Commission d'enquête Hôpital

Réunion du 17 février 2022 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Bernard Jomier

Chers collègues, nous recevons ce matin Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé.

Nous arrivons au terme des auditions de notre commission d'enquête - nous recevrons le ministre Mr Olivier Véran jeudi prochain - et nous avons entendu depuis le mois de décembre de nombreux acteurs du système de santé, hospitaliers ou non.

Ils nous ont livré leur appréciation sur les difficultés actuelles de l'hôpital et sur les facteurs - propres à l'hôpital ou parfois extérieurs - ayant conduit à de très fortes tensions que la crise sanitaire a bien entendu aggravées. Nous avons notamment évoqué la fragilisation des ressources humaines hospitalières, la question du mode de régulation budgétaire et de son adéquation à la fonction que remplit l'hôpital dans notre système de santé, à savoir répondre aux besoins des patients qui s'adressent à lui, bien souvent parce qu'il est le seul à pouvoir les prendre en charge. Nos interlocuteurs ont également largement souligné la nécessité, à l'échelle de chaque territoire, de véritablement coordonner la prise en charge des patients de sorte que le recours à l'hôpital soit plus pertinent et mieux préparé en amont et en aval.

Tous ces sujets sont évidemment au coeur de la responsabilité de la DGOS. Je vous remercie, Madame la directrice générale de votre présence aujourd'hui.

Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.

Avant de passer la parole à notre rapporteure Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Katia Julienne prête serment.

Madame la rapporteure, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la directrice générale, comme l'a indiqué le président Bernard Jomier, toutes les problématiques liées au fonctionnement de l'hôpital et à son rôle dans notre système de soins ont été évoquées depuis le début des travaux de notre commission d'enquête.

À l'automne 2019, l'hôpital se trouvait dans une situation telle qu'un plan d'urgence était annoncé par le Gouvernement. La crise sanitaire a débuté quelques semaines plus tard. Depuis deux ans, l'hôpital a certes démontré sa résilience, mais les cinq vagues successives survenant dans une situation déjà tendue ont entraîné des conséquences profondes et sans doute durables. Bernard Jomier l'a évoqué, l'état des ressources humaines, médicales et surtout paramédicales est très préoccupant, avec des départs, des difficultés de recrutement, un impact sur les capacités hospitalières alors que les retards liés aux déprogrammations se sont accumulés. C'est un premier point sur lequel nous souhaitons vous entendre.

La crise a également mis en suspens la mécanique du financement de l'hôpital, que ce soit la régulation de l'Ondam hospitalier ou l'ajustement des tarifs. Mais il paraît difficile, une fois la crise surmontée, de revenir purement et simplement aux pratiques antérieures, sans tenir compte de la réalité des besoins de santé et de l'aspiration des équipes hospitalières à davantage d'autonomie. C'est un deuxième sujet de préoccupation.

Enfin, nous souhaitons également aborder avec vous les modalités concrètes d'amélioration des parcours, d'accès à des soins non programmés hors de l'hôpital et de coopération avec la médecine de ville. Beaucoup d'outils existent, mais le chantier paraît encore largement devant nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la directrice générale, vous avez la parole. La rapporteure et nos collègues présents et à distance formuleront ensuite leurs questions.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de cette audition.

En 2019, avant la crise du covid, l'hôpital et le système de santé étaient déjà confrontés à trois types de difficultés.

La première concerne la nécessité d'adapter le système de santé à une évolution des besoins de santé de la population (vieillissement démographique, développement des pathologies chroniques), mais également au souhait légitime des patients d'être pris en charge de manière moins fréquente et moins durable au sein des établissements de santé et davantage à domicile. Cela implique de questionner la place de l'hôpital, des soins ambulatoires et du médico-social.

La deuxième difficulté, intrinsèque à l'hôpital, mise en exergue par le plan « investir pour l'hôpital » en 2019, renvoie à l'attractivité insuffisante du métier de soignants, au manque de reconnaissance pour les métiers du soin, à une vétusté des équipements avec leur impact sur les conditions de travail, et aux financements encore trop centrés sur l'activité.

