Mission d'information Culture citoyenne

Réunion du 27 janvier 2022 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • insertion
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Nous accueillons Mme Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE), et M. François-Xavier Pourchet, directeur général adjoint, que je remercie pour leur disponibilité.

Pour l'information de nos interlocuteurs, je précise que notre mission s'est mise en place dans le cadre du « droit de tirage des groupes », à l'initiative du groupe RDSE, et que notre collègue Guy Cabanel, membre de ce groupe, en est le rapporteur.

J'indique également que notre mission est composée de 21 sénateurs issus de tous les groupes politiques, et que notre rapport, assorti de recommandations, devrait être rendu public au début du mois de juin 2022.

Je rappelle aussi que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport et que sa captation vidéo permet de la suivre en ce moment même sur le site Internet du Sénat ainsi que sur Facebook ; cet enregistrement sera disponible par la suite en vidéo à la demande.

L'ÉPIDE intéresse tout particulièrement notre mission parce que ce dispositif d'insertion sociale et professionnelle s'appuie sur un maillage de centres présents dans de nombreux territoires, en cohérence avec les préoccupations du Sénat, mais aussi parce que la formation qui y est dispensée aux jeunes comporte un « parcours citoyen » venant en complément de l'accompagnement des jeunes vers l'autonomie.

Avant de vous donner la parole, Henri Cabanel, rapporteur, va vous poser quelques questions pour situer les attentes de cette mission d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Je remercie également Mme Gérard-Chalet et M. Pourchet de s'être rendus disponibles.

Mes premières questions concernent l'activité de l'ÉPIDE.

Quel est le parcours des jeunes accompagnés par l'établissement ? Comment se déroule le parcours citoyen suivi par les volontaires de l'ÉPIDE ? Cette formation citoyenne fait-elle l'objet d'une validation, comme c'est le cas dans le cadre du service militaire adapté (SMA), où l'attestation de formation citoyenne est nécessaire à l'obtention du certificat d'aptitude personnelle à l'insertion ?

Quel est le degré d'autonomie des vingt centres d'accueil répartis sur le territoire, en particulier dans les parcours d'accompagnement qu'ils proposent ?

Combien de volontaires ont-ils été accompagnés par l'ÉPIDE en 2021 ? Ce nombre pourrait-il augmenter ? Comment ont évolué les effectifs de l'ÉPIDE depuis sa création ?

Quelle est la proportion de jeunes filles bénéficiant du dispositif ? Quels sont les leviers pour assurer l'égal accès du dispositif à l'ensemble des jeunes ?

Disposez-vous d'indicateurs relatifs à l'insertion des anciens volontaires au sein des forces armées ou des autres corps en uniforme - police et gendarmerie nationale notamment ?

Dans un rapport publié en mai 2021 à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes évoque des pistes pour renforcer l'attractivité de l'ÉPIDE, les centres affichant un taux d'occupation de 71 %. L'hébergement des jeunes sept jours sur sept figure parmi ces pistes pour une meilleure prise en charge des jeunes logés de manière précaire. Qu'en pensez-vous ? Envisagez-vous une telle évolution ? Comment communiquez-vous avec les diverses institutions qui travaillent à l'insertion des jeunes ?

Mes autres questions ont trait à l'articulation entre l'activité de l'ÉPIDE et d'autres dispositifs d'insertion. Quelles sont les spécificités de l'accompagnement proposé par l'ÉPIDE au regard du service militaire volontaire (SMV) et du réseau des écoles de la deuxième chance (E2C) ? Quelles sont les principales différences entre les publics accueillis par ces trois dispositifs ?

Estimez-vous que l'articulation actuelle entre ces trois dispositifs permet une orientation efficace des jeunes ayant besoin d'un accompagnement en matière d'insertion sociale et professionnelle ?

Enfin, pourriez-vous nous donner votre appréciation sur le rôle du ministère des armées dans le pilotage de l'ÉPIDE ? Quelles seraient les conséquences d'un retrait définitif du ministère des armées de sa gouvernance ?

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Nous allons tenter de répondre dans le délai imparti et nous pourrons vous envoyer des éléments complémentaires si vous le jugez utile.

