Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Un an et demi s’est écoulé depuis son dépôt par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur.

Au cours de cette période, nous avons pu effectuer un travail approfondi pour améliorer le texte, y introduire des modifications inspirées des travaux antérieurs du Sénat et de la commission des lois, ou encore assurer une meilleure insertion dans notre édifice juridique des nombreuses dispositions introduites par l’Assemblée nationale en première lecture.

Le projet de loi qui résulte de ce processus est un texte riche, qui aborde de multiples aspects des politiques de sécurité en apportant à chaque fois une mise à jour salutaire, que ce soit dans le domaine des nouvelles technologies, des fichiers de police, de la vidéosurveillance, de la lutte contre la délinquance de proximité, de la prévention des violences sportives ou des violences commises dans les transports, ou encore des prérogatives des polices municipales.

Une grande partie des dispositions ainsi proposées avaient déjà fait l’objet, avant la réunion de la commission mixte paritaire, d’un accord entre les deux assemblées.

De nombreux apports du Sénat, concernant notamment le contrôle de la vidéosurveillance par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le renforcement de la police technique et scientifique et la lutte contre les violences sportives, avaient ainsi été approuvées par l’Assemblée nationale.

Les dispositions restant en discussion, soumises à la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 26 janvier dernier, concernaient d’abord le régime de la vidéoprotection.

Comme je viens de le rappeler, l’Assemblée nationale a accepté les principaux apports du Sénat en la matière, puisque la compétence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour le contrôle des systèmes n’a pas été remise en cause par les députés. Le désaccord final portait seulement sur la possibilité pour la CNIL de prononcer une mise en demeure suivie d’un avertissement public en cas de non-respect de la loi, possibilité introduite au Sénat par symétrie avec les dispositions relatives aux pouvoirs de la CNIL en matière de fichiers de données personnelles.

La CMP a permis de trouver un accord sur ce point : la CNIL conserve son pouvoir de mise en demeure ; en revanche, il revient in fine au préfet de sanctionner les manquements, par symétrie avec son pouvoir d’autorisation, ce qui semble légitime.

Par ailleurs, restait en discussion l’article 23 bis relatif à l’extension des « peines planchers ».

En effet, dans la ligne du discours prononcé par le chef de l’État à Grenoble le 30 juillet dernier, le Gouvernement avait souhaité, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat en séance publique, que le dispositif des peines planchers soit étendu aux primodélinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences.

La commission des lois du Sénat s’y était opposée, considérant notamment que ce dispositif présentait un risque d’inconstitutionnalité. Toutefois, le Sénat avait adopté un sous-amendement de nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier qui limitait le champ du dispositif aux violences les plus graves.

En seconde lecture, les députés étaient largement revenus au dispositif initialement souhaité par le Gouvernement et l’avaient même étendu à un certain nombre d’infractions supplémentaires, comme les violences sans circonstance aggravante. Le Sénat était alors revenu au texte qu’il avait adopté en première lecture.

La commission mixte paritaire a limité le champ de ces nouvelles dispositions aux délits de violences volontaires punis d’au moins sept ans d’emprisonnement.

Ainsi, les personnes ayant commis un délit puni de sept ans d’emprisonnement se verront appliquer, sauf décision spécialement motivée de la juridiction, une peine minimale de dix-huit mois d’emprisonnement. Les personnes ayant commis un délit puni de dix ans d’emprisonnement devront quant à elles être condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement.

La rédaction retenue vise notamment les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, celles ayant entraîné une ITT, ou incapacité temporaire de travail, supérieure à huit jours en présence d’au moins deux circonstances aggravantes ou commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, les violences ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours ou aucune ITT commises dans trois circonstances aggravantes, ou encore les violences commises en bande organisée ou avec guet-apens contre les forces de l’ordre ayant entraîné plus de huit jours d’ITT.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale avait également souhaité en seconde lecture revenir aux dispositions proposées par le Gouvernement relatives à la possibilité de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants par la voie d’une convocation par officier de police judiciaire.

En première lecture, ces dispositions avaient été rejetées par la commission des lois et n’avaient été adoptées par le Sénat que complétées par un sous-amendement qui avait restreint leur champ d’application.

Compte tenu du retour opéré par l’Assemblée nationale aux propositions rejetées par la commission des lois, le Sénat avait décidé de revenir à sa position de première lecture.

Sur ce point, l’accord trouvé par la CMP limite la possibilité ouverte au parquet de convoquer un mineur par officier de police judiciaire aux deux hypothèses suivantes : soit le mineur a déjà été condamné dans les six mois précédents ; soit une procédure a été engagée dans les six mois précédents et, le cas échéant, a donné lieu à une mesure alternative aux poursuites, par exemple.

Dans ces deux hypothèses, l’ensemble des renseignements utiles sur la personnalité du mineur et son environnement social et familial auront été recueillis et permettront au tribunal pour enfants de se prononcer en pleine connaissance de cause.

Concernant l’article 23 ter, relatif à l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les députés étaient revenus en seconde lecture à la rédaction initialement proposée par le Gouvernement.

En effet, les dispositions introduites par le Gouvernement avaient été sous-amendées par MM. Jean-Jacques Hyest, Gérard Longuet et Nicolas About afin que, comme tel est le cas pour les meurtres ou assassinats concernant les mineurs de quinze ans, l’allongement de la peine de sûreté ne vise que les crimes accompagnés d’une circonstance aggravante. Il était ainsi précisé que le meurtre devait être commis en bande organisée ou avec guet-apens. L’Assemblée nationale ayant écarté toute référence à une circonstance aggravante, le Sénat était revenu en seconde lecture à sa position initiale.

La commission mixte paritaire a permis de dégager un accord sur ces dispositions en prévoyant que, si les assassinats « simples » de personnes dépositaires de l’autorité publique seraient bien concernés par l’allongement de la peine de sûreté, seuls les meurtres commis en bande organisée se verraient appliquer ces dispositions.

La commission mixte paritaire devait également trouver des dispositions communes sur le couvre-feu des mineurs prévu par l’article 24 bis.

En effet, en seconde lecture, les députés avaient rétabli les dispositions qu’ils avaient introduites en première lecture concernant la possibilité pour le préfet de décider d’un couvre-feu à l’encontre d’un mineur déjà condamné, ainsi que celles qui se rapportaient à l’information du président du conseil général et du préfet par le procureur de la République sur les poursuites et les condamnations dont font l’objet les mineurs dans le département.

Dans la mesure où ces dispositions présentaient elles aussi un risque d’inconstitutionnalité et semblaient en outre d’application très difficile, le Sénat avait introduit à nouveau la sanction judiciaire d’interdiction d’aller et venir en lieu et place de la mesure administrative décidée par le préfet et supprimé les dispositions relatives aux échanges d’information entre le procureur, le préfet et le président du conseil général.

Sur ce point, la commission mixte paritaire me semble avoir trouvé un point d’accord satisfaisant.

Elle a ainsi maintenu les échanges d’informations relatifs aux mesures alternatives aux poursuites et aux jugements devenus définitifs prononcés à l’encontre des mineurs afin de développer la prévention et de promouvoir un plus large usage des contrats de responsabilité parentale.

En revanche, elle a retenu la position du Sénat s’agissant de l’interdiction d’aller et venir prononcée à l’encontre des mineurs : cette interdiction restera une sanction judiciaire prononcée par le tribunal pour enfants.

Il restait également à trouver un accord sur les dispositions de l’article 32 ter A relatives au vol de domicile introduites par l’Assemblée nationale en seconde lecture.

Le Sénat avait supprimé ces dispositions, estimant qu’elles étaient partiellement redondantes avec le droit en vigueur. En outre, la commission s’était inquiétée de ce qu’elles pourraient s’appliquer au cas de la séparation de deux concubins habitant le logement de l’un d’eux. Le propriétaire aurait alors eu la possibilité de porter plainte contre l’autre concubin avec les conséquences qui accompagnent cette plainte – éventuellement garde à vue ou expulsion par les forces de police –, alors même que celui-ci aurait eu un motif légitime – la présence d’un enfant commun, par exemple – pour souhaiter rester temporairement dans le logement.

Pour éviter les difficultés, la commission mixte paritaire a donc précisé que l’incrimination vise non pas les cas d’occupation non illicites à la base, mais seulement les occupations qui perdurent à la suite de l’introduction frauduleuse dans le domicile d’autrui.

Enfin, s’agissant de la possibilité de placer sous surveillance électronique l’étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou faisant l’objet d’une mesure d’expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, la commission mixte paritaire a accepté la position du Sénat, qui avait prévu l’accord de l’étranger. En effet, le consentement paraît indispensable pour assurer l’efficacité d’une telle mesure.

Mes chers collègues, je vous propose donc à présent d’adopter le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ainsi que les amendements de rectification qui l’accompagnent. Nul doute qu’il permettra aux forces de police et de gendarmerie d’affronter dans les meilleures conditions les défis auxquels elles seront confrontées au cours des prochaines années et d’accomplir leur mission à la satisfaction de nos concitoyens.

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