Nous avons le plaisir de recevoir deux des auteurs du rapport de novembre 2011 du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) intitulé « La protection animale en abattoir : la question particulière de l'abattage rituel ».
Plusieurs aspects de ce rapport ont été contestés par le ministère de l'agriculture. Comment les données chiffrées relatives à l'abattage rituel ont-elles été collectées ? Comment expliquer l'écart, s'agissant du volume d'animaux concernés par l'abattage rituel, entre le chiffre de 51 % qui figure dans votre rapport et celui de 14 % qui nous a été transmis par la Direction générale de l'alimentation (DGAl) du ministère de l'agriculture ?
Votre rapport relève que l'agonie des animaux abattus rituellement peut durer jusqu'à 14 minutes dans le cas des bovins. Pouvez-vous nous décrire précisément le déroulement d'un abattage rituel ? Pensez-vous que ce mode d'abattage entraîne une souffrance de l'animal ? Existe-t-il des dérives liées à ce mode d'abattage ? Le règlement européen n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort prévoit que « toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes ». Cette prescription est-elle vraiment respectée dans le cas de l'abattage rituel ?
Ce rapport a en effet été à l'origine d'échanges nourris, notamment sur la question des chiffres relatifs à l'abattage rituel, dans un contexte où très peu de données sont disponibles. J'aimerais tout d'abord apporter quelques précisions à propos de ceux qui figurent dans notre enquête. Les chiffres présentés ont été recueillis auprès d'un échantillon d'environ 15 abattoirs tirés au hasard, situés dans 8 départements différents et pour la plupart multi-espèces, auprès desquels des audits ont été effectués. La production de ces structures représente un faible pourcentage des animaux abattus en France chaque année : 7,5 % des bovins et 16 % des ovins (je parle ici en nombre d'animaux abattus et non en tonnage). Ces chiffres sont donc faiblement représentatifs d'un point de vue statistique. Or, cette précision a été portée dans une partie du rapport seulement, et, en raison d'une erreur technique, ne figure pas dans celle qui a été reprise et diffusée et qui a été à l'origine de la polémique à laquelle vous faites référence. Je regrette ce manque de précision.
Notre enquête s'inscrivait dans le cadre de la réflexion engagée à la suite de la publication du rapport de 2005 intitulé : « Enquête sur le champ du halal » réalisé en collaboration et l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'inspection générale de l'agriculture et le Conseil général vétérinaire qui a avancé des chiffres fortement contestés. Selon ce rapport, l'abattage rituel concernerait 80 % des ovins et 20 % des bovins et des volailles.
Les chiffres de la DGAL de 2010, collectés à partir des données provenant des services d'inspection des abattoirs et que l'on peut donc considérer comme exhaustifs, sont très différents : le volume d'animaux concernés par l'abattage rituel s'élèverait à 14 % en tonnage et à 26 % en nombre de têtes. Il est important de prendre en compte les données exprimées en nombre de têtes dans la mesure où c'est bien l'animal qui souffre.
De quels éléments disposez-vous sur la question des cadences d'abattage ?
Un abattoir moyen observe une cadence d'environ 45 à 50 bovins par heure. Notre enquête avait mis en rapport ces cadences avec le temps nécessaire à un abattage rituel, de l'immobilisation puis de la jugulation jusqu'à la perte de conscience. Le temps nécessaire à la perte de conscience s'établirait chez les bovins de 20 secondes à 6 minutes, pour une moyenne de 2 minutes, chez les veaux de 35 secondes à 11 minutes, tandis qu'il est plus rapide chez les ovins, de 17 secondes à 5 minutes. On ne peut qu'en déduire que les cadences actuelles des abattoirs ne permettent pas d'attendre le temps nécessaire à une perte de conscience totale et que certaines étapes de l'abattage sont sans doute effectuées trop rapidement.
D'autres études, et notamment le rapport d'expertise collective sur les souffrances animales publié en décembre 2009 par l'institut national de recherche agronomique (INRA), ont également fourni une estimation du délai nécessaire à la perte de conscience des animaux. Ce délai varie selon les espèces considérées, mais également selon les modalités d'abattage, c'est-à-dire selon la formation reçue par le personnel, le matériel utilisé et l'état de stress de l'animal.
Pouvez-vous nous décrire concrètement les étapes d'un abattage rituel entre l'immobilisation de l'animal et sa perte de conscience ?
L'immobilisation constitue une étape fondamentale de l'abattage : l'animal ne doit pas pouvoir bouger au moment de la jugulation et doit être maintenu immobile jusqu'à la perte de conscience.
Ce n'est cependant pas au moment de la saignée, mais à compter du départ de l'élevage que débute la phase d'abattage. La démarche entreprise autour des conditions d'abattage, qui s'articule autour de la notion européenne de « souffrance évitable », ne porte en effet pas seulement sur les modalités de l'abattage, mais sur l'ensemble de la chaîne de vie l'animal. Celui-ci peut faire l'objet de mauvaises manipulations tout au long des phases qui précèdent la saignée et se trouver ainsi stressé au moment de l'entrée dans la cage de contention.
Est-il possible que certains animaux sortent de la cage de contention et partent sur la chaîne de découpage sans avoir perdu conscience ?
Non : un animal qui n'aurait pas perdu conscience continuerait à s'agiter. Il faut donc attendre la perte de conscience pour procéder à l'ouverture de la cage.
Le personnel des abattoirs qui manipule les animaux encourt-il des risques importants ?
Ces personnels exercent un métier difficile et dangereux, particulièrement lorsqu'ils sont mal formés. Par exemple, lorsque le tir du matador échoue, ce qui se produit dans environ 15 % des cas, il est nécessaire d'effectuer un second tir et l'animal constitue alors une source de danger.
Un arrêté du 31 juillet 2012 a fixé une liste d'obligations pour les personnels travaillant en abattoir. Le responsable de la protection animale, désigné par le responsable d'abattoir, doit suivre une formation d'une durée de 14 heures pour une catégorie d'animaux dispensée par des prestataires habilités par le ministère de l'agriculture. En outre, tous les agents qui interviennent dans la mise à mort des animaux doivent désormais détenir un certificat de compétence délivré par le préfet après une formation dispensée par des prestataires répondant à la même condition. Cette formation, d'une durée de 7 heures pour une catégorie d'animaux et pour une modalité d'abattage, est sanctionnée par un examen prenant la forme d'un questionnaire à choix multiples (QCM). Ce certificat est valable 5 ans et peut être retiré lorsqu'une conduite répréhensible est constatée par les inspecteurs en charge du contrôle sanitaire et de la protection animale.
