Intervention de Guillaume Roué

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 3 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Guillaume Roué président et didier delzescaux directeur de l'interprofession nationale porcine inaporc

Guillaume Roué :

De céréales, et de soja - 12 % aujourd'hui contre 25 % auparavant - généralement importé, ainsi que d'autres composants, comme le colza. Or, la volatilité du coût de ces matières premières n'est pas répercutée sur le consommateur. Quand le prix de revient au kilo monte à 1,80 euro, nous restons payés 1,62 ou 1,63 euro. D'où une lente érosion du revenu des éleveurs avec, paradoxalement, des résultats comptables variables. Chez moi, sachant que le stock est de 650 000 euros, une variation de 20 % représente 150 000 euros.

Au-delà de cette question du prix de revient, qui se pose dans tous les pays, notre problème de fond tient d'une part aux problématiques fiscales et sociales, d'autre part aux normes.

Se pose, tout d'abord, le problème du coût de la main d'oeuvre dans la transformation. Le plus gros abattoir de porcs européen est allemand, il s'agit de la société Tonnies : 14 millions de porcs sont abattus chaque année par cette l'entreprise, installée principalement dans les anciens Länder de l'Est, qui fait appel à une main d'oeuvre venue à 90 % des nouveaux Etats membres de l'Union européenne, voire d'Etats hors Union européenne, à un coût de 5 à 7 euros de l'heure, contre 20 euros chez nous. Or la main d'oeuvre représente 40 à 60 % du coût de l'abattage. En 1995, l'Allemagne produisait ainsi 30 millions de têtes, contre 25 millions en France. Aujourd'hui, elle produit 45 millions de porcs et en abat 60 millions, la différence venant des Danois et des Hollandais, qui font abattre en Allemagne.

Vous comprendrez notre souhait d'une harmonisation sociale à l'échelle européenne.

Nous souhaitons une harmonisation fiscale car les entreprises allemandes ont d'importantes facultés d'optimisation fiscale, pour bénéficier du régime favorable de TVA jusqu'à 800 000€ de chiffre d'affaires. Les entreprises encaissent donc un différentiel de 3 % entre TVA versée et encaissée. Cela représente, pour une exploitation comme la mienne, une différence de 60 000 à 70 000 euros, soit, sur dix ans de carrière, de 600 000 à 700 000 euros.

Les choix politiques ont, eux aussi, des incidences. Quand les Verts allemands ont, au cours des années 1998-2000, imposé la sortie du nucléaire, ils ont donné un avantage comparatif extraordinaire aux éleveurs allemands. La méthanisation est devenue une manne, transformant la viande de porc en un simple sous-produit du lisier. Il est vrai qu'il est impensable d'envisager une harmonisation énergétique totale et que la France présente sur ce point quelques avantages : quand nous achetons le kilowatt chez EDF à 6,5 centimes, les Allemands le paient 13 centimes.

Malgré cette perte de compétitivité et la réduction de la production, le marché reste saturé en France. Le prix de revient est donc la variable essentielle. Les réglementations nous échappent largement, car elles relèvent plutôt du niveau européen.

Des correctifs à la PAC, qui n'est guère équilibrée pour les éleveurs, seraient bienvenus. Ses premiers bénéficiaires sont les céréaliers. Il n'en serait pas moins utile qu'une partie de la dotation soit flottante, pour aller, selon les circonstances, à ceux qui en ont le plus besoin.

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