Troisièmement, la crise du covid est intervenue. Je salue la résilience de notre système de santé, que nous devons en premier lieu à l'ensemble de nos professionnels, de santé mais pas seulement, qui y ont concouru. Si l'hôpital a été fortement impacté, l'ambulatoire et le médico-social ont également joué un rôle important. La crise a représenté un accélérateur d'évolution sur certains sujets (service d'accès aux soins - SAS - et télémédecine), mais a aussi exacerbé des tensions. Nous sommes en effet confrontés à trois enjeux majeurs.

La réorganisation de notre système de santé constitue le premier enjeu majeur. Nous avons besoin d'améliorer la fluidité des parcours, à travers le dispositif du SAS, qui permet de désengorger les urgences et de s'occuper des patients pour lesquels existent des besoins de prise en charge des soins non programmés. Le dispositif fait l'objet d'expérimentations sur dix-neuf sites pilotes. Je fonde beaucoup d'espoirs dans ce dispositif et dans son déploiement. Par ailleurs, la télémédecine a fortement évolué pendant la crise. Elle doit cependant être renforcée et prendre sa place sans pour autant se substituer aux visites à domicile et aux consultations. La télésurveillance constitue un autre enjeu pour la télémédecine, notamment pour certaines pathologies chroniques. Deux dispositifs complémentaires, les centres de santé et les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), permettent à des professionnels de choisir leur mode d'exercice - salarié ou libéral - et d'exercer en collectif et en ambulatoire. On compte plus de 2 000 maisons de santé. Cet effort pourra se poursuivre. De plus, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) permettent de mieux structurer l'organisation en ambulatoire, en lien avec l'hôpital. Nous croyons également beaucoup dans le dispositif des contrats locaux de santé.

Le deuxième enjeu concerne l'attractivité pour les professionnels de santé. Premièrement, nous devons travailler à faire évoluer les compétences des professionnels. À titre d'exemple, les infirmiers en pratique avancée (IPA) sont encore insuffisants et ne sont présents que dans quelques secteurs d'activité. De toute évidence, le deuxième volet concerne la rémunération. Le Ségur a permis d'injecter des revalorisations salariales massives - près de 10 milliards d'euros - qui ont permis d'augmenter les salaires et de revaloriser les primes et les gardes. Troisièmement, la qualité de vie au travail et l'organisation interne de l'hôpital constituent des sujets plus complexes. Bien qu'un certain nombre de dispositions relèvent de l'encadrement juridique, les faits montrent que des évolutions d'organisations au sein des hôpitaux permettent tout aussi bien d'améliorer l'organisation interne de l'hôpital. Enfin, un volet très important concerne la démographie. Les estimations de l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) montrent que nous devons viser un objectif de progression des personnels médicaux de l'ordre de + 14 % en moyenne sur les cinq prochaines années. Nous devrons organiser notre système de santé en fonction et prendre en charge les soins des patients. L'enjeu démographique concerne également les paramédicaux, sur lesquels la crise a laissé des marques (difficultés de recrutement, abandon des instituts de formation en soins infirmiers - IFSI - par les étudiants). Certains ont quitté l'hôpital dans des proportions encore difficilement mesurables. Les établissements remontent de réelles difficultés.

Le troisième et dernier enjeu concerne les questions financières. La T2A (tarification à l'activité) occupe une place trop importante. Nous devons reprendre la réforme du financement de nos segments d'activité, qui a été retardée par la crise du covid. La réforme du financement des urgences et de la psychiatrie est déjà engagée. La réforme de l'activité de soins de suite et de réadaptation (SSR) est programmée pour 2023. Les travaux sur la réforme du financement des soins critiques doivent commencer. La demande des acteurs est forte. Les financements de l'activité dans une part plus réduite, ainsi que la responsabilité populationnelle, sous forme de dotations spécifiques, permettront de sécuriser le financement de ces segments d'activité, à l'aide d'indicateurs de qualité. L'investissement constitue également un sujet important. Le gouvernement a injecté un montant extrêmement important dans des projets de santé, dans une logique davantage territoriale et globale. La fin du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (Copermo) marque une évolution culturelle très forte. L'année passée, l'enveloppe de 650 millions d'euros pour les investissements du quotidien a également permis de solutionner des questions moins coûteuses mais tout aussi fondamentales pour la qualité de vie de professionnels de santé dans les établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous remercie pour cette présentation très synthétique. Je partage votre propos concernant l'exercice coordonné des outils évoqués (CPTS, contrats locaux de santé, centres de santé, MSP).

