Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaitais en préambule rappeler les raisons qui m’ont conduit à proposer à la commission d’introduire cet article dans la proposition de loi.
Vous le savez, j’ai beaucoup tenu à ce que le principe d’accessibilité généralisée figure dans la loi du 11 février 2005. Nous l’avions alors résumé par la formule « l’accès de tous à tout ». Ce principe devra pleinement s’appliquer dès 2015, c’est-à-dire dans quatre ans.
À l’époque, j’avais également beaucoup insisté pour que le bâti neuf mais aussi les nouveaux matériels roulants soient immédiatement rendus accessibles, sans exception.
En revanche, pour l’existant, la loi a dû tenir compte d’éventuelles contraintes d’aménagement, notamment pour les bâtiments les plus anciens, et des dérogations ont été prévues.
Aussi est-ce sans fondement légal que des mesures réglementaires autorisant des dérogations pour des constructions neuves ont été prises en mai 2006, avec l’aval du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH.
Fort heureusement, mais malheureusement trop tardivement, la vigilance des associations représentatives des personnes handicapées a permis au Conseil d’État de déclarer ces textes illégaux.
Entre-temps, des permis de construire ont été accordés sur le fondement de ces mesures. Alors, que faire ? Démolir les logements sociaux et les établissements qui sont sortis de terre ou essayer de trouver un moyen de « légaliser » ces constructions sans ouvrir la boîte de Pandore ?
L’éthique de conviction m’inclinerait au maintien des principes sans prendre en compte les dommages que causeront ces destructions ; l’éthique de responsabilité, autrement dit le principe de réalité, m’a conduit à rechercher une solution qui permette de concilier le principe que nous nous sommes fixé d’une accessibilité sans faille pour le neuf et la poursuite des projets de construction déjà autorisés.
Aussi, pour lever cette difficulté juridique, c’est la mort dans l’âme que j’ai dû me résoudre à prévoir des mesures de substitution pour le bâti neuf.
J’ai personnellement veillé à ce que le dispositif soit très encadré.
Premièrement, le maître d’ouvrage doit apporter la preuve de l’impossibilité avérée de respecter les normes en matière d’accessibilité et doit obligatoirement proposer une solution alternative pour que le bâtiment soit accessible. Il s’agit donc non pas de déroger au principe, mais d’autoriser des mesures de substitution pour atteindre le même objectif.
Deuxièmement, j’ai souhaité que les décrets prévoyant les cas où ces mesures de substitution pourront être prises soient soumis à l’avis du CNCPH. Je compte sur le Conseil national pour qu’il redouble de vigilance.
Troisièmement, les souplesses accordées ne peuvent être de portée générale. Une mesure de substitution prise pour permettre le passage de poussettes ou de fauteuils roulants n’exonère pas de l’application rigoureuse des normes concernant l’accessibilité aux malvoyants, par exemple.
Quatrièmement, la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité aura à se prononcer sur les mesures de substitution proposées par le maître d’ouvrage. Plusieurs de mes collègues proposent que cet avis soit conforme, c’est-à-dire que le préfet soit tenu de le suivre. La commission y est tout à fait favorable et nous soutiendrons cet amendement.
Telle est, mes chers collègues, la genèse de cet article. Je pense qu’elle devrait éclairer nos débats sur les amendements qui vont suivre.