Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas structurer le programme de recherche. Les financeurs nous demandent de prédire les retombées sociétales des projets. L'un des problèmes majeurs ressentis par la communauté des chercheurs est que le système actuel demande avant tout aux chercheurs de produire. Aucune découverte ne se fera pas dans les domaines où l'on ne sait pas dire quelles seront les retombées et la rentabilité investie.
Une idée simple passe très facilement auprès du grand public : la recherche doit servir à quelque chose. Pour le grand public, il faudrait que les chercheurs puissent par leur travail donner accès à des retombées immédiatement palpables. Bien évidemment, le fait de favoriser l'innovation et la recherche appliquée s'effectue au détriment de la démarche d'acquisition des connaissances fondamentales. Cette situation est extrêmement préjudiciable à l'avenir, car les retombées des progrès de la connaissance se mesurent en décennies.
En conclusion, je souhaitais livrer l'exemple de la maladie d'Alzheimer, à laquelle des sommes importantes sont consacrées. En effet, ce sujet intéresse particulièrement les pays développés. Cette maladie constitue un enjeu extrêmement important pour toutes les grandes industries pharmaceutiques. Or, c'est une maladie devant laquelle nous sommes totalement démunis d'un point de vue thérapeutique. Les médicaments utilisés dans ce domaine, comme les anticholinestérases sont discutés. Les entreprises pharmaceutiques se tournent vers l'immunothérapie qui consiste à comprendre et utiliser les éléments du système de défense immunitaire pour combattre la maladie, par des approches vaccinales consistant à susciter des éléments de réponse contre les dépôts de protéine nocifs dans le cerveau.
Si l'idée de départ est assez pertinente, l'enjeu financier de la découverte de soins contre la maladie d'Alzheimer étant considérable, cette maladie étant fréquente dans les pays riches, les premiers essais ont été lancés extrêmement rapidement. Un premier essai multicentrique international a été mis en place en 2001 par une société importante, Elan Pharmaceuticals. Il a dû être arrêté rapidement en raison de complications inflammatoires du cerveau chez 6 % des patients. L'essai a été immédiatement interrompu, alors que les résultats étaient prometteurs chez la souris.