Intervention de Laurent Gerbaud

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 25 mars 2021 à 11h00
Santé des étudiants — Audition de Mm. Laurent Gerbaud président de l'association des directeurs des services de santé universitaire christophe tzourio professeur d'épidémiologie directeur du centre inserm u 1219 bordeaux investigateur principal de l'étude i-share vincent beaugrand directeur général de la fondation santé des étudiants de france pierre-edouard magnan président du réseau national des mutuelles étudiantes de proximité emevia et abdoulaye diarra président de la mutuelle des étudiants lmde

Laurent Gerbaud, président de l'Association des directeurs des services de santé universitaire :

Compte tenu du délai qui m'est imparti, je laisserai à Christophe Tzourio le soin d'exposer le constat épidémiologique à partir de l'étude i-Share et des enquêtes des mutuelles étudiantes. J'axerai mon propos sur la description du paysage des services de santé universitaire.

Premièrement, quels que soient les indicateurs, un quart, un tiers, voire la moitié des étudiants ont affirmé ne pas aller bien. Leur situation est certes meilleure que celle des apprentis ou des jeunes travailleurs, mais ils sont nombreux à connaître d'importantes difficultés liées à une fragilisation sociale et à la précarité étudiante. Le problème dure depuis longtemps, et la crise l'a simplement amplifié.

Deuxièmement, le périmètre des services de santé universitaire, en termes de moyens et de locaux, est inchangé depuis une quarantaine d'années, tandis que le nombre d'étudiants a augmenté. Ces services sont extrêmement sous-dotés, ne répondent pas à toutes les catégories d'étudiants et leurs actions présentent une grande hétérogénéité. Je réunirai tous ces chiffres dans un rapport écrit, mais une enquête publiée le 6 octobre 2020 par le ministère de l'enseignement supérieur et la Conférence des présidents d'université décrit les facteurs, historiques et matériels comme l'instabilité des postes de médecins-directeurs, qui sont à l'origine de cette situation.

Les services de santé universitaire sont avant tout conçus pour les étudiants d'université, qui représentent environ 60 % de l'ensemble des étudiants inscrits en formation post-baccalauréat. Les ingénieurs et élèves des grandes écoles ou qui relèvent du ministère de l'agriculture ou de la culture peuvent avoir accès à un service de santé universitaire si une convention a été conclue avec un pôle régional d'enseignement supérieur ou un établissement public expérimental d'enseignement supérieur. Ils peuvent parfois bénéficier de services en interne, ou alors être totalement dépourvus de toute offre de soins spécifique. Le même problème se pose pour les étudiants en BTS, qui ne relèvent pas obligatoirement de la santé scolaire et sont dépendants des éventuelles conventions conclues avec les universités.

Troisièmement, les antennes universitaires comptant peu d'étudiants ne disposent pas toujours d'un service de santé universitaire, qui se limite alors à la présence d'une infirmière à temps partiel.

Selon le rapport de l'Observatoire national de la vie étudiante, sur les 60 % d'étudiants à l'université, seulement 27 % fréquenteront un service de santé universitaire. Cela doit être mis en parallèle avec le fait que les services de santé universitaire se trouvent actuellement totalement débordés du 10 septembre à la fin du mois d'avril. L'offre est évidemment insuffisante, mais il n'est aucunement question que ces services détiennent le monopole de la santé des étudiants. À supposer que l'offre en médecine soit suffisante - c'est toujours là où elle est défaillante que les services de santé universitaire ne parviennent pas à se développer -, elle est alors confrontée à un travail considérable pour intégrer des étudiants souffrant de maladies chroniques, d'affections psychologiques ou d'un handicap. On constate d'ailleurs une forte augmentation, au cours des dix dernières années, du nombre d'étudiants handicapés, grâce à l'amélioration de l'éducation inclusive.

Je prendrai l'exemple de la santé mentale. D'autres offres, les bureaux d'aide psychologique universitaire (BAPU), sont venues compléter les services de santé universitaire. Ils y sont parfois intégrés, comme à Toulon ou à Clermont-Ferrand et bientôt à Lyon, mais leurs moyens n'ont pas été beaucoup renforcés depuis la fin des années 1960, avec une réduction du nombre de lits ou de la capacité d'ouverture des centres médico-psychologiques et des maisons des adolescents. Les réseaux sont de plus en plus saturés.

Concernant les étudiants étrangers primo-arrivants, nous avons subi de plein fouet les conséquences de l'adoption de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, qui a supprimé l'obligation de visite médicale pour ces étudiants. Outre le rattrapage de vaccins, cette visite favorisait l'entrée rapide dans notre système de santé et d'assurance sociale. Nous avons dû gérer en urgence des demandes de couverture maladie universelle (CMU), d'aide à la complémentaire santé (ACS), jusqu'à la saturation des assistantes sociales des SSU ou des Crous.

Les services de santé universitaire se sont fortement adaptés au moment de la crise. Lors du premier confinement, ils ont tous maintenu leur activité, avec 89 % de l'activité en téléconsultation. Ils ont ensuite augmenté leur offre de soins de psychologues qui est passée à 156 % lorsqu'ils ne se sont pas heurtés à des refus liés à la maîtrise de la masse salariale, à des salaires trop faibles, ou encore à des manques de locaux. Mais dans certains cas, la présence du malade est indispensable, même en psychologie.

Les services de santé se sont donc beaucoup impliqués pour le traçage des étudiants. Ils ont développé un partenariat étroit avec les Crous pour qu'ils soient logés dans de bonnes conditions et ont participé au portage de repas, notamment aux étudiants handicapés, lors de la fermeture des restaurants universitaires.

Pour autant, la situation ne permet pas de répondre à tous les besoins, tant s'en faut. Les réseaux de prise en charge ambulatoire sont eux-mêmes saturés, et les étudiants, qui se trouvent souvent loin de chez eux durant de nombreux mois, connaissent des difficultés pour trouver un nouveau médecin traitant.

Pour conclure, la mise en place des 80 équivalents temps plein (ETP) de psychologues a souffert du décalage entre le temps administratif et le temps clinique. Quant à l'obtention du « chèque d'accompagnement psychologique », elle a été entravée, car les numéros des psychologues dans le répertoire Adeli sont faux à 40 % !

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