Concernant la permanence des soins, quels sont, selon vous, les moyens disponibles afin de renforcer le SAS, notamment avec la participation de médecins, qu'ils exercent dans des MSP ou dans des centres de santé ?

Par ailleurs, nous avons hier évoqué le sujet des assistants médicaux avec le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Ces derniers libèrent du temps médical pour les médecins. La question de leur formation a été soulevée. Celle-ci est souvent très longue, parfois surdimensionnée par rapport aux tâches demandées. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur ce sujet ?

La tension sur les effectifs est évidente. Disposez-vous de chiffres concrets concernant l'évolution des ratios de prise en charge selon les spécialités ? Les normes d'effectifs avaient été établies à une période où les rotations de patients étaient moindres. Nous ressentons un manque d'effectifs dans certains secteurs.

S'agissant des vacances de postes, quelle est la part de supervision assurée par les agences régionales de santé et la DGOS ? De quelle manière le ministère prend-il connaissance du nombre de lits effectivement armés par rapport aux capacités théoriques ?

Concernant des financements de l'hôpital, vous avez souligné l'équilibre nécessaire à trouver entre le financement de l'activité et les autres types de ressources des hôpitaux. Cependant, la fixation des tarifs à l'activité tient assez peu compte des besoins en investissement des services pour la prise en charge du patient. Nous souhaitons entendre vos réflexions sur ce point.

Le plan d'investissement lancé fin 2019 s'élevait à 13 milliards d'euros sur 3 ans. Le Ségur de la santé s'étale-t-il bien sur 10 ans et quelle somme représente-t-il ?

Vous avez mentionné un nouveau modèle de financement avec, entre autres, la T2A. Est-ce à enveloppe constante ? Les besoins réels des établissements sont-ils pris en compte ? Est-ce lisible de multiplier les modèles de financement ?

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Concernant la permanence des soins, je crois beaucoup en les vertus du SAS car nous rencontrons des difficultés de permanence des soins et un engorgement des urgences également en journée. De plus, le SAS est très bien accepté par les urgentistes et les médecins généralistes qui travaillent ensemble dans une gouvernance équilibrée. Ce dispositif permet par ailleurs de rassurer le patient et de déterminer ce qui est du ressort de l'urgence hospitalière et non-hospitalière. Combiné au développement des MSP et des centres de santé, le SAS nous permettra d'absorber un besoin de santé croissant. Une étude l'Irdes a montré que les MSP ont une capacité d'augmentation de la taille de leur patientèle. Enfin, le SAS présente un intérêt en psychiatrie : 5 SAS sur 19 ont développé cette filière.

Le sujet des ratios est extrêmement compliqué puisque peu de textes comportent des ratios obligatoires. Les ratios sont davantage des maquettes organisationnelles au sein des établissements de santé. Toutefois, la fixation des ratios dans les textes devrait se limiter à quelques spécialités (maternité, soins critiques). Ce qui n'omet pas la réflexion nécessaire à mener sur le bon niveau d'effectifs qui permet d'absorber la charge des patients dans les différentes spécialités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Nous entendons votre réponse, mais ce ratio ne doit alors pas être fixé de manière détournée par des mesures comme celles prises par le Copermo dans les projets de rénovation. Dans ce cas, on aboutit non pas à des ratios réglementaires, mais à des ratios provenant d'objectifs financiers qui visent à maîtriser la masse salariale. L'intention doit être clarifiée.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Concernant les données chiffrées, nous ne disposons pas de système d'information qui remonte automatiquement le nombre de postes vacants. Nous disposons d'enquêtes ad hoc auprès des établissements (lits fermés, vacances de postes). Quant aux enquêtes annuelles de la Drees, elles permettent d'établir, via la statistique annuelle des établissements (SAE), un bilan statistique et documenté des effectifs.

La question de l'évolution des effectifs constitue en effet un point fondamental, compte tenu de l'aspiration des professionnels d'articuler leur vie professionnelle et familiale. Cela renvoie à la question du financement de la masse salariale, qui représente une part importante des dépenses de l'assurance maladie.

Concernant les nouveaux modèles de financement, la T2A fait l'objet de nombreuses critiques du fait du niveau de ses tarifs (arbitrage prix/volume) et qu'elle complexifie encore le système de tarification français. Les réformes de financement doivent donc conduire à la simplification, d'où l'importance de celle concernant la maternité. Toutefois, il faut distinguer une modalité de financement et un niveau de financement. Malgré des crédits croissants, l'ensemble reste dépendant du niveau de l'Ondam, qui est voté. Nous veillons à obtenir des crédits qui permettent d'accompagner les impacts financiers de ces réformes dans le temps, pour éviter que les établissements soient perdants dans des proportions non soutenables.

Concernant la formation des assistants médicaux, la Cnam sera mieux disposée à répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Concernant les ratios, l'exemple du CHU de Nancy montre que le Copermo avait conditionné l'aide de l'État à la suppression de 175 lits et de 600 postes. Bien que le Gouvernement ait annoncé en mars 2021 un maintien des lits et de 300 postes, ce ratio avait était imposé par le Copermo. Or l'une des difficultés subie par le personnel est cette tension sur les effectifs, de laquelle découlent de moins bonnes liaisons entre les équipes, et un épuisement des soignants.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

C'est pourquoi nous avons décidé de modifier le mode de gestion de l'investissement. Le Gouvernement a mis fin au Copermo tel qu'il existait, car vos critiques étaient largement partagées par les différents acteurs. Dans le cadre du Ségur, dont les investissements atteignent 15 milliards d'euros pour le sanitaire, il a été décidé de revoir en profondeur la gouvernance, pour qu'elle ne soit plus axée sur des critères strictement financiers. Le Conseil national pour les investissements en santé (CNIS) a ainsi été doté d'un conseil scientifique qui travaille sur des référentiels médicaux et territoriaux afin de soutenir les décisions d'investissement et d'accompagner le processus de déconcentration des décisions vers les régions, pour les investissements inférieurs à un certain montant.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous soulignez la nécessité d'adopter une logique d'analyse des besoins en santé. Le code de la santé publique confie aux ARS ce rôle d'évaluation des besoins en santé sur les territoires. Les différentes auditions menées jusqu'alors ont révélé que les acteurs de santé et élus locaux ne comprennent pas le processus d'élaboration de ces décisions, entre le recensement des besoins en santé et les arbitrages. Ce n'est en tous cas pas au Parlement que cela se passe. Les chiffres de l'Ondam nous parviennent quelques jours avant la délibération et ne sont fondés sur aucune analyse d'objectifs en santé publique dans les territoires.

Par ailleurs, les fermetures des services d'urgence et des maternités constituent des sujets récurrents, auxquels nous n'obtenons toujours pas de réponse claire. Selon la DGOS, quel serait le temps de trajet maximal acceptable entre le lieu de vie et une maternité ou un service d'urgence ?

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Tout d'abord, l'analyse du besoin de santé pour l'organisation territoriale de l'offre de soins, renvoie aux autorisations et au schéma régional d'organisation que les ARS élaborent régulièrement ; ce sera le cas en 2023. Ce point rejoint votre deuxième question sur les maternités. Par ailleurs, s'agissant de l'investissement, le conseil scientifique du CNIS travaille sur les référentiels qui aideront les ARS à procéder une analyse territoriale, qui sous-tend le besoin auquel répond l'investissement d'un établissement sur un territoire. Chaque ARS travaille ensuite à partir de cette analyse des besoins afin de réaliser les schémas régionaux d'organisation de santé (SROS) et c'est sur cette base que sont délivrées les autorisations.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

J'ignore la manière dont travaillent concrètement les ARS avec les uns et les autres pour l'élaboration de ces schémas. En revanche, les SROS sont indispensables pour que les ARS puissent mettre en oeuvre les autorisations. Les prochains schémas, prévus pour 2023, appliqueront l'ensemble des révisions des décrets d'autorisations en cours d'élaboration.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous êtes directrice de la DGOS, mais vous n'êtes pas en mesure de décrire le travail des ARS. Or les élus l'ignorent également. Peut-on interpréter cela comme un problème dans le partage de l'évaluation et de la décision sur la construction des choix budgétaires ? Vous n'êtes pas en situation de décrire le mode de travail des ARS et les élus ne le sont pas non plus

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Le SROS est-il l'émanation du projet régional de santé (PRS) ?

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Le rôle de l'administration centrale consiste à construire des outils juridiques en matière d'autorisation d'organisation des soins et des outils financiers que les ARS peuvent ensuite décliner. Notre rôle est seulement de fournir une boîte à outils.

S'agissant des maternités, nous préparons un décret d'autorisation. Le temps de trajet vers les maternités peut varier d'un territoire à l'autre. Le rôle de l'administration centrale n'est pas d'imposer des règles uniformes sur tous les territoires, mais de construire des obligations minimales indispensables, puis de fournir les outils aux ARS, qui ont ensuite la liberté de les moduler. Nous avons de plus créé l'engagement maternité, qui permet la prise en charge des transports et des hôtels hospitaliers pour les femmes. De nouveau, les ARS sont en charge de déployer cet outil sur les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

J'entends votre argument d'adaptation territoriale. Mais s'agissant des maternités, la notion de temps est universelle. La DGOS est bien la direction de l'organisation des soins et les ARS sont en charge de mettre la politique de santé en application sur les territoires. Toutefois, la notion de projet de santé d'un territoire suppose nécessairement l'organisation des soins. Mais je n'insisterai pas davantage sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je vous remercie, Madame, pour vos propos introductifs.

Concernant la démographie médicale, vous avez indiqué qu'il fallait attendre l'échéance de 2030 afin obtenir une démographie pouvant répondre aux besoins de santé, soit une hausse de 14 % des effectifs sur les cinq prochaines années, pouvez-vous confirmer cette information ?

Ma première question concerne les paramédicaux. Je souhaiterais davantage de précisions à ce sujet. Je suis étonnée que la DGOS ne disposent pas de chiffres exacts sur le déficit des paramédicaux, infirmiers, orthophonistes et autres professionnels.

Ma deuxième question revient sur les financements. Je partage le constat que la T2A a pris une trop grande place. Toutefois, je suis très dubitative concernant l'exemple que vous avez évoqué, celui de la psychiatrie. Votre proposition d'appliquer la T2A à la psychiatrie, alors que ce service y échappait jusqu'alors, me semble contradictoire. Concernant les maternités, les abus inhérents à la T2A sont évidents. Un certain nombre d'établissements affichaient un taux de césarienne très élevé, ce qui révèle un abus de pratique de ces tarifs. Pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?

Par ailleurs, je note une contradiction concernant le temps de trajet minimum par rapport aux établissements de santé et de soins. Vous apportez de nouveau l'exemple des maternités avec la prise en charge des transports et des hôtels hospitaliers. On supprime donc des établissements de proximité qui semblent mieux répondre aux besoins, sous prétexte d'économies, tout en engageant ces nouvelles dépenses.

Les économistes de la santé ont d'ailleurs remis en cause la question du point flottant au niveau de la T2A, qui a mon sens devrait être supprimée.

Enfin, vous annoncez une révision à venir de la gouvernance et des référentiels. J'estime que nous devrions conférer davantage d'autonomie aux établissements, qui ont réellement la maitrise de la réponse aux besoins en termes de santé des populations sur les territoires. Les directeurs d'ARS sont des préfets qui prennent leurs ordres au niveau du ministère, ce qui donne l'impression d'un cloisonnement de l'administration. Au moindre problème, on crée une nouvelle agence, ce qui n'aboutit en rien à la fluidité souhaitée. Si vous souhaitez réellement remanier la gouvernance, conférez du pouvoir aux acteurs de terrain et aux établissements en lien avec les élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Sol

Madame la directrice générale, je souhaitais entendre votre avis sur la formation des infirmiers, qui ne me semble plus adaptée, et surtout sur la sélection des candidats en parcours supérieur. Je suis personnellement convaincu que la formation n'est pas adaptée au quotidien réel des jeunes infirmiers qui prennent leurs fonctions dans des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés.

Vous évoquiez l'importance de développer la profession des infirmiers en pratique avancée (IPA). Toutefois, la situation de terrain est très éloignée de ces déclarations d'intentions. Après deux ans d'études, ceux-ci peinent à trouver un poste en lien avec leur formation et leur rémunération est peu motivante. Il manque des arrêtés fixant les contours de leur exercice professionnel, notamment au service des urgences et en gériatrie.

L'absentéisme au sein des établissements de santé est particulièrement préoccupant. Le moment n'est-il pas venu de s'intéresser à la question et d'imaginer des solutions afin d'encourager les agents concernés à réinvestir leur poste ?

Pour quelles raisons les outils de mesure de la charge en soin ne sont-ils pas généralisés au niveau des établissements ? À mon sens, cela permettrait de mettre en adéquation les effectifs à l'activité et à la charge de travail dont souffrent nos professionnels de santé.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Concernant la démographie médicale, les travaux de l'ONDPS et de la DREES, présentés l'année dernière, ont en effet indiqué un creux pour les professions médicales jusqu'en 2030, puis d'une remontée de la démographie ensuite. Ils font également état d'une projection d'un besoin de développement des formations médicales de + 14 % en effectifs au cours des cinq prochaines années. Ces chiffres augurent des difficultés de prise en charge médicale et d'une nécessité d'adapter notre organisation pour y faire face.

S'agissant des personnels non-médicaux (PNM), nous recevons des chiffres réguliers de la Drees (nombre d'effectifs par établissements, par catégorie d'établissement, par catégorie de professionnels). En revanche, nous ne disposons pas de système d'information nous permettant de déduire le nombre de postes vacants d'où la mise en place d'enquêtes en lien avec les établissements de santé et leurs représentants. Bien que le nombre d'effectifs de PNM ait progressé, nous avons décidé d'augmenter le nombre de quotas de formations en IFSI en 2020, 2021, et 2022. Il serait utile de conduire des travaux pour les PNM similaires à ceux sur les personnels médicaux.

Il est vrai que la réforme du financement de la psychiatrie a introduit une part de financement d'activité pour le secteur public. Or ce n'était pas le cas pour le secteur privé. En psychiatrie, comme en SSR, deux modes de tarifications très différents existaient. Dorénavant, les différents compartiments de financement seront identiques dans le public et dans le privé (lucratif ou non lucratif). Je partage votre opinion selon laquelle la T2A n'est pas nécessairement adaptée à la maternité, son financement doit évoluer. Ces travaux ne sont pas encore engagés mais ils sont nécessaires.

S'agissant de la gouvernance, le niveau de décision doit en effet se rapprocher du terrain. À titre d'exemple, le relèvement des heures supplémentaires pour l'AP-HP était auparavant décidé au niveau de la DGOS. Les textes ont évolué afin que ces décisions ne relèvent plus de cette dernière. De plus, les autorisations exceptionnelles d'activité auxquelles nous avons recouru au cours des deux dernières années, ont également fait l'objet d'assouplissements. De même, la réforme des financements des compétences des ARS accroît les compétences de celles-ci. Je suis convaincue qu'il nous faut aller dans ce sens d'un transfert des compétences.