Je vous remercie pour votre invitation, d'autant plus que l'éducation à la citoyenneté est l'une de nos missions importantes mais qu'elle n'est pas toujours perçue comme telle, parce que nous sommes un opérateur spécialisé dans l'insertion sociale et professionnelle, alors que la citoyenneté est un socle sur lequel s'appuie cette insertion. À la suite du rapport que la Cour des comptes a consacré à l'ÉPIDE l'an passé, mais aussi du rapport d'information du Sénat L'égalité des chances, jalon des politiques de jeunesse, notre établissement s'est engagé dans une démarche stratégique avec ses 1 100 agents. Nous avons ouvert une plateforme citoyenne sur laquelle chacun pouvait proposer ses idées d'améliorations, notamment pour accueillir et insérer davantage de jeunes. Plus de 85 % des personnels ont participé et nous en avons tiré une feuille de route 2022-2024, dont nous espérons qu'elle aboutira sous la forme d'un contrat d'objectifs et de performance avec nos autorités de tutelle.

De fait, des arbitrages ont été rendus pour répondre à certaines des recommandations formulées par la Cour des comptes, et l'ÉPIDE vit une transformation profonde, portée par ses agents, pour répondre aux besoins des jeunes et des territoires. Vous nous offrez l'une des toutes premières occasions de le dire publiquement et je vous en remercie.

L'ÉPIDE est un établissement récent, qui existe seulement depuis une quinzaine d'années. Nous sommes spécialisés dans l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 17 à 25 ans, avec un accompagnement intensif et un hébergement continu. Nous les accompagnons dans l'emploi, avec une réussite importante - la Cour des comptes estime que, compte tenu des profils des jeunes que nous accueillons, nos résultats d'insertion sont « probants ».

Nous suivons principalement des jeunes sans diplômes, mais nous sommes également habilités à accompagner des jeunes diplômés en voie de marginalisation. Ce qui fait notre singularité, comme l'a relevé la Cour des comptes, c'est que les jeunes que nous accueillons sont ceux qui cumulent le plus de fragilités, comme nous le voyons dans l'enquête « Profils » que nous confions régulièrement à un prestataire. Les jeunes que nous accueillons cumulent les fragilités : ils ont des fragilités sociales, ils ont des problèmes de ressources, ils sont souvent en rupture familiale, ils ont des difficultés de santé, des fragilités psycho-sociales, ils sont souvent fâchés avec la société, ils ont perdu leurs repères, en particulier temporels. Toutes ces difficultés font qu'ils ne pourront pas, en quelques semaines seulement, retrouver les capacités requises pour un stage en entreprise : le fait de respecter un horaire, de savoir se présenter et se tenir... C'est pourquoi il faut, pour ces jeunes, un cadre qui réinstalle quelque chose, un accompagnement intensif bien différent de celui qu'offrent, par exemple, la garantie « jeunes » ou même le service militaire volontaire (SMV). Notre accompagnement, justement, est intensif. Le taux de professionnels par personne suivie est comparable à celui d'un service de réanimation : un professionnel pour 2,5 jeunes, quand c'est un pour cinquante dans le cadre de la garantie « jeunes ».

L'encadrement que nous avons mis en place comprend des personnels aux compétences pluridisciplinaires, pour une prise en charge des jeunes à 360 degrés, qui comprend un diagnostic social, un diagnostic psychologique, un diagnostic en santé, un diagnostic en matière d'insertion professionnelle et sur le comportement. Nous avons des formateurs en sport, des conseillers en éducation et citoyenneté. La palette est très large. Notre méthode consiste à prendre en charge l'ensemble des problèmes dans une unité de temps et de lieu. Les premières semaines sont centrées sur une pédagogie collective, pour que chaque jeune volontaire trouve ses marques dans le collectif et prenne confiance en lui. C'est à nous de lui donner l'idée de ses capacités : nous sommes convaincus qu'un jeune a toujours des capacités, qu'il faut les faire valoir et que c'est ensuite seulement que l'on peut construire un parcours individualisé, où le jeune sera acteur de son parcours. Nous l'accompagnons alors jusqu'à la sortie vers un emploi ou une formation qualifiante.