Ces mesures me semblent de nature à permettre que de nets progrès soient constatés. Les actes générateurs de souffrance résultent en effet bien souvent d'une méconnaissance du comportement animal. Or, les difficultés de recrutement en abattoir se traduisent notamment par des difficultés de recrutement de personnels qualifiés.
Que répondez-vous à l'affirmation selon laquelle un bovin, quand bien même son agonie durerait 14 minutes, ne souffre pas lors de l'abattage ? L'abattage sans étourdissement est-il conforme aux prescriptions de la réglementation européenne ?
L'animal souffre toujours lors de l'abattage. Notre enquête a porté sur la souffrance évitable, ce qui explique que nous ayons notamment travaillé sur la question de l'étourdissement.
La notion de souffrance évitable renvoie aux conditions d'attente en bouverie, au bon fonctionnement du matériel, ou encore à la qualité de la formation des agents qui procèdent à la mise à mort. Il s'agit d'un ensemble de choses qui doivent être vérifiées aussi bien pour un abattage traditionnel que pour un abattage rituel. Malgré toutes ces précautions, on ne peut cependant jamais éviter complètement le stress et la souffrance des animaux.
Le stress des bovins provient en partie du fait que, dans les logettes individuelles des bouveries, ainsi conformées car plus faciles à nettoyer, ils se trouvent isolés des congénères auxquels ils sont habitués. Il est nécessaire de choisir dans une certaine mesure entre les objectifs de garantie sanitaire et de compétitivité et ceux de protection animale. De nombreux travaux de recherche et développement industriel devront être menés pour améliorer le matériel d'abattoir.
Dans le cas où la souffrance d'un animal se prolonge pendant 14 minutes - ce qui me semble incompatible avec les prescriptions européennes -, il faut s'atteler à rechercher les causes d'une telle durée. Une mauvaise section du collier, entraînant un ralentissement de l'écoulement du sang, peut provenir de l'utilisation d'un couteau mal aiguisé ou d'une mauvaise position de la tête de l'animal lors de la jugulation.
Comment l'activité des abattoirs est-elle organisée entre abattage conventionnel et abattage rituel ?
On observe, en raison de considérations économiques, une tendance à produire davantage de viande issue d'un abattage rituel que provenant d'un abattage conventionnel. Le premier permet en effet une commercialisation plus large, facilitée en outre par les normes existant en matière d'étiquetage. Les opérateurs ont ainsi l'opportunité de gagner quelques parts de marché sur un marché du halal en pleine expansion. C'est contre ce phénomène que l'arrêté du 28 décembre 2011 vise à lutter, en prévoyant de limiter l'abattage rituel au minimum nécessaire pour répondre aux commandes.
Avez-vous le sentiment qu'il existe une dérive de l'abattage rituel ? Y a-t-il un avantage financier quantifiable à abattre en rituel plutôt qu'en conventionnel ?
L'abattage sans étourdissement mal conduit, c'est-à-dire celui qui ne respecte pas le temps d'immobilisation jusqu'à l'inconscience, présente l'avantage de la rapidité. Les cadences observées laissent supposer que les animaux ne sont parfois pas immobilisés aussi longtemps qu'ils devraient l'être.
Si avantage financier il y a, il n'est lié qu'à la cadence et à l'opportunité de gagner des parts de marché sur le marché du halal.
L'abattoir de Sablé pratique une méthode d'abattage rituel incluant un étourdissement dans les cinq secondes qui suivent l'égorgement, ce qui permet d'éviter la souffrance animale. Cela se pratique-t-il ailleurs ? Que pensez-vous de ce procédé sous l'angle de la souffrance évitable ?
C'est une méthode que l'on voit se mettre en place dans certains abattoirs. Elle permet de pratiquer un abattage répondant aux prescriptions rituelles, puisque l'animal est égorgé vivant, tout en recourant à l'étourdissement par matador. Elle est utilisée en Nouvelle-Zélande, en Autriche et en Belgique. Certains pays musulmans autorisent par ailleurs l'abattage avec étourdissement, la tolérance étant plus ou moins grande selon les espèces. Il est ainsi davantage accepté pour les volailles par le procédé de l'électronarcose que pour les ovins. Les exigences cultuelles varient donc selon les espèces et selon les pays.
Il nous a été indiqué que les consommateurs de viande casher ne consomment pas la partie arrière des animaux, à partir de la septième côte. Savez-vous combien de tonnes représentent ces morceaux non consommés ?
Nous ne disposons pas de données chiffrées sur ce point. La non commercialisation des parties arrières dans le circuit casher est liée à la présence du nerf sciatique.
La consommation de ces morceaux est en revanche possible si ce nerf peut être retiré par un boucher compétent. Il existe un décalage important entre le nombre de consommateurs juifs ou musulmans et le nombre d'animaux abattus rituellement. Qu'en pensez-vous ?
Ce décalage est en effet incontestable. La dérive de l'abattage rituel n'a pas été niée dans notre rapport ; c'est son amplitude qui a été remise en question. C'est pourquoi la réponse apportée par le décret du 28 décembre 2011 consiste à lier la production issue d'un abattage rituel avec le nombre de commandes reçues, même s'il n'existe pas actuellement de traçabilité de cette production jusqu'au consommateur.
L'augmentation des volumes de produits issus d'un abattage rituel peut s'expliquer aussi par celle des exportations de ces produits.
En effet, notamment pour la volaille.
Comment le degré de conscience de l'animal est-il évalué ? Dispose-t-on d'éléments scientifiques sur ce point ? Je suis surpris que les animaux fassent l'objet d'une contention, qui ralentit la perte de conscience.
Nous avons préconisé dans notre rapport une saisine de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) afin que soit établie une synthèse des éléments objectifs permettant de caractériser la perte de conscience et la mort, tels que les vocalisations, les réflexes oculo-palpébraux ou encore les pédalages. Cette synthèse devra être simple d'application pour les grands volumes traités par les abattoirs. D'une manière générale, il est absolument indispensable de mener davantage de travaux sur la douleur des animaux afin de progresser dans la connaissance objective de leur stress et de leur souffrance et d'améliorer le fonctionnement et l'aménagement des abattoirs. De tels travaux, qui relèvent de la recherche appliquée et non de la recherche fondamentale, s'insèrent cependant difficilement dans la politique de recherche.
