Intervention de Marc Fesneau

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2022 à 16h45
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition de M. Marc Fesneau ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Marc Fesneau, ministre :

Nous constatons une augmentation assez constante des jeunes en situation de handicap dans nos établissements agricoles. Pour l'année 2021-2022, 4 669 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés dans l'enseignement agricole, soit 1 000 de plus que l'année précédente. Ceux-ci ont bénéficié d'une aide, conformément à une notification de la MDPH. Les AESH bénéficieront bien de la revalorisation de 10 % des salaires. En 2019, on comptait 718 ETP AESH contre environ 1 000 en 2022. Nous essaierons de poursuivre cette tendance.

S'agissant de la réforme de l'enseignement professionnel, j'ai rappelé aux organisations syndicales que l'enseignement agricole était plutôt considéré par l'éducation nationale comme un modèle de réussite, ce qui doit nous rendre fier. Cette réforme vise à permettre que plus d'élèves s'engagent dans la voie professionnelle et que le taux de réussite soit plus élevé. Or, sur ces deux sujets, l'enseignement agricole est en pointe. Nous pouvons donc nous nourrir mutuellement de nos expériences. L'idée n'est pas de se calquer en tous points sur le modèle de l'enseignement agricole. Nous n'avons pas tout à fait les mêmes cohortes d'élèves, en nombre, ce qui rend les enjeux tout de même assez différents.

Sur la question des stages, rien n'est encore décidé. J'ai conscience de la difficulté à concilier allongement de la durée des stages et maintien de l'ensemble des enseignements. Nous devons mettre en place des groupes de concertation pour tenir compte des spécificités de l'enseignement agricole, s'agissant notamment des capacités d'accueil des exploitations agricoles.

Sur la double certification apprentissage, nous n'avons pas fait d'évaluation en tant que telle. Mais la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) essaie de travailler à sortir de cette double certification.

S'agissant de l'adéquation entre les moyens et les objectifs, je voudrais rappeler plusieurs éléments. Je me réjouis d'abord que nous ayons stoppé la tendance structurelle à la baisse des effectifs. Par ailleurs, lors des discussions avec mon collègue Gabriel Attal, j'ai insisté sur la nécessité de mettre en adéquation les moyens avec les besoins. Il faut aussi reconnaitre qu'il y a des domaines de l'enseignement agricole où le nombre d'élèves baisse et qu'il n'y a donc pas de raison d'augmenter les effectifs. J'assume de prioriser sur certains sujets, à savoir sur l'inclusion et sur les vétérinaires.

Sur l'enjeu des vétérinaires, je n'ai peut-être pas été assez explicite. L'augmentation des effectifs n'est pas due qu'à la création de l'école vétérinaire privée de Rouen. Elle s'explique surtout par le renforcement des effectifs dans les quatre écoles vétérinaires existantes. Par ailleurs, je voudrais rappeler qu'une structure privée peut assumer des missions d'intérêt général. Tout l'enseignement agricole dans sa diversité (public ou privé), sous ses différentes formes (associative ou autre), contribue à l'épanouissement des élèves. La véritable difficulté réside dans le fait qu'une grande partie des vétérinaires ne se destinent plus à des métiers ruraux et se tournent vers le privé, quand bien même ils ont été formés par le public. La médecine vétérinaire se dirige de plus en plus vers une médecine de l'animal de compagnie. Nous devons donc travailler à l'attractivité du métier en milieu rural. Le regroupement de cabinets peut constituer une réponse.

S'agissant du fonds d'innovation, il ne s'agit pas d'un appel à projets. Nous essayons de travailler avec les équipes des établissements pour trouver des formations pour les métiers de demain. C'est véritablement un fonds d'innovation pédagogique, au sens premier du terme.

S'agissant de l'évaluation du camion « l'aventure du vivant », vous avez rappelé que cette initiative a été lancée peu de temps avant la crise Covid. 2022 est donc la première année « normale » pour nous permettre de faire une évaluation. Il faut donc se laisser encore un peu de temps.

Il nous faut en effet trouver des pistes pour renforcer l'attractivité des métiers d'infirmiers dans les établissements d'enseignement agricole. Ce n'est pas qu'une affaire de revalorisation salariale. Il nous faut travailler sur tous les leviers.

