Ce qui caractérise la réponse du Gouvernement, c'est qu'il traite les étudiants comme des enfants, responsables de pas mal de choses. Il y a eu tout un débat public sur le fait que les jeunes se comportaient de manière irresponsable et portaient le virus. Ce débat s'est un peu calmé, parce qu'on s'est rendu compte que tout le monde pouvait l'attraper, même en respectant les gestes barrières. Je note qu'on ne se demande pas pourquoi une ministre a eu le covid-19, alors qu'on a tendance, quand un jeune le contracte, à dire qu'il a dû être irresponsable !
Surtout, les aides apportées montrent bien qu'on refuse d'aider directement les étudiants : elles sont toujours indirectes. Le cas typique est celui des repas au Crous pour un euro, alors qu'on sait très bien que tous les étudiants n'ont pas tous la possibilité d'aller au Crous. Je pense aussi au chèque de santé mentale : il faut que l'étudiant démontre qu'il a besoin d'aller voir un psychologue pour en avoir le droit ! Tout cela pèse très lourd sur le mental des étudiants, car cela donne le sentiment qu'on n'a pas confiance dans la capacité des jeunes à faire leurs propres choix et à parler de leurs propres questions de santé.
Prenons la question du sport, par exemple. Les jeunes sont enfermés dans leur résidence universitaire, ou chez leurs parents, depuis un an et demi. Certains ont la possibilité, par leur bagage culturel ou social, de faire du sport. Mais l'impact est très lourd, sur une génération de jeunes qui n'auront quasiment jamais fait de sport pendant un an et demi. Et ils ne vont pas tout rattraper à la fin de la crise sanitaire ! La question est aussi économique car il s'agit d'un coût non négligeable pour les étudiants : s'inscrire à une salle de sport à distance, par exemple, ou consulter un nutritionniste, cela coûte cher, et il n'y a aucune aide pour cela.
La prévention par les pairs est une idée en vogue. C'est bienvenu, mais cela témoigne d'une lacune. La multiplication des initiatives portées par des associations étudiantes ou des associations de jeunesse sur les questions de santé des jeunes témoigne du fait que les jeunes sont amenés à s'auto-organiser pour essayer de porter des actions sociales. On perçoit de plus en plus les jeunes comme étant les réceptacles de la santé - la fin du régime étudiant de sécurité sociale l'illustre bien - et non des acteurs de leur santé. On ne leur demande pas d'agir sur leur santé, on leur demande de prendre rendez-vous avec quelqu'un qui va leur expliquer comment leur santé fonctionne. Pourtant, le meilleur moyen de changer ses pratiques de santé, c'est d'en devenir acteur. L'État devrait investir dans tout ce qui permet à des jeunes d'être acteurs de leur santé. D'un point de vue économique, c'est rentable, puisque cela réduit leurs problèmes ultérieurs de santé. Surtout, cela en fait des citoyens, ayant conscience de toutes les problématiques de santé et pouvant faire eux-mêmes leurs propres choix.
Le remboursement par la sécurité sociale des consultations psychologiques pose problème. De nouveaux dispositifs permettent aux jeunes d'aller voir des psychologues et des professionnels de la santé mentale. En fait, le problème concerne l'ensemble de la population. Dès lors, pourquoi cibler les jeunes ? Cela peut leur donner l'impression qu'ils ont des problèmes, alors que ceux-ci relèvent de la vie de la société. Mieux vaudrait étendre ce remboursement à toute la population, pour ne pas donner aux jeunes le sentiment qu'ils sont un poids pour la société.
Oui, il y a une spécificité des jeunes, comportant en son sein une spécificité étudiante : stress des examens, éloignement du milieu familial... La question de la santé des jeunes doit être pensée de façon globale : entre le lycée et l'université, on ne devient pas quelqu'un de totalement différent du jour au lendemain. Les problématiques de santé qu'on observe à l'université commencent par de mauvais comportements au lycée.
Les sujets liés à la taille des établissements dépendent aussi des formations et des pratiques, qui varient. Dans un petit établissement, on a davantage de relations sociales, grâce à la concentration. Et, selon les formations, l'on n'a pas les mêmes moments de pression. Loin de moi les stéréotypes : ce n'est pas parce qu'on est étudiant en sociologie qu'on n'a pas des moments de stress important, par exemple lorsqu'il faut porter un dossier de recherche pour financer ses recherches.