Afin de prendre position de manière éclairée sur la question de l'abattage rituel et de l'étourdissement, il est nécessaire de disposer de données objectives d'un point de vue scientifique.
Ces personnels sont soumis à une souffrance à la fois psychique et physique en raison de leurs conditions de travail qui impliquent la réalisation de gestes répétitifs, qui entraînent des troubles musculo-squelettiques, dans un environnement froid et humide. Cette souffrance explique les problèmes de recrutement constatés.
Selon vous, le matériel actuellement utilisé dans les abattoirs est-il prévu pour la protection des animaux ou pour celle des personnels ? Comment serait-il possible de conjuguer ces deux exigences ?
L'étourdissement obligatoire permettrait sans doute une telle conciliation.
En effet. Les box tournants, par exemple, sont plus utiles aux ouvriers qu'aux animaux. Le retournement des animaux est en effet à l'origine de souffrance, et notamment de fractures, particulièrement lorsque les mêmes box sont utilisés pour des animaux de taille différente. Il ne me paraît pas souhaitable de continuer à utiliser ce type de matériel.
En l'absence actuellement d'une évaluation précise de la douleur animale, pensez-vous qu'il faille différer les décisions ou au contraire imposer dès aujourd'hui l'étourdissement systématique ?
La méthode de l'étourdissement après égorgement m'apparaît une bonne solution, en ce qu'elle permet de minimiser la souffrance animale tout en respectant les exigences cultuelles. On pourrait également envisager de dédier les abattoirs à un seul type d'abattage, afin d'éviter que le procédé de l'abattage rituel soit poursuivi sur plus d'animaux que nécessaire.
Votre rapport, bien que confidentiel, a fait couler beaucoup d'encre. Pourquoi a-t-il été enterré pendant si longtemps ? Avez-vous subi des pressions ?
Il n'a pas été enterré : il a été achevé dans le cadre de la préparation des textes réglementaires précédemment évoqués. Il n'a donc pas été vain, puisqu'il a accompagné l'élaboration d'une réglementation d'encadrement. Plus largement, c'est un contexte général, caractérisé par l'attente des citoyens et les avancées de la réglementation européenne, qui a permis de progresser dans le champ de la souffrance animale. Nous n'avons pas subi de pressions particulières.
Nous sommes heureux d'accueillir Blézat Consulting, qui couvrait bien le secteur de la viande bovine pour avoir déjà conduit de nombreux travaux d'audit.
Bien que nos éleveurs produisent une viande de qualité, nous assistons aujourd'hui à une baisse de la production de viande bovine qui s'accompagne d'une baisse de revenus pour les éleveurs. Quelles en sont les causes ? Et d'où proviennent les difficultés des abattoirs ? Sont-ils trop nombreux ? Mal répartis sur le territoire ? Faut-il augmenter leur taille ? Que faut-il penser des circuits courts, dont il est beaucoup question depuis qu'a éclaté le scandale de la viande de cheval devenue boeuf ? Faut-il des labels pour valoriser la production française ?
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis un ingénieur spécialiste du secteur de l'agroalimentaire. J'exerce depuis treize ans le métier de consultant. Auparavant, j'avais travaillé deux ans dans le secteur de la grande distribution. J'ai conduit une mission sur la réforme des cotations des animaux de boucherie pour France Agrimer et une autre consacrée à la valorisation du cinquième quartier. J'ai été expert lors des états généraux d'Interbev. J'observe les filières viande avec un regard à la fois extérieur et critique et je vous exposerai les préconisations que j'en ai tiré. Les difficultés qui se posent aujourd'hui à elles sont à la fois sociales et sociétales, mais aussi et avant tout économiques, avec la question de leur compétitivité.
La France est un pays qui produit beaucoup de viande et en consomme beaucoup. Petit à petit, avec les grandes et moyennes surfaces, le monde de la viande a vu apparaître un nouveau modèle économique de la distribution, au détriment des boucheries traditionnelles. L'autre tendance forte est à la segmentation des produits, dans une logique d'assemblage désassemblage de la viande pour constituer des lots homogènes.
Au niveau des élevages, on observe une hausse des coûts de production depuis 20 ans qui s'est accentuée, depuis 2 ans, avec + 20 à 30 % de hausse des coûts d'achat à l'entrée dans l'abattoir. Cela est dû avant tout à l'augmentation des postes de charge des exploitations agricoles. En 2012, il y a eu des interrogations sur la rentabilité des exploitations de viande bovine. En outre, il existe une extrême variabilité entre les systèmes d'exploitation et les revenus dans la filière bovine. Mais globalement, la rentabilité est faible alors que la charge de travail de l'éleveur reste importante, creusant un fort différentiel avec les producteurs de céréales.
Il existe plusieurs leviers pour permettre aux éleveurs d'augmenter leurs revenus. Premièrement, obtenir davantage d'aides, qui représentent déjà 40 % de leurs revenus nets. Deuxièmement, favoriser l'écoulement de la production par des industriels qui peuvent faire face à l'éclatement de la demande et être sensibles aux signes du marché. Troisièmement, vendre des coproduits de l'exploitation qui sont encore trop peu valorisés, tels que les déchets ou la méthanisation.
Au niveau des charges, le premier poste de charge des exploitations est la mécanisation et il est sans doute possible de le réduire. Le deuxième poste de charge, l'alimentation, doit aussi être réduit. Il faudra diminuer l'alimentation en céréales nobles et augmenter la consommation d'herbe et de coproduits alimentaires. Le troisième poste de dépense est la main d'oeuvre, qui doit être rendue plus productive grâce à la formation et aux investissements. Nous disposons enfin d'outils permettant de comparer les systèmes de production entre eux : le modèle « coût-prod » développé par l'Institut de l'élevage permet de disposer de chiffres précis pour conduire des analyses dépassionnées. Mais quel que soit le maillon de la chaîne de production, à partir du moment où existe une destruction de valeur, il y a une réduction du nombre d'acteurs, à tous les échelons. Le mouvement de concentration va donc se poursuivre.
Existe-t-il trop d'abattoirs ? Votre rapport de 2010 montrait clairement que le réseau était en surcapacités. Avec une offre agricole qui baisse, cela signifiera nécessairement à terme des restructurations. Pour l'instant, cette restructuration s'effectue à petit feu et correspond à une mort lente mais personne ne veut prendre l'initiative de faire évoluer les choses. La grande question qui se pose actuellement est la suivante : comment procéder à cette restructuration ? En Irlande, aux Pays-Bas, il existe des fonds pour favoriser les restructurations et permettre de réinvestir dans les outils de production afin de les maintenir au niveau technique suffisant.