Nous lancerons en 2022 une étude avec la DGER pour travailler sur la lutte contre les stéréotypes de genre. L'objectif est notamment de déterminer finement les raisons pour lesquelles les femmes se dirigent moins vers l'élevage. Il me semble également que les métiers sont mal décrits, ce qui dissuade les jeunes à les rejoindre.

S'agissant de la place des professionnels dans l'enseignement agricole, l'idée n'est pas de substituer les enseignants par des professionnels. L'objectif est de faire venir des professionnels en appui du parcours pédagogique, à l'intérieur des établissements. Il n'y aura pas de mécanisme de substitution.

Je vous propose de vous répondre par écrit sur la question des heures supplémentaires.

Les enjeux de coopération sont très particuliers au ministère de l'agriculture. Nous avons des coopérations en matière d'enseignement agricole avec des pays africains mais aussi des coopérations en matière de recherche, au travers des établissements comme l'INRAE. Nous coopérons également sur les questions de sécurité sanitaire au travers de la direction générale de l'alimentation. Nous pourrons vous communiquer un état des lieux précis sur le sujet. Il faut par ailleurs noter que la filière agricole est celle qui mobilise le plus Erasmus.

Nous devons expliquer ce qu'est le cycle du vivant et rappeler que les temporalités sont courtes ou longues suivant les productions. J'ai été désespéré d'entendre certains propos sur la forêt la semaine dernière. Nous avons perdu ce rapport au cycle du vivant et ce n'est pas qu'une affaire d'opposition entre urbains et ruraux. Sur l'eau, sur la forêt, sur l'élevage, nous butons sur la compréhension du cycle du vivant. Cela rejoint la question de l'éveil à la science.

L'autonomie des chefs d'établissement est déjà une réalité pour les établissements d'enseignement agricole. C'est d'ailleurs une de leurs spécificités. Les équipes pédagogiques, qui sont à l'origine de nombreuses innovations, peuvent en témoigner.

Sur l'enseignement des langues régionales, nous sommes attentifs à la nécessité de promouvoir le patrimoine immatériel, la diversité culturelle et donc les langues régionales. La demande concernant 200 élèves sur les 154 000 est à ma connaissance satisfaite. Je voudrais saluer le travail du lycée d'Hasparren, qui est bien connu de nos équipes au ministère. Nous avons avec ce lycée des relations de confiance, qui nous permettent d'avancer sur le sujet.

Il n'y a pas d'un côté des jeunes venant du monde urbain voulant plutôt faire du maraîchage et du circuit court et de l'autre la cohorte importante de ceux qui souhaiteraient faire de la production à plus grande échelle.

Il y a en effet un problème d'accès au foncier. Il faut à ce sujet saluer les initiatives portées par les collectivités pour les établissements publics fonciers pour essayer de mettre à disposition des terrains. Cette question du portage foncier sera intégrée au pacte et au projet de loi que nous préparons. Ce n'est cependant pas le seul problème. Se pose également celui de l'accès à l'eau et des conflits d'usage qui peuvent en découler. Se pose aussi celui du manque de main d'oeuvre.

Vous avez eu raison de saluer la grande diversité de l'enseignement agricole. Je salue tout particulièrement le respect réciproque entretenu entre public et privé, qui constitue une des grandes forces de cet enseignement.

S'agissant des défis énergétiques, nous sommes en train de regarder établissement par établissement. Il est vrai qu'il y a une spécificité de l'enseignement agricole, compte tenu du modèle internat qui est très développé. Certains établissements ont des contingences que d'autres n'ont pas. Nous devons donc regarder au cas par cas. Cette hausse des coûts de l'énergie peut mettre en défaut financier un certain nombre d'établissements.

S'agissant de l'agrivoltaïsme dans les exploitations des établissements d'enseignement agricole, il n'y a pas à ce jour de règles dérogatoires. Nous devons voir si nous devons mettre en place une disposition ad hoc ou passer par la voie de l'expérimentation. Je pense qu'un certain nombre d'établissements seraient intéressés. À titre personnel, je trouve qu'il serait intéressant d'essayer. Nous verrons ce qui sera décidé au cours de la navette parlementaire de cette proposition de loi. Il nous faut certes tenir compte des spécificités des exploitations agricoles des établissements d'enseignement scolaire. Mais ces exploitations ne sont pas des zones de non-droit agricole.

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