A votre question relative aux déterminants de l'évolution des prix du kilo de boeuf depuis deux ans à l'entrée de l'abattoir et sur les étals, je répondrai tout d'abord que nous constatons, dans la viande bovine et depuis le début de 2011, une hausse comprise entre 30 et 50 % selon les catégories d'animaux. Aujourd'hui le bétail a atteint un niveau de prix inédit dans l'histoire. Cela s'explique en partie par la baisse de la production : c'est la loi de l'offre et de la demande qui s'impose. J'ajoute que les exportations d'animaux en vifs, comme vers la Turquie au cours de l'année dernière, ont lourdement diminué l'offre disponible. Je rappelle qu'à cette période, dix abattoirs du groupe Bigard avaient étés bloqués par le syndicalisme agricole qui demandait des prix plus élevés et, six mois plus tard, en dépit des hausses consenties, les abatteurs se sont trouvés privés d'approvisionnement suffisant en matière première. En ce qui concerne la viande porcine, la transparence du marché est presque totale. Je rappelle que les abattoirs ne sont jamais décisionnaires sur la mise en place d'élevages pour les espèces bovines et porcines : les éleveurs restent maitres des choix effectués dans ce domaine. Cependant, pour les veaux, ce sont les abattoirs qui financent la production avec la contractualisation et le schéma est encore plus répandu dans la filière volaille.
Ayant le premier cheptel bovin d'Europe, la France subit au premier chef les variations de prix du marché dans ce secteur. La tendance est très fortement à la hausse à l'heure actuelle et il ne faut pas oublier que le marché de la viande bovine dépend aussi du prix du lait. Ce cheptel laitier a cependant été divisé par deux depuis les années 1990 où il représentait six millions d'animaux.
En ce qui concerne les conclusions de l'observatoire des prix et des marges, je rejoins les indications du rapport de M. Philippe Chalmin quand il affirme que les marges sont extrêmement faibles dans le secteur de la viande. Elles continuent à baisser, à tel point qu'on risque de s'interroger à l'avenir sur la viabilité économique des abattoirs pris entre la nécessité de mieux rémunérer les éleveurs et l'impossibilité de répercuter en aval les hausses qu'il consent à ces derniers. A tel point que l'une des seules possibilités qui restent à l'abatteur pour limiter ses pertes est parfois de ne plus livrer ses clients, lesquels se retournent vers d'autres fournisseurs.
Il convient, à cet égard, de s'interroger sur les différences de statut qui subsistent dans notre secteur avec trois types d'entreprises : celles du secteur privé, celles du secteur coopératif et le cas, qui est une singularité française, des distributeurs qui remplissent à la fois les fonctions d'abattage, de découpe et de salaison. La part de marché de ces derniers avoisine 35 %. On peut imaginer que ces distributeurs utilisent cet outil industriel en complément de rayons de vente et j'observe que les distributeurs peuvent procéder à des péréquations avec d'autres produits pour pouvoir afficher des prix de vente de la viande inférieurs à ceux des autres opérateurs. J'insiste sur ce point car la production porcine est aujourd'hui mise à mal dans ce système et on commence également à voir apparaître des prix bloqués dans la filière bovine sur des produits dont la matière première peut représenter plus de 85 % du prix de revient. Pour maintenir de tels prix attractifs, le distributeur est sans doute contraint de procéder à des péréquations avec des produits à plus forte marge.
J'attire donc l'attention des pouvoirs publics sur ces différences statutaires dans la transformation de la viande car elles ne sont pas sans conséquences sur la situation de l'élevage.