Veolia Environnement est un groupe industriel de services à l'environnement, dont certains d'entre vous ont peut-être été les clients à travers leurs mandats. Nous avons aujourd'hui trois métiers principaux : la production, la distribution et l'assainissement d'eau ; la collecte, le traitement et la valorisation des déchets ; les services à l'énergie à travers la filiale que nous partageons avec EDF, Dalkia. Nous nous désengageons aujourd'hui d'un quatrième métier résultant d'une association avec la Caisse des dépôts et consignations dans le secteur des transports publics, à travers Véolia Transdev.
Voici quelques ordres de grandeur : l'eau représente 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires, la propreté environ 9 milliards, les services à l'énergie quelque 8 milliards et le transport, que nous ne consolidons plus en chiffre d'affaires, est de l'ordre de 8 milliards d'euros. L'entreprise représente donc, selon les normes comptables actuelles, 29 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
C'est aussi une entreprise regroupant 330 000 collaborateurs. Nous sommes une industrie de main-d'oeuvre, de cols bleus, et nous le revendiquons. Nous sommes l'un des plus grands employeurs de France, avec 100 000 salariés. Nous avons investi à peu près un milliard d'euros chaque année depuis trois ou quatre ans.
A l'évidence, la nature des services de Veolia est locale. On ne peut traiter de distribution d'eau, de déchets, de réseaux de chaleur que localement. Notre activité n'est donc, par construction, absolument pas délocalisable. C'est vrai des collectivités publiques, qui représentent 70 % de notre chiffre d'affaires, demain plutôt 60 % ; c'est vrai aussi de nos clients industriels, qui ont la même problématique. Quand on sert une usine ou un distributeur, on est nécessairement local. Les coûts des salariés, les coûts des matières sont locaux, l'essentiel de la sous-traitance est local, à travers l'irrigation d'un réseau de PME.
La conséquence, c'est le caractère très dispersé de nos activités, qui se retrouve juridiquement. Nous avons, en comptant le transport, 2 800 filiales consolidées, dans 77 pays, ce qui représente d'ailleurs un vrai sujet de gestion. Quand on a autant d'entités, il est extrêmement difficile de consolider l'information.
Nos clients veulent avoir des filiales, mais, là encore, pas du tout dans un but d'optimisation juridique ; vous connaissez sans doute certains d'entre eux et vous savez que, s'ils souhaitent absolument avoir une filiale, c'est parce qu'elle présente un caractère local et qu'elle est plus facile à appréhender ; en outre, le sentiment de transparence qu'elle suscite est plus grand. Cette demande nous est imposée par le business et nous pouvons difficilement revenir dessus.
La France, j'en ai parlé en termes d'emploi et d'investissement, représente aujourd'hui un peu moins de 40 % de notre activité, contre plus de 90 % à la fin des années quatre-vingt-dix. Notre groupe a donc connu en une dizaine d'années une véritable mutation : pratiquement franco-français au départ, Veolia est devenu beaucoup plus international, même si la France occupe toujours la première place.
Après cet exposé général du groupe, je dirai un mot sur sa stratégie et ses priorités.
Aujourd'hui, Veolia est une entreprise en pleine transformation, qui implique un recentrage, avec des cessions d'actifs très importantes, puisque nous nous sommes engagés à céder 5 milliards d'euros d'actifs sur les années 2012 et 2013. Le recentrage de Veolia sur ses principaux pays d'implantation, l'ajustement de son périmètre est l'une de nos principales priorités, plus que la stratégie fiscale ; j'en dirai un mot dans quelques instants.
Aujourd'hui, quatre États totalisent à peu près deux tiers de l'activité : la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, et enfin les États-Unis. Demain, c'est-à-dire en 2013-2014, ces pays-clés représenteront probablement 75 % de notre activité, avant d'être dilués par les pays à forte croissance.
Pour résumer, un mouvement de recentrage doit permettre la croissance. Un second mouvement vise la restauration du profit, car l'entreprise Veolia est confrontée à la baisse de ses profits depuis maintenant quatre ans et doit réagir face à cet événement.
La priorité principale de Veolia est la réduction des coûts afin d'atteindre son objectif : avoir un groupe qui gère ses coûts, se recentre et se désendette.
Dans ce cadre, nous sommes néanmoins présents dans un certain nombre de pays, notamment aux Bahamas, où nous effectuons et traitons la collecte des déchets, également en Belgique, où Veolia gère la station de retraitement des eaux usées, bien sûr à côté de ses autres activités.
Nous intervenons aussi à Monaco, puisque notre groupe est le propriétaire de la Société Monégasque des Eaux et que nous assumons la production et la distribution des eaux à Monaco depuis des dizaines d'années. Notre opérateur est présent là où les marchés sont disponibles, donc effectivement dans des pays qui ne sont pas forcément fiscalement très « purs ».
J'aborderai brièvement la stratégie fiscale du groupe.
