Cet article est paru dans un numéro récent de Biofutur. Pierre Meneton distingue les articles qui informent des dangers du tabac, de l'amiante, de l'alcool, du sucre et des phtalates de ceux qui ne prévoient aucun danger. Or, les articles qui disent qu'il n'y a pas de danger sont financés par des industries privées. Prenons un autre exemple : la moitié des articles prétendent que les abeilles disparaissent en raison du Gaucho, l'autre moitié des articles sont d'un avis contraire. Cependant, les articles qui disent que cette situation n'a rien à voir avec le Gaucho sont financés par Monsanto. Dans les agences comme l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), les experts peuvent travailler honnêtement sans tenir compte de ce facteur et être leurrés. Il est extrêmement important que des structures puissent effectuer des études sur des questions de santé publique sans dépendre d'un financement par des intérêts privés.
Pour l'ensemble de ces raisons, les EPST doivent être considérés comme des structures à protéger. L'évolution récente de ces établissements est-elle satisfaisante ? Pour moi et d'autres, elle est inquiétante. Nous nous apercevons qu'une part croissante du financement des laboratoires publics provient du privé. Ce n'est pas important quantitativement, les laboratoires privés finançant de petites opérations au bon endroit, ce qui crée un effet de levier leur permettant d'influer, surtout dans les laboratoires dont les crédits de base diminuent et sont à l'affût de tout complément de financement.
Les laboratoires privés peuvent être influents dans la recherche publique sans investir beaucoup d'argent. Sanofi-Aventis a effectué d'énormes économies en matière de recherche en licenciant près de 20 % de ses effectifs, en préférant sous-traiter la recherche dans le public. Ils investissent quelques millions d'euros correspondant à 1 % ou 0,1 % de ce qu'ils ont économisé en licenciant les chercheurs. De plus en plus de laboratoires sont financés par Sanofi-Aventis. Ils perdront immanquablement leur autonomie. Les faits sont là : on sait que l'influence de la source de financement sur les résultats est très importante.
J'ai assisté à une réunion de directeurs d'unité du CNRS. Le programme action thématique et incitative sur programme (ATIP) du CNRS, qui concerne des postes de jeunes chercheurs, est financé en grande partie par Sanofi-Aventis. Cette situation est anormale. Le CNRS devrait avoir suffisamment de fonds sans devoir faire appel aux entreprises privées. C'est clairement l'une des évolutions récentes du système de la recherche en France. Dans de plus en plus d'endroits, le privé s'insinue dans le fonctionnement normal des laboratoires publics. Le portail du site Internet de l'Agence nationale de la recherche (ANR) décrit les entreprises privées qui proposent des contrats de trois à six mois, assortis de sommes d'argent conséquentes. Cette évolution me semble parfaitement malsaine.