Intervention de Serge Préveraud

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 3 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Serge Préveraud président de la fédération nationale ovine fno

Serge Préveraud, président de la fédération nationale ovine :

Dans une situation de crise, le rôle du chercheur est d'identifier des voies d'évolution, en agriculture comme dans d'autres domaines. Des révolutions sont aujourd'hui nécessaires, et notamment une révolution fourragère, une révolution génomique, et une révolution des outils de gestion des ateliers d'élevage.

La révolution apportée par la luzerne pourrait être du même ordre que celle permise par le maïs il y a trente ou quarante ans. La luzerne est un élément exceptionnel qui me permet d'assurer l'indépendance et la performance de mon exploitation de 900 brebis. C'est une source de protéines végétales que nous pouvons produire nous-mêmes au lieu d'acheter du soja américain. Au début du siècle, on avait 1,2 millions d'hectares de luzerne ; aujourd'hui, on n'en compte plus que 200 ou 300 0000. Des petits systèmes d'irrigations peuvent être mis en place pour assurer la culture de la luzerne ; c'est dans cette direction par exemple que la recherche doit travailler.

Une évolution génétique de nos troupeaux est aujourd'hui nécessaire. Les éleveurs néo-zélandais, qui possèdent de 3 000 à 6 000 brebis pour 1,3 agneau par brebis, n'assistent pas leurs bêtes au moment de l'agnelage : ils ont fait évoluer leurs troupeaux afin d'adapter le bassin des brebis. En France, nous sommes présents tout au long de l'agnelage, le jour comme la nuit, pour assister nos bêtes. C'est une façon de travailler qui devient invendable auprès des jeunes ! Il n'est pas question de travailler comme les éleveurs néo-zélandais, mais devons faire évoluer nos troupeaux par la génomique en mettant l'accent sur les qualités maternelles, et non plus seulement sur la conformation des agneaux pour l'abattoir.

Nous travaillons depuis quelques temps sur la question des coûts de production. Il est regrettable qu'un éleveur ne puisse pas savoir ce que son atelier de production lui rapporte - en dehors des aides qu'il reçoit, qui banalisent tous les résultats. Nous sommes en train de nous doter d'outils qui permettront aux éleveurs de poser un diagnostic sur la situation de leur exploitation et d'en améliorer la performance.

Il est enfin un dernier dossier que j'aimerais évoquer devant vous, celui de l'installation. Nous sommes la première production à avoir travaillé sur cette question. Les prix du foncier sont de plus en plus élevés depuis quelques années, le phénomène étant renforcé par les arrivées d'investisseurs étrangers : quand une exploitation est cédée, elle l'est bien sûr au plus offrant. Nous devons décider si nous voulons une France qui ressemble à un immense champ de blé si nous souhaitons conserver la diversité de nos paysages naturels. La transmission des exploitations dans un cadre familial se fait de plus en plus rare - 50 % des éleveurs travaillent aujourd'hui hors cadre familial - et le coût de l'investissement pour un jeune qui souhaite s'installer est devenu inabordable. Un jeune qui vient de s'installer à côté de chez moi a du débourser plus de 400 000 euros, simplement en matériel et en capital d'exploitation ; au moindre problème, il lui sera très difficile de s'en sortir. Il est donc nécessaire de donner des moyens à l'élevage ovin.

Pour répondre à ces enjeux, nous avons créé un fonds d'investissement, Labeliance, qui reprend un mécanisme issu de la pêche artisanale. Le dossier est actuellement examiné par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il s'agit d'apporter des fonds propres à un jeune exploitant pour une dizaine d'années, en complément d'un emprunt. Cette solution n'est peut-être pas la panacée, mais il nous faut réfléchir à ces enjeux.

Le législateur a une réelle responsabilité sur cette question : des métiers sont menacés de disparition. Ce n'est pas avec les exploitations céréalières que la valeur ajoutée est principalement créée - et je vous dis cela sans animosité envers les producteurs céréaliers. En revanche, une exploitation ovine mobilise jusqu'à 7 emplois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion