Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de cette audition.
En 2019, avant la crise du covid, l'hôpital et le système de santé étaient déjà confrontés à trois types de difficultés.
La première concerne la nécessité d'adapter le système de santé à une évolution des besoins de santé de la population (vieillissement démographique, développement des pathologies chroniques), mais également au souhait légitime des patients d'être pris en charge de manière moins fréquente et moins durable au sein des établissements de santé et davantage à domicile. Cela implique de questionner la place de l'hôpital, des soins ambulatoires et du médico-social.
La deuxième difficulté, intrinsèque à l'hôpital, mise en exergue par le plan « investir pour l'hôpital » en 2019, renvoie à l'attractivité insuffisante du métier de soignants, au manque de reconnaissance pour les métiers du soin, à une vétusté des équipements avec leur impact sur les conditions de travail, et aux financements encore trop centrés sur l'activité.
Troisièmement, la crise du covid est intervenue. Je salue la résilience de notre système de santé, que nous devons en premier lieu à l'ensemble de nos professionnels, de santé mais pas seulement, qui y ont concouru. Si l'hôpital a été fortement impacté, l'ambulatoire et le médico-social ont également joué un rôle important. La crise a représenté un accélérateur d'évolution sur certains sujets (service d'accès aux soins - SAS - et télémédecine), mais a aussi exacerbé des tensions. Nous sommes en effet confrontés à trois enjeux majeurs.
La réorganisation de notre système de santé constitue le premier enjeu majeur. Nous avons besoin d'améliorer la fluidité des parcours, à travers le dispositif du SAS, qui permet de désengorger les urgences et de s'occuper des patients pour lesquels existent des besoins de prise en charge des soins non programmés. Le dispositif fait l'objet d'expérimentations sur dix-neuf sites pilotes. Je fonde beaucoup d'espoirs dans ce dispositif et dans son déploiement. Par ailleurs, la télémédecine a fortement évolué pendant la crise. Elle doit cependant être renforcée et prendre sa place sans pour autant se substituer aux visites à domicile et aux consultations. La télésurveillance constitue un autre enjeu pour la télémédecine, notamment pour certaines pathologies chroniques. Deux dispositifs complémentaires, les centres de santé et les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), permettent à des professionnels de choisir leur mode d'exercice - salarié ou libéral - et d'exercer en collectif et en ambulatoire. On compte plus de 2 000 maisons de santé. Cet effort pourra se poursuivre. De plus, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) permettent de mieux structurer l'organisation en ambulatoire, en lien avec l'hôpital. Nous croyons également beaucoup dans le dispositif des contrats locaux de santé.
Le deuxième enjeu concerne l'attractivité pour les professionnels de santé. Premièrement, nous devons travailler à faire évoluer les compétences des professionnels. À titre d'exemple, les infirmiers en pratique avancée (IPA) sont encore insuffisants et ne sont présents que dans quelques secteurs d'activité. De toute évidence, le deuxième volet concerne la rémunération. Le Ségur a permis d'injecter des revalorisations salariales massives - près de 10 milliards d'euros - qui ont permis d'augmenter les salaires et de revaloriser les primes et les gardes. Troisièmement, la qualité de vie au travail et l'organisation interne de l'hôpital constituent des sujets plus complexes. Bien qu'un certain nombre de dispositions relèvent de l'encadrement juridique, les faits montrent que des évolutions d'organisations au sein des hôpitaux permettent tout aussi bien d'améliorer l'organisation interne de l'hôpital. Enfin, un volet très important concerne la démographie. Les estimations de l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) montrent que nous devons viser un objectif de progression des personnels médicaux de l'ordre de + 14 % en moyenne sur les cinq prochaines années. Nous devrons organiser notre système de santé en fonction et prendre en charge les soins des patients. L'enjeu démographique concerne également les paramédicaux, sur lesquels la crise a laissé des marques (difficultés de recrutement, abandon des instituts de formation en soins infirmiers - IFSI - par les étudiants). Certains ont quitté l'hôpital dans des proportions encore difficilement mesurables. Les établissements remontent de réelles difficultés.
Le troisième et dernier enjeu concerne les questions financières. La T2A (tarification à l'activité) occupe une place trop importante. Nous devons reprendre la réforme du financement de nos segments d'activité, qui a été retardée par la crise du covid. La réforme du financement des urgences et de la psychiatrie est déjà engagée. La réforme de l'activité de soins de suite et de réadaptation (SSR) est programmée pour 2023. Les travaux sur la réforme du financement des soins critiques doivent commencer. La demande des acteurs est forte. Les financements de l'activité dans une part plus réduite, ainsi que la responsabilité populationnelle, sous forme de dotations spécifiques, permettront de sécuriser le financement de ces segments d'activité, à l'aide d'indicateurs de qualité. L'investissement constitue également un sujet important. Le gouvernement a injecté un montant extrêmement important dans des projets de santé, dans une logique davantage territoriale et globale. La fin du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (Copermo) marque une évolution culturelle très forte. L'année passée, l'enveloppe de 650 millions d'euros pour les investissements du quotidien a également permis de solutionner des questions moins coûteuses mais tout aussi fondamentales pour la qualité de vie de professionnels de santé dans les établissements.