La comparaison entre les dispositifs montre que nous sommes les seuls à nous adresser aux jeunes cumulant autant de difficultés et à leur accorder autant de moyens d'accompagnement. Je dirais qu'il n'y a pas de concurrence entre dispositifs : nous avons des relations, des contacts, qu'il pourrait être intéressant de formaliser au niveau national ; enfin nous rencontrons des difficultés communes - par exemple, continuer notre action malgré la crise sanitaire ou encore numériser en partie nos formations. Je crois qu'il y a surtout un besoin de bien positionner chacun de ces dispositifs et de rendre l'ensemble lisible aux prescripteurs, aux jeunes, aux familles, pour bien souligner les spécificités de chacun et ce qu'il peut apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Y a-t-il des passages de jeunes d'un dispositif à l'autre, par exemple des sorties de l'ÉPIDE vers d'autres dispositifs ?

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Notre intervention est fondée sur le volontariat, que nous vérifions auprès du jeune tout au long de notre intervention. Nous tâchons de rendre lisible ce que nous proposons, pour que le jeune sache ce qu'il en sera avant de s'engager. Nous voulons éviter le risque que le jeune vive un changement de dispositif comme un échec supplémentaire dans des parcours qui sont souvent déjà bien chaotiques. Nous individualisons la réponse autant que nous le pouvons. C'est un élément très important de notre méthode.

Dans notre réflexion stratégique, nous avons proposé de renforcer notre positionnement, cette intervention auprès des plus éloignés de l'emploi, avec des moyens renforcés et individualisés. Nous avons certes des faiblesses. La Cour des comptes en a identifiées l'an passé, que nous avons déjà commencé à combler.

Je veux d'abord évoquer la question du niveau de l'allocation des volontaires, qui était jusqu'à la fin de l'année 2021 de 210 euros mensuels - plus 90 euros mensuels capitalisés et donnés au volontaire à la fin de son parcours. Un décret du 26 décembre dernier l'a portée à 500 euros mensuels à partir du 1er janvier 2022, ce qui correspond à ce que les jeunes perçoivent avec la garantie « jeunes » ou en stage de formation professionnelle. Ce relèvement de l'allocation est décisif quand on connait la situation des jeunes suivis par l'ÉPIDE : dans une enquête, 37 % nous ont dit que la difficulté majeure qu'ils rencontraient pour suivre leur formation était de se nourrir correctement et de prendre soin d'eux le week-end. Des jeunes n'entraient pas à l'ÉPIDE parce que l'allocation y était trop faible, ce qui est paradoxal puisque nous visons les jeunes les plus en difficulté. Nous avons amélioré ce point.

Autre difficulté, 14 % des jeunes en parcours nous disent ne pas avoir de logement, alors que c'est une condition évidente pour réussir. Nous avons donc décidé d'ouvrir des places d'hébergement le week-end pour accueillir les volontaires qui en ont besoin. Dans la loi de finances initiale pour 2022, près de dix millions d'euros ont été fléchés pour cet hébergement. Nous avons aussi levé la condition du certificat d'hébergement pour entrer à l'ÉPIDE - cette condition aussi était un paradoxe, car elle nous conduisait à écarter des jeunes qui étaient le plus dans le besoin. Nous avançons. Certains centres logent jusqu'à 25 % des jeunes le week-end. Tous les centres n'ont pas encore pu ouvrir leur hébergement en fin de semaine, et il nous faut trouver les partenaires pour l'hébergement. Cette nouvelle possibilité d'accueil en continu va probablement accroître le nombre de bénéficiaires. Nous allons aussi pouvoir mieux accueillir des jeunes qui, hébergés en foyer d'hébergement d'urgence ou en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, risquaient de perdre leur place d'hébergement s'ils entraient à l'ÉPIDE, sans pour autant trouver de solution de logement en fin de semaine ; aujourd'hui, nous pouvons les accueillir et leur offrir une prise en charge sociale et professionnelle, mais aussi citoyenne. Je pense aux jeunes demandeurs d'asile, que nous pouvons ainsi acculturer aux valeurs de la République et à qui l'on peut montrer ce qu'est la France et comme on y vit bien. Nous sommes heureux, dans les circonstances actuelles, d'apporter une réponse complète à ces jeunes.

