Intervention de Marc Fesneau

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2022 à 16h45
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition de M. Marc Fesneau ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Marc Fesneau, ministre :

S'agissant de la question des bourses, nous pourrons vous donner des éléments détaillés pour vous éclairer avant les débats budgétaires. Une revalorisation de plus de 4 % des bourses est prévue. Comme vous l'avez dit, il y a une légère diminution du nombre d'élèves boursiers. Nous couvrirons donc mieux les besoins de ceux qui en feront la demande. Par ailleurs, il y a un transfert du programme 143 vers le programme 142 qui explique la baisse constatée.

Le fonds lycéens n'a en effet pas été revalorisé pour cette année. Je note votre observation. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un élément d'accrochage pour les jeunes qui ont parfois mal traversé la période de la crise Covid.

Nous constatons une dynamique positive en termes d'apprentis, avec une hausse qui se poursuit. Les effectifs ne seront connus qu'en janvier mais plusieurs milliers de jeunes supplémentaires devraient suivre une formation par apprentissage. En 2021-2022, 57 000 apprentis ont suivi une formation dans un établissement de l'enseignement agricole, soit 11 000 de plus que l'année précédente. Cette hausse de 25 % fait suite à une hausse de 22 % en 2020-2021. C'est dire combien l'enseignement agricole prend une part importante dans cette dynamique de renforcement de l'apprentissage. Nous connaitrons au mois de janvier les derniers chiffres mais nous serons probablement dans les mêmes ordres de grandeur.

Je soutiens votre proposition d'évolution du BTSA en trois années. Je ne sais pas si je serai le ministre qui fera cette réforme mais, en tout cas, je suis le ministre qui veut la faire ! Il nous faut en effet renforcer l'attractivité de cette voie, compte tenu de la baisse légère des effectifs. Doivent notamment être posées la question du niveau et celle de la durée du diplôme - deux ou trois ans. Il faut trouver un système qui soit plus attractif mais également plus adapté à la diversité de métiers de plus en plus exigeants. Nous lancerons bientôt des travaux de réflexion et de concertation sur ce sujet.

S'agissant de la campagne de communication, il est difficile de juger par rapport à l'étiage du plan de relance. Les crédits du plan avaient permis à l'époque de lancer le dispositif « l'aventure du vivant », qui, je crois, a très bien fonctionné. Je rappelle que nous avions confié des moyens aux services déconcentrés de l'État, à savoir aux directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAF), aux directions départementales des territoires (DDT) et aux directions agricoles en région pour leur permettre de décliner elles-mêmes des actions locales. 0,5 million d'euros ont été consacrés à l'enseignement agricole pour une campagne de communication sur les formations elles-mêmes. J'entends ce que vous dites sur le manque actuel de communication. Ce n'est cependant pas le sentiment que j'ai. Le camion itinérant se déplace de ville en ville pour faire connaître les métiers agricoles et rencontre à ma connaissance un succès grandissant. J'entends cependant votre inquiétude et nous serons vigilants sur ce sujet. Le pari que nous avons fait est celui de l' « aller vers », en allant au sein des villes chercher des jeunes qui ne viennent pas du milieu rural.

S'agissant des schémas d'emplois, nous avons stabilisé les emplois alors qu'il ne s'agissait pas de la tendance retenue par le passé. Vous évoquez la création de 15 ETP supplémentaires pour l'enseignement technique agricole à travers le renforcement des équipes médico-sociales. Nous allons désormais travailler pour déterminer comment ils seront déployés. Il a bien été acté, lors des discussions avec Bercy, qu'il s'agirait d'une même augmentation sur trois années : 15 en 2023, 15 en 2024 et 15 en 2025.

S'agissant du lien entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, j'entends votre invitation à venir au banc. Si je peux, je le ferais volontiers. Nous avons engagé un bon dialogue avec le ministre de l'éducation nationale Pap Ndiaye, notamment sur le sujet de la formation professionnelle. L'éducation nationale est intéressée de savoir ce qui se fait dans l'enseignement agricole pour s'en inspirer pour les autres voies professionnelles. Vous pouvez compter sur moi pour que nous travaillions ensemble. Ce n'est pas qu'une question d'intention nationale, il s'agit aussi d'intentions locales. Ce dialogue entre l'éducation nationale et le ministre de l'agriculture par la voie de l'enseignement agricole doit aussi être renforcé au niveau local.

Vous avez évoqué la nécessité de développer la culture scientifique et la recherche. Vous avez raison de souligner l'action de l'INRAE, qui est un des meilleurs instituts de recherche du monde. Il est reconnu mondialement sur des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de sujets qui touchent à des défis majeurs. Dans le cadre de France 2030, plusieurs projets de recherche sur l'alimentation, sur la forêt, sur l'agriculture sont en train d'aboutir pour tenter de relever par l'innovation les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés.

Nous avons grandement besoin de développer une culture des faits et de la science. Il est assez paradoxal que dans le pays de Louis Pasteur et de Marie Curie nous ayons une culture scientifique aussi chahutée. Nous avons un travail à réaliser, à la fois à l'intérieur mais aussi à l'extérieur de nos établissements, pour convaincre de la nécessité de se reposer sur les faits scientifiques pour prendre des décisions politiques.

Je regardais, pendant vos questions, la définition dans le dictionnaire du terme d'agro-écologie. L'agroécologie n'est pas autre chose que la combinaison de la capacité à produire et du respect des cycles et des écosystèmes à préserver pour continuer à produire. L'agroécologie est « l'utilisation intégrée des ressources et des mécanismes de la nature, pour mieux produire ». Ce n'est pas l'un sans l'autre mais l'un avec l'autre. En réalité - et l'INRAE le dit très bien - à facteurs de production identiques, sauf dérèglement climatique, nous perdons en production. Pour ne citer qu'un seul exemple, il nous faudra travailler sur les sols pour y remettre de la matière organique afin de résoudre une partie des difficultés liées à l'eau mais aussi pour répondre aux difficultés de productivité. Des terres aujourd'hui se sont appauvries et ne sont plus capables de produire ce qu'elles étaient capables de produire il y a 20 ou 30 ans. L'agroécologie est au service de la mission première de l'agriculture qui est de produire. Il me semble que c'est ce que nous essayons d'enseigner dans nos établissements, avec des sensibilités différentes. Je pense que la production et la souveraineté françaises ont grandement besoin d'aller chercher dans l'agroécologie, tout comme dans la recherche et l'innovation, une partie de leurs solutions. Les jeunes qui rejoignent les professions agricoles, y compris des jeunes issus du milieu agricole, sont souvent plus sensibles à ces questions que ne l'étaient leurs parents ou leurs grands-parents. Je considère plutôt comme une bonne nouvelle que le souci de la transmission soit si important pour ces jeunes générations.

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