Faut-il réinvestir dans de très grosses structures ou dans de petits abattoirs de proximité ? Par ailleurs, les normes appliquées en France dans les abattoirs sont-elles trop draconniennes ?
En ce qui concerne les normes, je crois qu'elles sont assez dans l'ensemble bien adaptées, même si elles imposent parfois des contraintes supérieures à celles qui existent dans d'autres pays européens. Mais nos marges de manoeuvres se trouvent surtout au niveau de notre système de surveillance et d'inspection sanitaire, qui pourrait être davantage professionnalisé. Les consommateurs et les collectivités sont prêts à payer davantage pour obtenir des produits plus surs.
En ce qui concerne les types d'abattoirs, je crois qu'il est pertinent d'avoir deux types d'outils. Il est utile de disposer d'abattoirs de proximité, dégagés du champ concurrentiel, pour les circuits courts. Mais il faut une forte valeur ajoutée, une grande qualité pour compenser le surcoût à l'abattage. Par exemple en Corse, il existe un syndicat mixte qui gère les outils d'abattages selon cette logique de niche. Dans des régions enclavées, les petits abattoirs peuvent permettre de maintenir en vie des élevages. Mais il ne faut pas non plus dissimuler que, si les filières courtes correspondent à une demande sociétale forte, elles ne représentent au plus que 2 à 3 % des volumes globaux de la filière viande. En outre, il est important de faire diminuer les pressions politiques qui s'exercent pour maintenir en activité des outils de taille intermédiaire qui devraient disparaître mais sont maintenus artificiellement en vie grâce à des aides publiques.
L'autre type d'outil doit être de grande taille pour être compétitif dans le secteur privé et être le plus saturé possible. Les industriels qui réussissent sont ceux qui sont à 110 voire 120 % de leurs capacités de production.
Vous nous dites donc que les deux modèles sont nécessaires pour que notre agriculture se porte bien ?
Il convient de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. De façon plus générale, il convient de respecter la rationalité industrielle qui correspond à la rationalité du pouvoir d'achat. Par exemple, dans la région Provence Alpes Côte d'Azur, on trouve deux abattoirs à 40 km l'un de l'autre qui survivent et coûtent très cher en investissement courant : l'un des deux doit disparaître.
Au sein de la filière viande, la filière volaille constitue une filière remarquable puisque 20 % de ses volumes sont produits sous label. Cependant, ces labels montrent des signes d'essoufflement en matière de structures de commercialisation. La priorité pour un groupe comme LDC est de vendre des produits économiques avec des carcasses lourdes à bas prix : c'est ce que réclame la grande majorité de la population. En bovin, la moitié de la carcasse est facilement valorisable, car elle est constituée de produits nobles, l'autre l'est beaucoup moins.
Labelliser des produits permet de disposer de locomotives en termes de qualité et de favoriser la contractualisation. Cette image d'excellence est très positive pour la filière dans son ensemble. Le consommateur veut savoir ce qu'il achète et les producteurs français doivent montrer que leurs produits sont sanitairement de grande qualité car nous connaîtrons d'autres scandales alimentaires, d'autres fraudes, en raison des difficultés à nourrir la population croissante de la planète. Les scandales sanitaires qui secouent régulièrement la Chine en sont une illustration éloquente. Les exigences de qualité qui sont celles de la France - elle est un des seuls pays à nourrir les bovins à 100 % avec des végétaux et non avec des graisses animales- doivent lui servir à valoriser sa production.
L'étiquetage est-il un plus pour l'agriculture française ? Jusqu'où aller dans l'information du consommateur ?
Je me suis toujours demandé pourquoi les industriels français ne disent pas davantage que leurs concurrents sont moins vigilants qu'eux en matière sanitaire. Il faut communiquer auprès des consommateurs pour leur montrer ce que peuvent leur apporter les produits français, sans quoi les français s'en tiendront à ce qui est la plupart du temps leur premier critère de choix, le prix. Imposer des mesures de transparence ne pourrait qu'être profitable aux producteurs français.
L'étiquetage viande bovine française (VBF) est déjà généralisé mais il paraît plus difficile d'indiquer l'origine de la viande contenue dans les plats transformés. Comment y parvenir ?
Il paraît en effet difficile d'indiquer l'origine de tous les ingrédients si l'on veut conserver des étiquettes lisibles.
Il vous paraît vraiment très difficile d'indiquer l'origine de la viande sur les plats transformés, comme nous le disent les industriels ? Ne serait-il pas possible d'indiquer le pourcentage de viande française ?
Il est très difficile de disposer d'une indication globale indiquant le pourcentage d'origine française. Il ne faut donner le label que si la viande est à 100 % d'origine française. Quand l'industriel utilise du minerai de viande, la viande est souvent à 100 % issue d'une même origine même si cette origine peut varier au jour le jour.
En ce qui concerne la traçabilité, je crois qu'il serait indispensable de disposer d'un suivi informatique de la viande. La semaine dernière, les éleveurs bretons qui ont arrêté des camions ont trouvé du porc espagnol dans plusieurs d'entre eux. En Bretagne, c'est une aberration ! Il faut que nous puissions connaître en temps réel les mouvements de la viande. Comme le révélait récemment un article d'AgraPresse, les Chinois ont réussi à commercialiser du renard et du rat, ce qui est scandaleux.
Nous avons parlé des abattoirs. Il est vrai que la production de viande en Bretagne a baissé et que le Gouvernement a pour volonté de relancer cette production. Pour autant, ce processus prendra du temps et je crois que dans l'immédiat, nous devrions travailler sur la transformation de nos produits car nous exportons trop souvent directement des carcasses alors que nous pourrions effectuer la transformation chez nous.
Vous avez évoqué les charges de mécanisation. Je ne sais pas si vous tenez compte des déductions pour investissement car c'est ce mécanisme fiscal qui incite les agriculteurs à renouveler régulièrement leur matériel. C'est un système qui est voulu.
Lorsque l'on évoque les revenus des exploitations, on se trouve au milieu d'une guerre des centimes. Nous ne parvenons pas à régler ce problème alors même que si le surcoût était transmis au consommateur, il ne s'en rendrait même pas compte. Il s'agit là d'une équation qu'il faudra bien finir par résoudre.