Par ailleurs, des travaux doivent en effet être engagés sur la formation des infirmiers diplômés d'État (IDE) et des IPA. Les représentants des IPA nous ont fait part des difficultés rencontrées. Nous travaillons actuellement avec eux en hôpital et en ambulatoire pour développer, déployer et accompagner le fonctionnement des IPA.

L'outil de mesure de charge en soins est intéressant s'il demeure à la main des établissements. Je ne suis pas favorable à en faire un outil national.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous avez tracé les perspectives de décentralisation et de renvoi d'un certain nombre de décisions vers les ARS. Depuis une vingtaine d'années, les lois se sont succédé, dont la dernière significative en date - la loi HPST - porte sur les instances de démocratie sanitaire. Nous avons constaté que ces dernières avaient été largement absentes pendant la crise du covid. Quel est votre regard sur la place, le rôle et le fonctionnement de ces instances ? Faut-il les modifier, les supprimer, les renforcer ? Leur rôle semble uniquement consultatif et la question de leur efficience se pose donc.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Je n'ai aucun doute sur la nécessité de les renforcer. Les résultats d'une étude Pantere (pandémie, territoire et éthique), financée par la DGOS, ont démontré l'utilité de nos espaces éthiques régionaux pour les professionnels. Il faut donc élargir ces structures aux patients et à leurs familles et renforcer leur place dans les instances ainsi que dans les travaux. À titre d'exemple, nous suivons très régulièrement le déploiement du SAS avec les représentants des urgentistes et des médecins généralistes, mais aussi des associations de patients, bien qu'aucun texte ne l'oblige. Autre exemple, la commission nationale de psychiatrie comporte une représentation très forte des associations de patients et de leurs familles. Leur participation doit devenir systématique, une habitude de travail permanente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous invite, pour l'audition, à bien vouloir compléter vos propos par des chiffres et des réponses très précises.

S'agissant de la connaissance de la situation actuelle, vous nous parlez d'études sur le nombre de praticiens, sur les personnels non médicaux, etc. Je trouve étonnant, dans un pays comme le nôtre, que l'on ne sache pas quel est le niveau du personnel manquant, le flux des personnels, l'insertion professionnelle des jeunes médecins diplômés. Un tableau de bord contenant ces indicateurs devrait être régulièrement actualisé sans devoir nécessairement passer par des enquêtes spécifiques. Cela paraît un peu ubuesque. Comment se fait-il que la DGOS ne puisse pas disposer de tableaux de bord actualisés du nombre de personnels disponibles sur le terrain ?

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Nous ne sommes tout de même pas dépourvus d'outils. Les travaux statistiques de la Drees sont conséquents et riches en données. Nous disposons également des enquêtes ad hoc et nous sommes en lien permanent avec les ARS, les fédérations, les conférences hospitalières et les syndicats. Ce sont des relais avec lesquels nous travaillons.

Par ailleurs, nous menons un chantier numérique de taille, qui implique l'amélioration des systèmes d'information, des remontées de données, mais aussi de la simplification pour le quotidien des professionnels administratifs et soignants. De plus, ce chantier inclut le développement d'outils de monitoring et de reporting de la qualité des soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Le ministre de la santé, à la suite des indications données par le professeur Jean-François Delfraissy, a diligenté une enquête concernant le pourcentage de lits fermés temporairement à cause de la vacance de personnels. Le chiffre de 20 %, avait été contesté par la Fédération hospitalière de France. Quels sont les retours sur cette enquête.

Debut de section - Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Les résultats de cette enquête, que nous pouvons vous communiquer, sont inférieurs à ceux mis en exergue. Certains auditionnés avaient souligné la nature évolutive de ce chiffre, qui ne faisait qu'indiquer une situation à un instant t.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Cette audition est terminée. Nous vous remercions, Madame la directrice générale. Nous nous retrouverons le jeudi 24 février à 14 heures pour l'audition de Monsieur Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 30.