillance des mesures de suivi et de contrôle appropriées.
Cela doit s'accompagner d'un mécanisme de réaction rapide pour répondre aux problèmes liés à un produit ou un opérateur individuel, et de la possibilité de mesures unilatérales en cas d'incapacité des autorités britanniques ou de l'opérateur à y remédier.
Ces garanties seraient un mécanisme solide de suivi et de contrôle, qui réduirait les vérifications sans menacer l'intégrité du marché unique. Au Royaume-Uni de faire un pas dans notre direction.
Vous m'avez demandé où en étaient les discussions. Bien que le ton ait changé avec la reprise des dossiers post-Brexit par la ministre des affaires étrangères britannique Liz Truss, il y a eu peu d'avancées sur le fond. Elle déclare vouloir une solution rapide ; j'ai la même ambition. J'ai toujours précisé que la renégociation du protocole n'était pas une option.
Nos équipes techniques se réunissent chaque semaine pour trouver un terrain d'entente. Nous faisons régulièrement le point avec la ministre, et les États membres et le Parlement européen sont tenus informés de l'avancée des discussions.
Il faudrait trouver des moyens de vous informer des discussions de manière plus rapide et directe. La prochaine réunion du comité mixte pour l'accord de retrait se tiendra le 21 février. Nous poursuivons activement nos échanges avec le Royaume-Uni pour trouver des solutions communes.
Je vous remercie de votre intérêt et votre vigilance : l'unité est notre carte maîtresse dans la discussion. Nous comptons sur votre soutien. Je transmets régulièrement ce message aux représentants permanents et aux ministres des États membres.
J'en viens à l'ACC qui est entré en vigueur voici plus d'un an. Durant cette première année, nous avons mis en place les structures prévues par l'accord, avec une première réunion du Conseil de partenariat et des 19 comités chargés de la mise en oeuvre de l'accord.
La mise en oeuvre des dispositions sur la pêche et la concurrence équitable appelaient une attention particulière cette année. Il est trop tôt pour évaluer l'impact que le remplacement de l'adhésion au marché unique par l'ACC a eu sur les flux commerciaux, mais il est certain que le commerce ne sera plus aussi fluide et dynamique. C'est une conséquence type du Brexit voulu par le gouvernement britannique.
Les opérateurs économiques font de leur mieux pour s'adapter, des deux côtés de la Manche. Nous sommes conscients des difficultés, notamment pour ceux dont l'activité est très dépendante du marché britannique. Le retrait a eu des effets négatifs dans toute l'Europe. Nous soutiendrons les régions les plus touchées, via la réserve d'ajustement au Brexit. La France étant l'un des États membres les plus touchés, il est juste qu'elle reçoive la part la plus élevée de cette réserve : 735 millions d'euros en prix courants, manifestation de l'engagement indéfectible de l'Europe envers la France. La première tranche sera versée au mois de février.