Je pense que nous aurions pu aller au bout de cette affaire car tout le monde connaissait ces pratiques. Je vois cela comme un cercle concentrique. Dans le cercle le plus large, celui des spectateurs, la connaissance reste parcellaire. Au centre, tous les acteurs savaient et pouvaient déclencher une enquête. Ainsi, j'évoquerai un épisode survenu lors du Tour de France, en 1999. Lors d'une étape, Christophe Bassons a été immobilisé au sein du peloton et Armstrong est venu exercer des brimades à son encontre. Deux jours plus tard, Christophe Bassons a abandonné la course. À ma connaissance, il s'agit du seul coureur qui, bien qu'ayant envisagé le dopage, n'y a pas recouru. Je souhaite lui rendre grâce car il avait semble-t-il une VO2 max très élevée. En début de saison, il devançait des coureurs comme Richard Virenque avant de se retrouver irrémédiablement distancé lorsque les programmes de dopage s'installaient. D'après lui d'ailleurs, un coureur non dopé terminant 80e du Tour de France pourrait gagner si personne ne se dopait.
Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, tout le monde connaissait ces pratiques mais il faut un élément pour déclencher une enquête. Cet élément peut être une dénonciation mais dans le cas évoqué, personne n'a brisé la loi du silence. Dans l'affaire Festina, un contrôle a permis de lancer l'enquête. Quelle que soit la puissance des moyens d'investigations mis en oeuvre, certains s'emploient à s'y soustraire. L'équipe ONCE s'est ainsi enfuie à travers la montagne afin d'échapper aux contrôles auxquels l'équipe Festina s'est soumise. Il y avait dans cette équipe ONCE, le coureur Johann Brunel, que Lance Armstrong a choisi comme directeur sportif pour gagner ses six Tours de France, et le docteur Luis Garcia del Moral, choisi par Lance Armstrong pour remplacer le docteur Pedro Celaya, jugé trop peu prescripteur de produits dopants.
Les enquêtes sont efficaces, elles peuvent aller loin mais il est possible de s'y soustraire.