Autre amélioration, alors que nous avions au départ fixé l'âge minimal à 18 ans, nous avons expérimenté l'accueil à partir de 17 ans dans une dizaine de nos centres, constatant que les ruptures familiales sont de plus en plus précoces et qu'il y a un besoin d'intervention avant la majorité. L'expérience s'est révélée concluante : les jeunes de 17 ans que nous avons accueillis se retrouvent dans notre offre. Nous allons donc généraliser cet accueil dès 17 ans à l'ensemble des centres.

De même, constatant que les fragilités psychosociales des jeunes que nous accueillons s'accentuent ces dernières années, nous avons décidé de faire un effort pour que les volontaires, qui bénéficient tous d'un bilan de santé en entrant dans nos centres, bénéficient également d'un bilan psychologique. Nous avons besoin d'un psychologue dans chaque centre au moins un jour par semaine. Nous avons commencé par une demi-journée de présence, et nous avons prévu les crédits pour ce faire. Nous allons mettre en place ce suivi psychosocial progressivement.

Dernière évolution, nous avons élargi l'accueil aux jeunes diplômés en voie de précarité et de marginalisation, alors que nous ne visions au départ que les non-diplômés. Nous avons constaté que de jeunes bacheliers pouvaient avoir connu une rupture et être en voie de marginalisation, par exemple parce que « Parcoursup » ne leur avait pas ouvert une place dans la formation qu'ils demandaient. Nous avons d'abord expérimenté cet accueil des diplômés et constaté son utilité, puis nous l'avons généralisé.

L'ÉPIDE était il y a quelques mois un établissement d'insertion sociale et professionnelle de jeunes majeurs jusqu'à 25 ans, avec un hébergement de semaine. Il est devenu un opérateur spécialisé dans l'accompagnement intensif des jeunes les plus éloignés de l'emploi, à partir de 17 ans, qu'ils aient ou non un diplôme, en offrant un hébergement toute la semaine. Nous avons tenu compte de la réalité et nous nous sommes articulés avec les autres dispositifs - je ne crois pas qu'il y ait de concurrence à proprement parler.

Nous croyons beaucoup à l'expérimentation. Depuis 2020, notre activité a été réduite du fait de la crise sanitaire. Chaque centre a défini son protocole pour remplir au mieux ses missions dans des conditions de sécurité sanitaire pour les volontaires et les personnels - certains des centres ont été occupés à 80 %, d'autres à 40 %. Au total, selon l'indicateur de file active, 4 583 jeunes différents ont été à l'ÉPIDE au moins pendant un jour en 2021, certains sont restés quelques semaines, quand d'autres vont au bout du parcours. Tous ont bénéficié d'un accueil. Enfin, nous constatons une accélération sur le dernier trimestre grâce à la motivation de nos équipes.

Nous avons aussi lancé une démarche pour territorialiser davantage notre action, en demandant aux centres de mobiliser les équipes pour les projeter sur les territoires auprès de leurs interlocuteurs : les collectivités locales, les missions locales, les associations, les acteurs de la politique de la ville. Nous avons aussi simplifié nos procédures, en suspendant toutes celles qui ne contribuent pas à l'insertion des jeunes. Beaucoup de règles sont donc réévaluées. Notre procédure d'admission, par exemple, était précautionneuse et elle n'était ouverte que tous les deux mois ; nous avons décidé de laisser à chaque centre le soin de décider du bon rythme, pourvu que l'admission ait lieu au moins une fois par mois, y compris en décembre - il est important, pour des jeunes, de savoir, en fin d'année, qu'ils rejoindront un projet en janvier. Certains centres ont mis en place une admission mensuelle, d'autres le font tous les quinze jours et d'autres encore en continu. Les commissions ne sont plus obligatoires, la seule obligation étant d'effectuer une vérification du respect, par les jeunes accueillis, des conditions juridiques d'accès à l'ÉPIDE.

Toutes ces évolutions sont positives. Nous avons terminé l'année fatigués, mais satisfaits, comme je l'ai dit aux agents. Les résultats sont là : au cours des derniers mois de l'année les admissions ont progressé de 25 % par rapport à 2020 et nous avons fini l'année avec autant de jeunes qu'en 2019. Nous avons effacé l'impact de la crise. Certes, la crise sanitaire a encore un effet sur nos chiffres, mais la tendance est à la hausse : alors qu'au mois d'août 2020 huit centres affichaient un taux d'occupation de moins de 55 %, il n'y en a plus qu'un seul aujourd'hui, et huit de nos centres affichent désormais un taux d'occupation supérieur à 75 %. Face à la cinquième vague, nous faisons de la pédagogie pour que les jeunes se vaccinent, avec un certain succès.

