La crise est passée par là, me rétorquerez-vous ! Il est vrai que, en provoquant une perte de près de 34 milliards d’euros, celle-ci n’a pas été sans incidence sur les comptes sociaux. Elle aurait d’ailleurs pu être plus dangereuse encore pour les comptes publics, comme pour nos concitoyens, si notre modèle social n’avait pas joué son rôle d’amortisseur, ce que vous ne manquez pas de souligner.
Pourquoi, alors, continuer chaque année, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, à détricoter la protection, à transférer vers le privé une partie des missions jusqu’alors assignées au secteur public ainsi que les financements qui y sont liés, à individualiser les droits et à réduire le champ des protections, contraignant les salariés de notre pays à rechercher, s’ils le peuvent financièrement, des solutions complémentaires dans le secteur mutualiste ou commercial ?
Au-delà de cette crise, vous êtes responsables d’une dette structurelle de 34 milliards d’euros. Celle-ci persiste en raison de votre obstination à ne pas changer le logiciel qui vous guide et qui ne satisfait plus aujourd’hui que le MEDEF, étant étendu que, pour ce dernier, tous les cadeaux que vous lui faites ne sont jamais suffisants !
Ces 34 milliards d’euros sont le fruit d’une politique d’appauvrissement organisé des comptes sociaux, laquelle passe notamment par les exonérations et les exemptions de cotisations sociales que vous avez d’ailleurs renforcées à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui coûtent chaque année entre 30 milliards et 34 milliards d’euros.
Certes, ces exonérations sont compensées partiellement par l’État à hauteur de 28 milliards d’euros. Il n’en demeure pas moins que cette compensation n’est que partielle, que la part compensée manque au budget de l’État et que la compensation n’intervient que tardivement, ce qui oblige les organismes de sécurité sociale à recourir à des emprunts et à supporter seuls des intérêts, ce qu’ils n’auraient pas eu à faire si le Gouvernement avait respecté un principe simple : les cotisations sociales sont des éléments de salaires différés qui appartiennent aux salariés et qui, par conséquent, ne peuvent être utilisés que dans les limites d’une gestion paritaire.
Si nous ne pouvions nous satisfaire d’une telle situation, il nous est encore plus insupportable de nous apercevoir que vous prévoyez d’ores et déjà de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale 62 milliards d’euros de déficits à venir, soit, au total – nous l’avons dit –, 130 milliards d’euros !
En fait, vous organisez la récupération de la dette sociale engendrée par vos politiques jusqu’en 2018. En d’autres termes, vous anticipez cette dette. Il est bien loin le temps où vous affirmiez à qui voulait l’entendre que vous vouliez agir pour les générations futures ! J’y reviendrai plus tard.
En somme, tout cela signifie que vous avez renoncé à assurer l’avenir de la sécurité sociale, sans doute afin d’offrir aux marchés financiers des opportunités qui lui échappaient jusqu’alors. J’en veux pour preuve l’indigence de ce projet de loi organique.
Alors qu’il est urgent de refonder la politique sociale de notre pays, vous vous limitez à un allongement de la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, oubliant au passage que c’était précisément votre majorité qui, en 2005, avait mis en place un verrou supposé éviter cet allongement.
Je fais miens les propos tenus avec raison par le député UMP Yves Bur, que je rencontre souvent.