Pour les consommateurs, se pose un vrai problème d'effet ciseau avec un budget alimentaire qui avait plutôt chuté et un revenu qui avait augmenté. Mais la Chine est entrée à l'OMC en 2001, ce qui a entraîné une flambée des matières premières agricoles, qui sera amenée à se poursuivre. La flambée des matières premières n'a pas été répercutée dans le prix des produits alimentaires et les producteurs ont dû compenser le différentiel par des gains de productivité. La vraie problématique en France est que nous payons trop cher pour notre logement et pas assez pour notre alimentation, en dépit de notre culture gastronomique. L'alimentation ne fait même plus partie des dépenses contraintes selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) ! Les choses se jouent en effet à quelques centimes près mais le consommateur a souvent tendance à acheter le produit le moins cher.
Je pense qu'il est fondamental de retrouver de la valeur ajoutée dans la filière viande. Ce qui caractérise notre filière bovine, c'est l'absence quasi-totale d'innovations car le produit brut de départ est un produit noble. Mais les choses évoluent : par exemple, on ne mangeait presque pas de carpaccio de boeuf il y a quinze ans alors qu'on en trouve de plus en plus désormais dans les rayons. Une entreprise du Sud-Ouest a développé des flashcodes pour que le consommateur puisse voir la tête de l'éleveur lorsqu'il achète sa barquette. Voilà des exemples d'innovations dont la filière manque cruellement ! Il faut recréer de la valeur pour que le consommateur accepte de payer davantage.
Il faut peut-être aussi changer les comportements alimentaires des Français, les inciter à manger moins souvent de la viande mais de meilleure qualité.
Oui, mais la question de la qualité de la viande fait l'objet de débats sans fin.
Je voudrais vous poser une question sur la traçabilité, qui a pour objectif l'information du consommateur. Qu'est ce qui s'oppose à ce que l'on précise sur les étiquettes de la viande s'il s'agit d'une race à viande ou pas ? Pour moi la traçabilité est avant tout utile sur le plan gustatif et il est capital que l'animal ait consommé de l'herbe, ce qui est beaucoup moins sûr s'il s'agit d'une vache laitière de réforme, a fortiori si elle est importée.
Je ne suis pas d'accord. Les vaches qui sont produites dans mon département sont des vaches laitières de réforme - les montbéliardes- qui alimentent 50 % de la production française. Une viande de vache de réforme conservée correctement dans une chambre froide pendant 10 ou 15 jours, même si elle a plus de 10 ans et a effectué sept ou huit lactations, est bien meilleure qu'une génisse charolaise ou d'une autre race à viande tuée trois jours plus tôt !
C'est un sujet que je connais bien puisque je lui ai consacré ma thèse.
En outre, les vaches laitières n'ont souvent pas du tout connu les pâturages. Le muscle de l'animal n'est pas mis à l'épreuve et la viande sera moins bonne. Certes la viande de vache de réforme sera plus tendre, mais elle aura moins de goût. Je veux savoir si la viande que je consomme est issue d'une charolaise, d'une limousine, d'une blonde d'Aquitaine...
Le troupeau de vaches allaitantes est devenu majoritaire, ce qui modifie complètement le système industriel. Avant, la viande bovine était un coproduit du lait. Aujourd'hui, elle devient un produit à part entière. La logique économique est complètement différente. 55 à 60 % du potentiel de viande est issu du cheptel allaitant. Sur la question de la qualité de la viande bovine, il existe un excellent rapport de l'Institut de l'élevage.
L'une des qualités essentielles de la viande est la tendreté. Elle provient essentiellement de la mise en chambre froide pendant dix, quinze jours voire trois semaines. Le problème, aujourd'hui, vient du fait que le nombre d'abattoirs s'est restreint, le nombre de chambre froides aussi, ce qui fait que les animaux sont tués, conservés deux ou trois jours puis distribués. Le résultat est très pauvre.
Il y a là une question de distribution qui est lié à la commercialisation majoritairement en GMS.
Je souhaiterais vous signaler trois chantiers que vous pourriez mettre en avant. Il s'agit tout d'abord de l'innovation et de la recherche et développement (R et D). Si 1 % des aides étaient consacrées à la R&D, les résultats de long terme seraient spectaculaires. La R&D dans la filière viande est extrêmement faible et il faut lui réaffecter des ressources humaines. Notre système de recherche existe mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il fonctionne bien. La totalité des entreprises agroalimentaires dépenses 400 à 500 millions d'euros par an pour la recherche quand l'INRA utilise 800 millions d'euros, pas forcément en lien avec les besoins de l'industrie. Les centres de ressources sont trop dispersés et travaillent trop peu ensemble, dans une relative inefficacité. Il convient enfin de faire en sorte que la filière s'approprie ce système de R&D. L'Institut de l'élevage est très performant mais au niveau industriel, le compte n'y est pas et nous ne sommes ni au niveau des Allemands, ni à celui des Hollandais. Il faut ensuite miser sur le marketing pour faire en sorte que le consommateur accepte de payer davantage et éviter de sombre dans une logique de réduction de la valeur et de destruction d'emploi. Il faut agir sur le marché national mais aussi sur le marché international. Troisième point, il faut revoir la gouvernance de la filière qui a trop besoin d'unanimité pour avancer et parvenir à des plans d'action efficaces.
Nous avons le plaisir de recevoir la fédération nationale des exploitants d'abattoirs prestataires de services (FNEAP).
Selon vous, les abattoirs de proximité sont-ils l'avenir de la filière viande ? Les petits et les grands abattoirs offrent-ils les mêmes garanties en termes de sécurité sanitaire ? Quelle est la part de la main d'oeuvre dans la structure de vos coûts de production ? Quelle proportion d'abattages rituels pour chaque espèce les abattoirs rattachés à votre fédération réalisent-ils ? Pensez-vous que les personnels d'abattoirs ont une formation suffisante ? Faites-vous face à des difficultés de recrutement ?
J'aimerais tout d'abord vous rappeler le statut de nos outils d'abattage et vous brosser ainsi le portrait des 110 adhérents de notre fédération. Ce sont pour la plupart des outils de petite taille, c'est-à-dire des abattoirs de proximité. Ces structures étaient principalement publiques jusqu'en 1993, avant que n'intervienne une vague de privatisations qui a conduit à la disparition de nombre d'entre eux. Particularité française, ces outils ne commercialisent pas la viande qu'ils produisent. Ils ont pour mission exclusive d'abattre les animaux et doivent ainsi être regardés comme des prestataires de services. Cette absence d'opérations commerciales les distingue des abattoirs de taille moyenne et des grands groupes industriels. L'activité de nos adhérents représente un volume d'environ 400 000 tonnes, soit une activité assez modeste. Ce sont pour la plupart des abattoirs polyespèces, qui disposent dès lors d'au moins trois chaînes d'abattage. Nous ne nous considérons pas comme concernés par la sous-utilisation de l'outil d'abattage mise en évidence par plusieurs rapports.
