Intervention de Florence Gérard-Chalet

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 27 janvier 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Florence Gérard-chalet directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi épide et M. François-Xavier Pourchet directeur général adjoint

Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE) :

Notre intervention est fondée sur le volontariat, que nous vérifions auprès du jeune tout au long de notre intervention. Nous tâchons de rendre lisible ce que nous proposons, pour que le jeune sache ce qu'il en sera avant de s'engager. Nous voulons éviter le risque que le jeune vive un changement de dispositif comme un échec supplémentaire dans des parcours qui sont souvent déjà bien chaotiques. Nous individualisons la réponse autant que nous le pouvons. C'est un élément très important de notre méthode.

Dans notre réflexion stratégique, nous avons proposé de renforcer notre positionnement, cette intervention auprès des plus éloignés de l'emploi, avec des moyens renforcés et individualisés. Nous avons certes des faiblesses. La Cour des comptes en a identifiées l'an passé, que nous avons déjà commencé à combler.

Je veux d'abord évoquer la question du niveau de l'allocation des volontaires, qui était jusqu'à la fin de l'année 2021 de 210 euros mensuels - plus 90 euros mensuels capitalisés et donnés au volontaire à la fin de son parcours. Un décret du 26 décembre dernier l'a portée à 500 euros mensuels à partir du 1er janvier 2022, ce qui correspond à ce que les jeunes perçoivent avec la garantie « jeunes » ou en stage de formation professionnelle. Ce relèvement de l'allocation est décisif quand on connait la situation des jeunes suivis par l'ÉPIDE : dans une enquête, 37 % nous ont dit que la difficulté majeure qu'ils rencontraient pour suivre leur formation était de se nourrir correctement et de prendre soin d'eux le week-end. Des jeunes n'entraient pas à l'ÉPIDE parce que l'allocation y était trop faible, ce qui est paradoxal puisque nous visons les jeunes les plus en difficulté. Nous avons amélioré ce point.

Autre difficulté, 14 % des jeunes en parcours nous disent ne pas avoir de logement, alors que c'est une condition évidente pour réussir. Nous avons donc décidé d'ouvrir des places d'hébergement le week-end pour accueillir les volontaires qui en ont besoin. Dans la loi de finances initiale pour 2022, près de dix millions d'euros ont été fléchés pour cet hébergement. Nous avons aussi levé la condition du certificat d'hébergement pour entrer à l'ÉPIDE - cette condition aussi était un paradoxe, car elle nous conduisait à écarter des jeunes qui étaient le plus dans le besoin. Nous avançons. Certains centres logent jusqu'à 25 % des jeunes le week-end. Tous les centres n'ont pas encore pu ouvrir leur hébergement en fin de semaine, et il nous faut trouver les partenaires pour l'hébergement. Cette nouvelle possibilité d'accueil en continu va probablement accroître le nombre de bénéficiaires. Nous allons aussi pouvoir mieux accueillir des jeunes qui, hébergés en foyer d'hébergement d'urgence ou en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, risquaient de perdre leur place d'hébergement s'ils entraient à l'ÉPIDE, sans pour autant trouver de solution de logement en fin de semaine ; aujourd'hui, nous pouvons les accueillir et leur offrir une prise en charge sociale et professionnelle, mais aussi citoyenne. Je pense aux jeunes demandeurs d'asile, que nous pouvons ainsi acculturer aux valeurs de la République et à qui l'on peut montrer ce qu'est la France et comme on y vit bien. Nous sommes heureux, dans les circonstances actuelles, d'apporter une réponse complète à ces jeunes.

Autre amélioration, alors que nous avions au départ fixé l'âge minimal à 18 ans, nous avons expérimenté l'accueil à partir de 17 ans dans une dizaine de nos centres, constatant que les ruptures familiales sont de plus en plus précoces et qu'il y a un besoin d'intervention avant la majorité. L'expérience s'est révélée concluante : les jeunes de 17 ans que nous avons accueillis se retrouvent dans notre offre. Nous allons donc généraliser cet accueil dès 17 ans à l'ensemble des centres.

De même, constatant que les fragilités psychosociales des jeunes que nous accueillons s'accentuent ces dernières années, nous avons décidé de faire un effort pour que les volontaires, qui bénéficient tous d'un bilan de santé en entrant dans nos centres, bénéficient également d'un bilan psychologique. Nous avons besoin d'un psychologue dans chaque centre au moins un jour par semaine. Nous avons commencé par une demi-journée de présence, et nous avons prévu les crédits pour ce faire. Nous allons mettre en place ce suivi psychosocial progressivement.