Notre activité s'améliore. Notre enjeu, pour cette année, est de la rendre plus lisible, d'installer notre nouveau positionnement, de nous faire mieux connaître. Un vingtième centre va bientôt ouvrir à Alès, améliorant notre desserte territoriale, laquelle reste un point faible car si nous offrons, par exemple, 660 places dans les Hauts-de-France, nous n'en avons que 210 en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 150 en Nouvelle Aquitaine. Notre maillage est lié aux implantations des casernes militaires et du patrimoine immobilier que nous utilisons, mais la Cour des comptes a bien noté l'inégale répartition des volontaires selon leurs origines géographiques. Une dizaine de départements nous ont envoyé moins de cinq jeunes en cinq ans, ce qui tient à notre maillage encore trop faible et aux problèmes de desserte dans les territoires concernés. La mission sénatoriale sur l'égalité des chances a conclu qu'il fallait une masse critique sur les territoires pour que l'offre de l'ÉPIDE soit lisible et bien identifiée. C'est une réflexion à avoir, qui peut peser sur certains publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Quelle proportion de jeunes filles accueillez-vous parmi les volontaires ?

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

L'ÉPIDE a vocation à accueillir les femmes au même titre que les hommes. Nous avons 1 008 places identifiées comme pouvant accueillir des femmes, soit 32 % de nos capacités, et 29 % de volontaires sont des femmes. Je crois donc que, si l'on veut augmenter le nombre de femmes volontaires à l'ÉPIDE, il faut leur réserver davantage de places dans les centres.

Nous avons aussi des actions comme l'accompagnement de la grossesse, avec ce que nous avons appelé « l'internat éclaté » : une jeune femme peut suspendre sa participation à l'ÉPIDE quand elle est enceinte, puis être accueillie en centre maternel avec son enfant le soir, tout en poursuivant sa participation à l'ÉPIDE pendant la journée. Le nombre de jeunes femmes concernées n'est pas considérable, mais le symbole est là. Nous montrons que nous les accueillons. Nous avons réuni des jeunes femmes en ateliers pour leur demander ce qui pouvait freiner la venue d'autres jeunes femmes : leur réponse a beaucoup porté sur les conditions d'accueil, sur le manque de places réservées aux femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Les femmes représentent 29 % des volontaires pour 32 % des places : les chiffres paraissent coïncider.

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Il y a une tension, mais comme nous ne faisons pas de liste d'attente, je ne peux pas savoir si des jeunes femmes sont refusées par manque de places.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Un grand bravo pour ce travail, qui suscite notre admiration.

J'aimerais en savoir davantage sur les jeunes que vous recevez, sur leur parcours antérieur : quelle est, en particulier, la proportion de ceux qui étaient suivis par l'aide sociale à l'enfance ?

Vous évoquez une méthode d'intervention globale, avec des professionnels venus de nombreuses disciplines : pouvez-vous détailler davantage cette méthode ?

Rencontrez-vous des difficultés de recrutement pour constituer et maintenir vos équipes ?

Je m'étonne que vous n'ayez pas parlé de l'Éducation nationale, alors que c'est bien à l'école qu'on repère les décrochages et que les établissements scolaires ont des places en internat. Enfin, quelle est la dimension citoyenne de l'accompagnement proposé par l'ÉPIDE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Je suis partagé sur votre propos. Pour avoir été de ceux qui ont soutenu le dispositif « Défense deuxième chance », je ne peux que vous féliciter pour votre travail. Cependant, sur le plan quantitatif, nous sommes encore bien loin de l'objectif initial, qui était de 20 000 jeunes par an. Que vous paraît-il manquer, en moyens et en organisation, pour atteindre cet objectif ?