S'agissant de la situation économique des abattoirs affiliés à notre fédération, nous n'avions que peu d'inquiétudes jusqu'au printemps 2012, bien que les années 2011 et 2012 aient vu la disparition de plusieurs structures. Nous avons alors été alertés sur les difficultés économiques rencontrées par certains de nos adhérents, qui se traduisaient notamment par un chômage partiel, et qui résultaient de la raréfaction de la matière première. Celle-ci s'explique à la fois par les incitations des pouvoirs publics et par l'orientation actuellement prise par le monde agricole, qui se dirige davantage vers les cultures végétales, moins contraignantes et plus rémunératrices que l'élevage. La situation est telle qu'elle a poussé certains grands industriels à venir chercher de la matière première en dehors de leur région et à la faire abattre dans nos outils. Après une courte amélioration à la fin de l'année 2012, de nouvelles difficultés sont apparues et nous avons connu un premier trimestre 2013 catastrophique.
Il est à noter que, de manière étonnante, le scandale de la viande de cheval a eu des répercussions positives sur la filière chevaline. Certains outils de petite taille ont ainsi pu bénéficier d'un regain de production dans cette filière. Ces outils bénéficient également de la valorisation de produits de qualité, notamment d'origine locale.
125 abattoirs ont été fermés entre 2002 et 2010 au niveau national, ce qui traduit un mouvement de concentration industrielle certain. Une douzaine de structures supplémentaires ont disparu en 2011 et 2012, et pas seulement des structures de petite taille : les abattoirs de Blois, Pau et Castelnaudary, par exemple.
Combien d'abattoirs soutenus par des collectivités publiques ont été contraints à la fermeture par manque de travail ou de clients ?
Le mouvement de fermetures a concerné 80 abattoirs privés, 37 abattoirs publics, auxquels il faut ajouter 8 abattoirs de chevreaux.
Ces fermetures sont-elles dues à un manque de volume ou aux contraintes liées à des mises aux normes ?
Ces deux aspects entrent en jeu. L'application du paquet hygiène de 2005 a entraîné de lourdes contraintes d'investissement, qui se sont révélées insoutenables pour certaines structures.
Selon moi, tous les abattoirs ne peuvent pas faire face de la même manière, en fonction de leur taille, aux obligations de mise aux normes. Dans mon département se trouvaient un très gros abattoir reconstruit il y a quinze ans qui fonctionne bien et une petite structure située à une vingtaine de kilomètres. Cette structure a été fermée car le rythme de mise aux normes n'était pas soutenable.
Les abattoirs qui subsistent aujourd'hui permettent-ils de couvrir les besoins à l'échelon national ? Le maillage est-il comparable à celui observé en Allemagne, qui nous fournit désormais alors que c'était autrefois le contraire ?
Nous avons suffisamment d'abattoirs industriels pour couvrir nos besoins d'abattage. Nous sommes cependant confrontés à un problème de désertification. Celle-ci pousse à la modernisation des structures et même à la construction actuellement de sept abattoirs de moins de 3000 tonnes. Ces constructions sont le fait d'opérateurs qui n'appartiennent pas à la sphère industrielle : ce sont notamment des bouchers et des éleveurs qui ont été confrontés à des conditions de travail inacceptables dans les abattoirs industriels après le mouvement de privatisations et qui veulent assurer leur propre production.
Je pense que les structures de proximité ont un avenir - même si elles ne pourront jamais afficher un tarif concurrentiel par rapport aux grands abattoirs industriels. L'abattage de proximité favorise en effet l'implantation de petites et moyennes entreprises (PME) de production de viandes, ce qui favorise l'emploi dans les territoires ruraux. Il offre en outre un support intéressant à la boucherie traditionnelle : l'achat sur pied garantit une bonne rémunération à ces distributeurs et une rémunération stable et pérenne aux éleveurs. Il constitue enfin un appui indispensable pour les circuits courts actuellement en développement.
On assiste à une modification de la carte des abattoirs, qui tend à se réduire à quelques grosses structures. Or, la disparition des petits abattoirs, même si ces outils ont un coût élevé, pose plusieurs problèmes : elle rend impossible l'abattage familial ainsi que l'abattage d'urgence pour les bêtes accidentées. Les gros abattoirs sont indispensables, mais il est nécessaire de conserver des structures de proximité. Il faut exiger qu'un abattoir au moins soit accessible dans chaque département.
Les abattoirs de proximité ont en effet des fonctions à la fois économiques et sociales. Ils ne sont pas concurrents mais complémentaires des abattoirs industriels, qui sont indispensables, notamment pour les exportations.
Je suis d'accord avec M. Beaumont. On pourrait proposer une mise aux normes à deux vitesses selon la taille des abattoirs.
Il ne faudrait pas que coexistent deux niveaux parmi les abattoirs, et une telle solution risquerait de poser problème par rapport au droit de l'Union européenne. Notre fédération exclut les structures qui ne respectent pas la réglementation ; ce fut le cas récemment pour un abattoir situé dans le Val d'Oise. C'est sur la flexibilité qu'il faut jouer.
Le problème que nous rencontrons actuellement est celui du raccourcissement des cycles de mise aux normes, qui résulte à la fois de l'application de la réglementation et de l'obsolescence plus rapide des outils. Le nettoyage fréquent des outils imposé par la réglementation oblige en effet à les renouveler plus fréquemment.
S'agissant de votre question relative aux coûts de main d'oeuvre en abattoir, l'abattage est en effet une activité dont les principaux coûts sont liés aux charges de personnel. Ces coûts représentent 45 à 55 % des charges d'exploitation, en fonction notamment des espèces travaillées.
Ne faites-vous pas face à une concurrence déloyale de la part des opérateurs allemands, qui emploient une main d'oeuvre à faible coût ?
Ce problème résulte de la directive « Détachement » de 1996, à laquelle un rapport a été consacré par notre collègue Éric Bocquet, au nom de la commission des affaires européennes.
Il apparaît difficile de faire évoluer cet état de fait, qui est lié à la législation sociale allemande. Il est en revanche possible d'intervenir sur l'application des normes européennes, que la France a tendance à durcir, ce qui rend la situation des abattoirs frontaliers particulièrement difficile.
