Les choix majeurs du domaine de la recherche consistent à financer, par exemple, les grandes installations de physique. Pour ces projets, il est naturel que les gouvernements et les représentants élus au Parlement prennent la décision. En revanche, le politique est nécessairement incompétent dans le détail de l'activité de recherche. Il ne sait pas dans mon domaine, l'immunologie, s'il vaut mieux travailler sur les maladies infectieuses ou la relation entre immunologie et cancer. Aucun homme politique n'est compétent dans ce domaine. Ce choix doit être laissé à la communauté scientifique qui sait où il convient d'accentuer les efforts. Ce niveau de détail de l'activité scientifique doit être laissé aux scientifiques. Or, nous constatons une intrusion de plus en plus grande du politique dans la recherche. Un nombre croissant de choix scientifiques est effectué par le politique.
L'ANR est la seule agence de recherche au monde dépourvue de conseil scientifique. Les choix sont effectués par le ministère au sein duquel tous les lobbies peuvent essayer de s'exprimer. Nous serons confrontés à de graves dérives si nous laissons les politiques choisir sur la base de quelques experts qui sont leurs copains. Il y a quelques années, le financement de la recherche, qui correspondait pour une large part au financement de bases de données des EPST, le CNRS et l'Inserm, provenait de ces organismes pour 40 % à 60 %. Désormais, de 15 % à 20 % des fonds viennent du CNRS et de l'Inserm, le reste étant versé par des fonds comme l'ANR dont le profil a été défini très largement par des non-scientifiques. C'est une intrusion du politique à un niveau où il ne devrait pas intervenir. Le politique doit intervenir au niveau global, et non à ce niveau. Or, il le fait de plus en plus en lien avec l'industrie.
Dans le dernier contrat d'objectifs de l'Inserm, la direction souligne qu'il est important de travailler pour la prochaine période sur divers sujets. J'ai consulté un document des entreprises du médicament (Leem), qui représente l'industrie du médicament. Or ce document stipulait qu'il était important de créer des biobanques, d'effectuer de l'e-médecine, etc. L'ensemble de ces axes de travail définis par l'industrie du médicament figuraient dans le contrat d'objectifs de l'Inserm.