Nous n'avons pas véritablement de stratégie fiscale, c'est-à-dire que nous ne choisissons pas nos pays d'implantation en fonction du taux de fiscalité. Nous n'organisons pas nos systèmes de production à travers la fiscalité, puisqu'ils sont systématiquement locaux et qu'ils nous sont imposés par la nature même de nos activités. Troisième point : nous ne tendons pas non plus à l'optimisation de bilan, c'est-à-dire que le niveau des dettes de Veolia, lequel vous est certainement familier, qui s'élève à une quinzaine de milliards d'euros, n'est pas forcément un choix d'optimisation bilancielle. C'est le résultat d'une situation qui a été créée voilà une dizaine d'années lors du transfert de l'ancienne entreprise Vivendi bien connue.
Donc, cette dette importante, nous l'avons toujours - c'est une quille ! -, et en conséquence, les marges d'optimisation sont relativement limitées.
Aujourd'hui, concernant la fiscalité, que voyons-nous et que découvrent nos investisseurs ? Une information totalement transparente.
En 2009, notre taux d'impôt apparent était de 21 %. En 2010, il était de 28 %, et en 2011, de 250 %. Pourquoi ? Parce qu'on enregistre des pertes, mais cela ne crée pas pour autant d'« anti-impôt » ou de capacité à limiter ces pertes. Nous payons tout de même de l'impôt dans un certain nombre d'opérations, ce qui produit un taux d'impôt complètement atypique. Même si nous retraitons des événements exceptionnels ou des éléments non récurrents, nous constatons une hausse tendancielle de notre taux d'impôt, qui passe de 31 % en 2009 à 37 % en 2011.
Notre efficacité fiscale, qui est aujourd'hui extrêmement médiocre, est liée au fait que certaines opérations se dégradent et que nous ne disposons pas en face du « coussin » fiscal. Nous payons de l'impôt dans des situations bénéficiaires, mais, pour des situations déficitaires, nous ne bénéficions pas du « coussin » fiscal, donc le taux d'impôt global se dégrade de manière assez significative.
Voilà la réalité brossée à grands traits.
Je voudrais ajouter un point qui est important : notre groupe est coté à New-York. Cela n'a pas beaucoup d'avantages, je ne vous le cacherai pas, hormis le fait que les chaînes de contrôle sont extrêmement denses, c'est-à-dire qu'une obligation personnelle très forte et pénalement sanctionnée aux États-Unis pèse sur les dirigeants de l'entreprise. Nous le savons, ce n'est pas une plaisanterie, et cette obligation nous oblige à un suivi, un contrôle assez fort de nos opérations.
Nous sommes soumis, par exemple, à un système de déclaration systématique des fraudes : celles-ci sont évidemment interdites, et dès qu'un employé en commet une, la personne qui en a connaissance doit aussitôt transmettre l'information au plus haut niveau du groupe. Je ne dis pas que nous sommes au courant de toutes les fraudes, parce que certains peuvent dissimuler leurs agissements, mais nous obéissons à un système de déclaration obligatoire, y compris pour l'absence de fraude. Nous devons déclarer que rien de tel n'a eu lieu, ce qui est tout de même difficile à faire si ce n'est pas le cas.
Par conséquent, ce système de contrôle est assez fort, et Veolia, dont 70 % des clients sont publics, ne peut pas se permettre d'être pris en train de dissimuler une fraude fiscale. Nous sommes particulièrement vigilants sur ces sujets, compte tenu des dégâts sur l'image du groupe que de telles opérations pourraient occasionner.
Nous avons mis en place des systèmes qui nous prémunissent contre ce genre de situations, bien entendu dans la limite du mensonge et de la dissimulation qui peuvent toujours arriver et que nous devons chasser au mieux.
M. le président. Je vous remercie de votre intervention. Avant de passer la parole à M. Thormann, pourriez-vous nous donner quelques informations supplémentaires concernant un aspect que vous venez d'aborder mais qui n'est pas directement inclus dans l'objet de la commission d'enquête : je pense au fait d'être coté à New-York. Voulez-vous dire que le contrôle de la bourse française n'est pas aussi rigoureux à l'égard des dirigeants d'entreprises ?
Il existe ce que l'on appelle les règles de contrôle interne. La France a adopté des dispositions en 2005, me semble-t-il, via la loi de sécurité financière, qui s'alignent, sur le fond, sur les règles américaines. En 2008, la Commission européenne a mis en place des directives qui tendent d'ailleurs à faire évoluer les réglementations nationales un peu dans le même sens que les mesures américaines.
Les États-Unis ont adopté, juste après la faillite d'Enron - vous vous souvenez peut-être de cette grande crise en 2002-2003 -, une loi visant à instaurer une responsabilité pénale pesant sur les dirigeants, qui doivent non seulement décrire leur système de contrôle interne, mais se prononcer sur la qualité de ce système et déclarer, sous peine de sanction pénale, qu'il ne présente pas de faille significative ou de faiblesse interne. Cette déclaration peut faire l'objet d'une incrimination pénale aux États-Unis, ce qui n'est pas le cas en Europe, en tout cas en France.