Il faut dire, ensuite, que l'ÉPIDE s'inspire du SMA tel qu'il a fonctionné outre-mer. C'est même l'un des exemples d'une expérimentation qui y réussit et qui est ensuite transposée dans l'Hexagone : avez-vous des échanges d'expériences et de méthodes ? Comment prenez-vous en compte et valorisez-vous cette filiation avec le SMA ?

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Nous vous communiquerons des chiffres actualisés sur les jeunes que nous accompagnons.

Rencontrons-nous des difficultés à recruter ? Je veux souligner que nous investissons beaucoup dans la formation et l'intégration des personnels. Un nouveau centre ouvre ces jours-ci à Alès. Nous en avons recruté les personnels début décembre et nous les formons depuis un mois, sur site et dans d'autres centres. Chacun dispose d'un parrain qui travaille déjà chez nous et qui va l'accompagner. Ensuite, nous avons conclu avec les organisations syndicales un accord-cadre sur l'accompagnement social de la transformation, avec un effort tout particulier sur la formation des personnels : nous avons augmenté de 50 % l'effort de formation à destination des personnels pour les faire monter en compétences sur les nouveaux besoins et le nouveau public. Nous veillons à la qualité de vie au travail de notre personnel.

Cependant, comme la Cour des comptes l'a souligné, nous rencontrons des difficultés liées au fait que certains métiers sont en tension, par exemple celui d'infirmière, pour lequel nous sommes concurrencés par d'autres secteurs. Il y a aussi le fait que 93 % de nos personnels sont contractuels. Nous allons définir, cette année, les conditions pour pouvoir signer des CDI avec nos agents. La Cour des comptes considère que c'est envisageable ; ce sera un élément de progrès. Elle nous a fait savoir que nos agents étaient globalement moins bien rémunérés que dans d'autres postes équivalents. Nous nous sommes engagés à examiner ce point sur la base d'éléments objectifs.

Nous avons des liens avec l'Éducation nationale, qui est membre de notre conseil d'administration. Son approche est cependant différente : elle identifie les décrocheurs de façon précoce pour essayer de les faire revenir dans le système scolaire, quand l'ÉPIDE les reçoit bien plus tard. Nous devons néanmoins renforcer nos liens, en travaillant particulièrement sur les bacheliers en voie de marginalisation - ceux qui n'ont aucune perspective après leur baccalauréat.

L'éducation à la citoyenneté est pour nous un élément capital, comme en témoigne la présence de trois conseillers éducation citoyenneté dans l'équipe de sept personnes à qui l'on confie l'encadrement quotidien d'une section de trente volontaires.

Les employeurs recrutent des jeunes sortis de l'ÉPIDE pour leur fiabilité, leur ponctualité, leur maîtrise des codes du bien vivre ensemble et leur capacité à se situer dans une équipe par rapport à leurs collègues et à leurs responsables. Or ces compétences sont acquises dans le cadre du parcours citoyen. Ce dernier comporte deux aspects. Dans un premier temps, nous disons au jeune qui nous rejoint qu'il a sa place dans la République. C'est le sens du paquetage qu'il reçoit. Tous, cadres et volontaires, sont, en effet, habillés de la même façon, en uniforme. Leur dire qu'ils ont leur place dans la République est une démarche essentielle. C'est le premier message qu'ils reçoivent en arrivant à l'ÉPIDE. Nous leur disons que nous représentons la République et que la République ne veut laisser personne au bord du chemin. Le message que je leur transmets au nom de la République est qu'ils ont des capacités, que nous leur faisons confiance et que ce sont eux qui construiront la société de demain.

Par le biais de l'uniforme, ils prennent leur place dans le collectif, en tant que citoyens, et apprennent à marcher au pas aux côtés des autres volontaires, pour aller ensemble vers un but commun. Nous leur disons de relever le menton et d'être fiers, car ils font partie de notre communauté. En quinze jours, cela change un homme ou une femme !

Par la suite, une cérémonie est organisée dans les centres ÉPIDE, au cours de laquelle on effectue la levée des couleurs au son de La Marseillaise. À cette occasion, les volontaires sont valorisés. Le volontaire à l'insertion Dupond s'entend dire : « Volontaire à l'insertion Dupond, sortez des rangs. Vous avez réussi votre attestation de parcours citoyen et je suis heureux de vous la remettre, au nom de l'ÉPIDE et de la République. Bravo pour ce que vous avez fait. » Les autres volontaires peuvent alors se dire qu'un jour aussi ils seront appelés. La participation à un événement comme celui-là a une importance considérable.