Ce durcissement est constaté dans tous les domaines, et nous le dénonçons régulièrement.
Je ne peux pas vous fournir de chiffres sur ce point dans un si court délai. La certification halal ou casher n'existe pas en matière d'abattage. Certains de nos salariés ont une carte de sacrificateur, qui s'obtient auprès de l'une des trois mosquées habilitées, mais je ne connais pas la part de la production de nos adhérents concernée par ce type d'abattage. L'abattage sans étourdissement constitue aujourd'hui une possibilité juridique et économique qui se développe beaucoup.
Je suis surprise que vous ne puissiez pas nous communiquer de chiffres alors que le Gouvernement a pu nous en transmettre.
Ces chiffres proviennent sans doute des contrôles opérés auprès des opérateurs commerciaux, dans le cadre prévu par le décret du 28 décembre 2011.
Il est impossible d'effectuer de tels contrôles au stade de la distribution. Ils ne sont réalisables qu'au niveau des abattoirs. Existe-t-il une différence de coût entre un abattage rituel et un abattage conventionnel ?
Le coût de l'abattage rituel comprend seulement les frais liés à l'obtention de la carte, soit environ 150 euros, et le coût du matériel. Les abattoirs affiliés à notre fédération ne pratiquent pas de différence de tarif entre les abattages rituel et conventionnel, dans la mesure où ce sont les mêmes chaînes et les mêmes opérateurs qui sont utilisés. Nous travaillons en séquences distinctes.
Le secteur de l'abattage souffre d'une mauvaise image de marque, en raison à la fois d'aspects sociétaux et du lobbying croissant exercé par les associations de protection animale. Nous avons créé un organisme de formation des personnels d'abattoir, qui est à ce jour unique en France, et qui couvre l'ensemble des métiers liés au fonctionnement quotidien des abattoirs. Nous avons le projet de créer une école de formation pour les métiers d'abattage. Il est nécessaire de faire à la fois de la formation initiale et de la formation continue. Nous avons été habilités l'été dernier comme organisme autorisé à dispenser des formations sur le bien-être animal au moment de l'abattage, avec notamment un module consacré à l'abattage sans étourdissement.
Sur la question des incidents d'abattage, un règlement européen de 2009 nous oblige à mettre en place un plan d'action sur le bien-être animal depuis le 1er janvier 2013, alors qu'il n'y avait auparavant aucun suivi. Nous sommes actuellement en train de mettre en place ce plan d'action, ce qui nécessite une formation des personnels. Ce plan sera complété par un guide des bonnes pratiques transmis pour validation au ministre de l'agriculture.
Nous allons écouter avec beaucoup d'intérêt M. Jean-Paul Bigard, président du syndicat national des entreprises françaises des viandes.
Alors que le scandale de la viande de cheval est de nature à entamer un peu plus la confiance des consommateurs, nous constatons que nos filières viandes produisent des denrées de qualité. En même temps, les difficultés des éleveurs s'aggravent et le pouvoir d'achat des consommateurs diminue. Nous cherchons, dans ce contexte, quelques pistes pour valoriser les différents maillons de la chaine des filières viande.
Globalement, la production et la consommation de viande sont en retrait de quelques points de pourcentage cette année, le chiffre étant variable selon les espèces et les produits.
Je précise que le déclin de la consommation de viande s'est manifesté dès le milieu des années 1990 dans l'ensemble des pays industrialisés. Cela impose aujourd'hui une adaptation des modes de production, de transformation et de distribution car, en même temps, la viande reste une denrée très prisée avec un taux de pénétration exceptionnel de 95 % dans la consommation des ménages. Nos études démontrent, en particulier, qu'il faut faire progresser le professionnalisme dans le commerce de détail et surtout dans la grande distribution. Dans les grandes surfaces, le consommateur passe souvent plus de temps au rayon viande que dans les autres et il faut tirer parti de cette donnée de base pour rendre plus attractives les conditions de vente des produits.
A votre question relative aux déterminants de l'évolution des prix du kilo de boeuf depuis deux ans à l'entrée de l'abattoir et sur les étals, je répondrai tout d'abord que nous constatons, dans la viande bovine et depuis le début de 2011, une hausse comprise entre 30 et 50 % selon les catégories d'animaux. Aujourd'hui le bétail a atteint un niveau de prix inédit dans l'histoire. Cela s'explique en partie par la baisse de la production : c'est la loi de l'offre et de la demande qui s'impose. J'ajoute que les exportations d'animaux en vifs, comme vers la Turquie au cours de l'année dernière, ont lourdement diminué l'offre disponible. Je rappelle qu'à cette période, dix abattoirs du groupe Bigard avaient étés bloqués par le syndicalisme agricole qui demandait des prix plus élevés et, six mois plus tard, en dépit des hausses consenties, les abatteurs se sont trouvés privés d'approvisionnement suffisant en matière première. En ce qui concerne la viande porcine, la transparence du marché est presque totale. Je rappelle que les abattoirs ne sont jamais décisionnaires sur la mise en place d'élevages pour les espèces bovines et porcines : les éleveurs restent maitres des choix effectués dans ce domaine. Cependant, pour les veaux, ce sont les abattoirs qui financent la production avec la contractualisation et le schéma est encore plus répandu dans la filière volaille.
Ayant le premier cheptel bovin d'Europe, la France subit au premier chef les variations de prix du marché dans ce secteur. La tendance est très fortement à la hausse à l'heure actuelle et il ne faut pas oublier que le marché de la viande bovine dépend aussi du prix du lait. Ce cheptel laitier a cependant été divisé par deux depuis les années 1990 où il représentait six millions d'animaux.
En ce qui concerne les conclusions de l'observatoire des prix et des marges, je rejoins les indications du rapport de M. Philippe Chalmin quand il affirme que les marges sont extrêmement faibles dans le secteur de la viande. Elles continuent à baisser, à tel point qu'on risque de s'interroger à l'avenir sur la viabilité économique des abattoirs pris entre la nécessité de mieux rémunérer les éleveurs et l'impossibilité de répercuter en aval les hausses qu'il consent à ces derniers. A tel point que l'une des seules possibilités qui restent à l'abatteur pour limiter ses pertes est parfois de ne plus livrer ses clients, lesquels se retournent vers d'autres fournisseurs.