Dernière évolution, nous avons élargi l'accueil aux jeunes diplômés en voie de précarité et de marginalisation, alors que nous ne visions au départ que les non-diplômés. Nous avons constaté que de jeunes bacheliers pouvaient avoir connu une rupture et être en voie de marginalisation, par exemple parce que « Parcoursup » ne leur avait pas ouvert une place dans la formation qu'ils demandaient. Nous avons d'abord expérimenté cet accueil des diplômés et constaté son utilité, puis nous l'avons généralisé.

L'ÉPIDE était il y a quelques mois un établissement d'insertion sociale et professionnelle de jeunes majeurs jusqu'à 25 ans, avec un hébergement de semaine. Il est devenu un opérateur spécialisé dans l'accompagnement intensif des jeunes les plus éloignés de l'emploi, à partir de 17 ans, qu'ils aient ou non un diplôme, en offrant un hébergement toute la semaine. Nous avons tenu compte de la réalité et nous nous sommes articulés avec les autres dispositifs - je ne crois pas qu'il y ait de concurrence à proprement parler.

Nous croyons beaucoup à l'expérimentation. Depuis 2020, notre activité a été réduite du fait de la crise sanitaire. Chaque centre a défini son protocole pour remplir au mieux ses missions dans des conditions de sécurité sanitaire pour les volontaires et les personnels - certains des centres ont été occupés à 80 %, d'autres à 40 %. Au total, selon l'indicateur de file active, 4 583 jeunes différents ont été à l'ÉPIDE au moins pendant un jour en 2021, certains sont restés quelques semaines, quand d'autres vont au bout du parcours. Tous ont bénéficié d'un accueil. Enfin, nous constatons une accélération sur le dernier trimestre grâce à la motivation de nos équipes.

Nous avons aussi lancé une démarche pour territorialiser davantage notre action, en demandant aux centres de mobiliser les équipes pour les projeter sur les territoires auprès de leurs interlocuteurs : les collectivités locales, les missions locales, les associations, les acteurs de la politique de la ville. Nous avons aussi simplifié nos procédures, en suspendant toutes celles qui ne contribuent pas à l'insertion des jeunes. Beaucoup de règles sont donc réévaluées. Notre procédure d'admission, par exemple, était précautionneuse et elle n'était ouverte que tous les deux mois ; nous avons décidé de laisser à chaque centre le soin de décider du bon rythme, pourvu que l'admission ait lieu au moins une fois par mois, y compris en décembre - il est important, pour des jeunes, de savoir, en fin d'année, qu'ils rejoindront un projet en janvier. Certains centres ont mis en place une admission mensuelle, d'autres le font tous les quinze jours et d'autres encore en continu. Les commissions ne sont plus obligatoires, la seule obligation étant d'effectuer une vérification du respect, par les jeunes accueillis, des conditions juridiques d'accès à l'ÉPIDE.

Toutes ces évolutions sont positives. Nous avons terminé l'année fatigués, mais satisfaits, comme je l'ai dit aux agents. Les résultats sont là : au cours des derniers mois de l'année les admissions ont progressé de 25 % par rapport à 2020 et nous avons fini l'année avec autant de jeunes qu'en 2019. Nous avons effacé l'impact de la crise. Certes, la crise sanitaire a encore un effet sur nos chiffres, mais la tendance est à la hausse : alors qu'au mois d'août 2020 huit centres affichaient un taux d'occupation de moins de 55 %, il n'y en a plus qu'un seul aujourd'hui, et huit de nos centres affichent désormais un taux d'occupation supérieur à 75 %. Face à la cinquième vague, nous faisons de la pédagogie pour que les jeunes se vaccinent, avec un certain succès.

Notre activité s'améliore. Notre enjeu, pour cette année, est de la rendre plus lisible, d'installer notre nouveau positionnement, de nous faire mieux connaître. Un vingtième centre va bientôt ouvrir à Alès, améliorant notre desserte territoriale, laquelle reste un point faible car si nous offrons, par exemple, 660 places dans les Hauts-de-France, nous n'en avons que 210 en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 150 en Nouvelle Aquitaine. Notre maillage est lié aux implantations des casernes militaires et du patrimoine immobilier que nous utilisons, mais la Cour des comptes a bien noté l'inégale répartition des volontaires selon leurs origines géographiques. Une dizaine de départements nous ont envoyé moins de cinq jeunes en cinq ans, ce qui tient à notre maillage encore trop faible et aux problèmes de desserte dans les territoires concernés. La mission sénatoriale sur l'égalité des chances a conclu qu'il fallait une masse critique sur les territoires pour que l'offre de l'ÉPIDE soit lisible et bien identifiée. C'est une réflexion à avoir, qui peut peser sur certains publics.

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