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Il est important de nouer avec eux une relation de confiance. Ils signent également un contrat de volontaire à l'insertion, comportant des droits et des devoirs, notamment l'obligation de respecter le cadre de vie collectif dans lequel ils s'insèrent. Les volontaires déclarent apprécier ce cadre, car il est strict, mais bienveillant. Le rôle des encadrants est d'en rappeler les limites, avec fermeté et bienveillance, lorsqu'ils essaient de les franchir, mais, à l'intérieur de ce cadre de vie, les volontaires gagnent progressivement en autonomie. Nous valorisons ce qu'il y a à valoriser mais nous disons aussi ce qui ne va pas, en organisant lorsque cela est nécessaire un entretien d'aide pour expliquer ce qui ne va pas. Ils nous disent alors que c'est la première fois que l'on s'occupe d'eux.

C'est une démarche éducative, d'apprentissage. Au bout d'un certain temps, si cette démarche ne suffit pas, des sanctions peuvent aussi s'appliquer, pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive. Mais tout cela est gradué, dans une logique éducative.

L'éducation à la citoyenneté se définit ainsi : accueillir, faire confiance, donner de la reconnaissance et donner un cadre. Ce dernier est donné à la fois par les agents de l'ÉPIDE et par les autres volontaires. Au bout de quinze jours, un jeune qui vivait plus ou moins avachi sur son canapé se tient droit, le menton levé, marche avec ses camarades et se lève quand vous l'interrogez, les mains derrière le dos, pour se présenter : « Je suis le volontaire à l'insertion Dupond, section «x», promotion «y», j'ai tel projet, je sais qui je suis et où je vais. »

Le parcours citoyen comporte également une explication sur les institutions de la République. Dans ce cadre, les jeunes peuvent être amenés, à l'invitation de l'un d'entre vous, à visiter le Sénat. Ils visitent plus fréquemment la mairie ou la préfecture la plus proche.

Ils ont, en outre, des compétences citoyennes à acquérir et des actions citoyennes à réaliser auprès d'associations : lutte contre la pauvreté, préservation de l'environnement, appui aux personnes en situation de handicap. L'idée est qu'ils soient des citoyens engagés au service des autres.

Tout cela est valorisé par l'attestation de parcours citoyen. Nous avons un travail à mener dans les trois ans à venir pour améliorer la lisibilité de cette attestation pour les entreprises. En effet, les compétences développées dans le cadre de ce parcours sont transférables dans le monde de l'entreprise. Ces compétences représentent déjà une des raisons principales de l'embauche de nos jeunes par les entreprises.

Nous avons des liens avec le SMA, qui sont certainement à renforcer. Nous pourrions, par exemple, réfléchir à un accueil des jeunes du SMA dans les centres ÉPIDE, à condition de pouvoir les héberger le week-end.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Je vais malheureusement devoir vous quitter et confier la présidence à Mme Martine Filleul. Je vous remercie pour votre participation.

- Présidence de Mme Martine Filleul, vice-présidente -

Debut de section - Permalien
François-Xavier Pourchet, directeur général adjoint de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi

Il existe, entre le SMA et l'ÉPIDE, une forte filiation. Nous étions ainsi invités récemment aux 60 ans du SMA. Certains de nos agents et de nos chefs de service viennent, en outre, du SMA. Le SMV constitue cependant davantage que l'ÉPIDE sa transposition métropolitaine. Nos liens avec le SMA mériteraient néanmoins d'être approfondis.

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Un questionnaire que nous avons diffusé au cours du deuxième confinement pour connaître l'impact de la crise sur nos jeunes a montré que 98 % de nos volontaires avaient pour projet, pour l'avenir, « d'être utile », et que 58 % d'entre eux avaient des projets professionnels en lien avec les services à la population, les métiers en uniforme, la santé, le social, ou l'aide à la personne. La citoyenneté qui leur est transmise chez nous est donc un élément très fort.

