Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est temps pour notre assemblée de se prononcer définitivement sur l’avenir de la CADES et sur les modalités à venir de la gestion de la dette sociale.
Alors que notre protection sociale est de moins en moins financée et que les déficits ne cessent chaque année de s’accumuler, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale prévoit de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale 130 milliards d’euros, de procéder à des prélèvements nouveaux et, surtout, de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES.
Rappelons que la CADES a été créée en 1996 pour reprendre les dettes de la sécurité sociale, soit 21 milliards d’euros à l’époque. On l’alimenta en créant la contribution pour le remboursement de la dette sociale représentant 0, 5 % des revenus salariaux, pensions de retraite, allocations familiales et revenus financiers. Comme trop souvent dans notre pays, cette structure annoncée comme provisoire ne l’est pas restée longtemps. Chargée d’amortir de nouvelles dettes, la CADES a vu son bail prolongé à plusieurs reprises, d’abord jusqu’en 2009, puis pour une durée indéterminée, mais sans que des ressources nouvelles lui soient affectées.
Ainsi, le Parlement avait voté en 2005 une loi assurant notamment des ressources nouvelles à la CADES en cas de transfert de toute nouvelle dette, la dissolution de la caisse étant fixée pour 2021. En 2006, après transfert d’une nouvelle dette de 27 milliards d’euros, une ressource supplémentaire a été créée, grâce à l’affectation à la CADES de la contribution sociale généralisée, représentant 0, 2 % des revenus.
Et voilà qu’aujourd’hui il nous est demandé de modifier le régime de la CADES, afin qu’elle puisse absorber, notamment, les nouveaux déficits de la crise. Au total, ce sont près de 130 milliards d’euros de déficits cumulés qui doivent lui être transférés ! Pour ce faire, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire a choisi de reporter à 2025 la dissolution de cette structure, tout en lui attribuant un peu plus de 3 milliards d’euros de ressources nouvelles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe s’interroge sérieusement : était-il raisonnable de transférer le poids énorme de notre dette sociale aux générations futures ? Nous ne le pensons pas et nous ne sommes pas les seuls ! La situation est telle que – fait inhabituel – le rapporteur du texte et le rapporteur pour avis à l’Assemblée nationale n’ont pas participé aux travaux de la commission mixte paritaire. C’est dire le malaise !
Nous aurions pu approuver le principe du transfert du déficit à la CADES à deux conditions. Mais celles-ci n’ont pas été entièrement satisfaites par la commission mixte paritaire.
Premièrement, il aurait fallu que ce déficit soit financé par une recette pérenne et simple, par exemple la CRDS.
Deuxièmement, il aurait fallu prévoir que, à l’avenir, à partir de 2012, nous votions des projets de loi de financement de la sécurité sociale en équilibre, afin de ne pas créer de nouveaux déficits, ce qui ne sera malheureusement pas le cas.
Au demeurant, un autre point nous semble tout aussi indéfendable, à savoir le prolongement de quatre années de la durée de vie de la CADES. Bien entendu, cela ne paraît pas une longue période, cela ne représente pas une génération. Toutefois, ces années s’ajoutant aux précédentes, la durée de vie de la caisse aura en réalité été prolongée de 2009 à 2025, soit de seize ans au total. Surtout, nos dépenses de 2009, 2010 et 2011 seront payées de 2021 à 2025. Voilà qui est difficilement acceptable : chaque génération doit régler ses propres dépenses. Ceux qui commenceront à travailler en 2022 ont aujourd’hui entre 6 ans et 8 ans : quel avenir leur laisserons-nous ?
Je rappellerai à cet égard les propos du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale : « On va emprunter pour faire payer une partie du prix des boîtes de médicaments consommés actuellement par nos concitoyens, une partie des soins médicaux et des prestations sociales, par les Français qui travailleront au-delà de 2022, c’est-à-dire faire des emprunts à long terme pour payer des déficits de fonctionnement.[…] Lancer des emprunts lorsque l’on sait que l’on n’a pas l’argent nécessaire pour les rembourser, cela s’appelle faire de la cavalerie ! »
Ces propos, marqués par le plus élémentaire bon sens, ont par la suite été confirmés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui déclarait à son tour : « Je considère qu’il est de notre responsabilité morale de cesser de nous décharger de nos responsabilités financières, quotidiennes, sur nos jeunes. » On ne saurait mieux dire !
Pour notre part, nous regrettons que notre assemblée, habituellement plus encline à la recherche de solutions financièrement équilibrées et socialement équitables, ait décidé de maintenir en l’état les dispositifs issus des travaux de l’Assemblée nationale. Dès lors, pour ne pas cautionner ce qui semble être le sort réservé aux générations futures de notre pays, la majorité du groupe du RDSE votera contre le projet de loi organique issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Pour ma part, tout en comprenant et partageant les récriminations de mes collègues radicaux de gauche, mais conscient des contraintes de l’heure, notamment des conséquences de la crise, et surtout, monsieur le ministre, connaissant vos convictions et convaincu de votre volonté de modifier la donne, je vous encouragerai en m’abstenant.