Cette transmission s'effectue de façon très pratique, au moyen de la construction d'un jeu de l'oie sur les discriminations, par exemple, ou de discussions sur les violences faites aux femmes et les difficultés qui en découlent pour les enfants qui en sont témoins et peuvent craindre de les reproduire eux-mêmes par la suite. Arriver à ce niveau de confiance avec nos volontaires est remarquable.

Debut de section - Permalien
François-Xavier Pourchet, directeur général adjoint de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi

Nous réalisons régulièrement des enquêtes sur les trajectoires de nos jeunes. La dernière est parue en novembre dernier, la précédente datait de 2017. Selon ces enquêtes, 13 % des volontaires ayant quitté l'ÉPIDE depuis deux ans et demi ont rejoint les métiers en uniforme - armée, gendarmerie, police, services publics -, contre 12 % en 2021. En outre, 4 % d'entre eux sont allés vers la sécurité privée. Ces pourcentages sont assez stables.

Il arrive également que des jeunes ayant rejoint l'ÉPIDE avec le projet d'entrer dans l'armée - projet motivé par son caractère structurant - bifurquent en cours de route. Nous leur demandons toujours, par principe, de formuler deux projets.

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Comment faire pour parvenir à 20 000 jeunes par an ? En 2019, nous avions pour but de remplir nos centres, qui n'étaient alors pleins qu'à 71 %, pour occuper pleinement nos capacités. Le premier objectif est donc d'arriver à occuper nos centres à 100 %. Notre réflexion stratégique est tournée vers la nécessité de mettre en cohérence nos moyens et les besoins actuels des jeunes. Une fois les centres pleins, ce qui est en bonne voie, il faudra en construire de nouveaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Si les centres étaient pleins, combien de personnes accueilleraient-ils ?

Debut de section - Permalien
Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Nos centres présentent une capacité totale de 3 030 places, pour un parcours théorique d'une durée moyenne de huit mois. Compte tenu de cette durée moyenne, il faut multiplier ce nombre par 1,5 pour obtenir le nombre de séjours pleins. On est donc encore loin d'une cible de 20 000 jeunes par an ! Il faudrait multiplier les capacités. L'hypothèse selon laquelle il serait possible de raccourcir ce parcours à deux mois n'est pas envisageable, compte tenu du degré d'éloignement de nos jeunes à l'égard de la société et de l'emploi. Nous nous adressons en effet à eux dans ce qu'ils ont de plus profond, en organisant, par exemple, des ateliers consacrés à la gestion des émotions. Réduire la durée des séjours n'est pas souhaitable si nous voulons en maintenir la qualité. Le remplissage intégral de nos centres fait donc partie de nos objectifs et il nous semble à notre portée. Nous avons aussi quelques projets en cours pour l'ouverture de nouveaux centres.

Une réflexion sur le modèle de nos centres serait également bienvenue. Les centres de 150 ou 250 places que nous construisons aujourd'hui - dont nous sommes les maîtres d'ouvrage, moyennant un financement intégral par l'État - demandent beaucoup de place et sont donc souvent mal desservis, car situés en dehors des centres-villes. Ces projets prennent, en outre, beaucoup de temps.

Nous pourrions réfléchir à d'autres modèles, visant à conserver le même projet pédagogique, mais dans des centres de plus petite taille, via une collaboration avec les collectivités locales. Celles-ci sont en effet souvent demandeuses de l'installation d'un centre ÉPIDE et proposent des infrastructures qui se trouvent sans affectation. Or nous peinons à répondre à leurs sollicitations, compte tenu de la nature actuelle de notre modèle de gouvernance et de financement. Il y a là une réflexion collective à mener, pour gagner en agilité, et rendre ce dispositif accessible à un plus grand nombre de personnes. Nous sommes tout à fait prêts à y réfléchir.

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François-Xavier Pourchet, directeur général adjoint de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi

Un important travail de structuration de l'offre de service de l'ÉPIDE a été mené en 2015-2016, et reste d'actualité. Chaque agent doit pouvoir se l'approprier. Notre offre de service est robuste et documentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Merci à tous les deux. Votre présentation était passionnante et vous nous avez appris beaucoup.

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Florence Gérard-Chalet, directrice générale de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (ÉPIDE)

Merci à vous, et bienvenue par avance à ceux d'entre vous qui souhaiteront visiter nos centres ÉPIDE.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.