Il convient, à cet égard, de s'interroger sur les différences de statut qui subsistent dans notre secteur avec trois types d'entreprises : celles du secteur privé, celles du secteur coopératif et le cas, qui est une singularité française, des distributeurs qui remplissent à la fois les fonctions d'abattage, de découpe et de salaison. La part de marché de ces derniers avoisine 35 %. On peut imaginer que ces distributeurs utilisent cet outil industriel en complément de rayons de vente et j'observe que les distributeurs peuvent procéder à des péréquations avec d'autres produits pour pouvoir afficher des prix de vente de la viande inférieurs à ceux des autres opérateurs. J'insiste sur ce point car la production porcine est aujourd'hui mise à mal dans ce système et on commence également à voir apparaître des prix bloqués dans la filière bovine sur des produits dont la matière première peut représenter plus de 85 % du prix de revient. Pour maintenir de tels prix attractifs, le distributeur est sans doute contraint de procéder à des péréquations avec des produits à plus forte marge.
J'attire donc l'attention des pouvoirs publics sur ces différences statutaires dans la transformation de la viande car elles ne sont pas sans conséquences sur la situation de l'élevage.
Le steak haché surgelé et la charcuterie salaison ainsi que les cotes de porcs en produits frais.
Vous évoquez, dans votre questionnaire, les incidences de l'industrialisation de l'alimentation et je souligne, à ce sujet, que les produits industriels peuvent être d'une qualité remarquable alors que des produits artisanaux peuvent soulever des difficultés en matière de sécurité alimentaire.
Par ailleurs, comme vous le suggérez, le scandale Spanghero, qui est une escroquerie, est effectivement le résultat de la course aux prix les plus bas. De façon générale, on ne se pose pas assez de questions sur la logique et la vérité des prix. Par exemple, nous avions observé que depuis plusieurs mois, le prix des carcasses de viande montait en Irlande, en phase avec la hausse du marché. En revanche, le prix des boîtes de viande désossée et, de façon encore plus frappante, celui du steak haché ne suivait pas cette progression. On a fini par découvrir des phénomènes comparables à celui du scandale Spanghero. Je rappelle au passage que les opérateurs irlandais ont remporté beaucoup d'appels d'offre passés par les collectivités. J'ajoute que l'incidence des normes appliquées de façon moins stricte qu'en France joue également dans le différentiel de prix.
Malgré la pression des distributeurs sur les prix, qui amène certains opérateurs à diminuer la rigueur des contrôles qu'ils exercent, la viande conserve un niveau de qualité élevé dans notre pays.
Vous confirmez donc qu'en Irlande aussi on a constaté des substitutions de viande d'espèces différentes ? Quelles mesures préventives avez-vous prises ?
Il a été démontré que l'affaire de la viande de cheval relevait d'un phénomène d'ampleur européenne. Je fais observer que l'utilisation des tests ADN a des limites car ils participent d'une démarche parfois excessivement simpliste et, dans ce contexte, ces tests risquent de poser plus de problèmes qu'ils n'apportent de solutions.
Pour ma part, j'avais déploré les dégradations tarifaires constatées à l'étranger mais que mon entreprise n'a pas suivies. Par ailleurs nous avons alerté nos clients et attiré l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité d'opérer des contrôles, mais nous étions loin d'imaginer qu'on fabriquait des steaks avec de la viande de cheval.
Je rappelle que la fraude a porté sur 800 tonnes de viande pour Spanghero et sur 50 000 tonnes de viande de cheval dans l'ensemble de l'Europe dont « beaucoup sont devenus du boeuf », selon les termes précis employés par le représentant de la direction en charge de la répression des fraudes que nous avons entendu.
Compte tenu du déclin du cheptel français vous serez sans doute contraint de vous porter acheteur sur les marchés étrangers. Comment contrôlez-vous la nature de vos achats, dans une telle hypothèse ?
Nous traitons un million de tonnes de viande par an dont 260 000 tonnes de produits élaborés et 150 000 tonnes de steak haché frais et surgelé, mais nous abattons 40 % du cheptel français. Lorsque nous achetons des carcasses à l'étranger, nous n'avons aucune hésitation sur la nature de nos achats. Toutefois, la question peut se poser lorsqu'on achète de la viande emballée - on emploie le terme de « minerai » que je préfère éviter. Nous aurions pu, dans un tel schéma, nous retrouver en difficulté comme les autres opérateurs si nous en avions acquis. Je me serais néanmoins posé des questions sur le prix du produit. N'oublions pas que notre but principal est d'apporter une valeur ajoutée aux produits que nous traitons, sous forme d'abattage, de découpe et de transformation : nous n'avons donc pas particulièrement intérêt à acquérir de la viande emballée. Nos achats se limitaient à deux opérateurs agrées et régulièrement contrôlés. A la suite de l'affaire Spanghero, j'ai immédiatement interdit l'acquisition de tout « minerai » à un opérateur extérieur au groupe.
Les « traders » jouent, en réalité, un rôle secondaire dans ce schéma général et je fais d'ailleurs observer que le circuit de commercialisation de la viande est moins complexe que celui des céréales - le produit pouvant dans ce secteur changer quarante fois de main entre la première commercialisation et la livraison définitive. La filière viande est très loin de telles pratiques.
Michel-Édouard Leclerc avait indiqué que la filière viande devrait « toiletter » ses pratiques.
Où en êtes-vous de la contractualisation avec les producteurs pour travailler en harmonie avec ces derniers, en jouant « gagnant-gagnant » ?
Je rappelle que le prix de la viande bovine est en France l'un des plus élevés d'Europe. On parle beaucoup de contractualisation, mais, dans la pratique, certains éleveurs ne souhaitent pas s'engager dans cette procédure. La volaille se prête bien à la contractualisation puisque l'élevage dure quatre semaines ; en revanche, pour les bovins le processus s'étale sur plusieurs années. De plus si le producteur est aujourd'hui en difficulté, il me parait fondamental de s'interroger sur le prix des céréales servant à l'alimentation animale, dont le prix a doublé au cours des dernières années. Or les abattoirs ne me paraissent pas en mesure d'apporter des solutions dans ce domaine. Quel que soit leur statut, les abattoirs connaissent des difficultés : la situation est désastreuse pour les abattoirs publics, il y a de moins en moins d'abattoirs privés et les coopératives doivent compenser les pertes des abattoirs par des gains sur d'autres activités.
Vendez-vous du minerai de viande et dans quelles conditions ? Confirmez-vous que la crise de la vache folle a eu pour effet d'améliorer la qualité de la viande ? Enfin, le prix de la viande est-il comparable aujourd'hui par rapport à 1980, à qualité égale.
Lorsque nous vendons des « cartons » de viande - du minerai - nous exigeons de connaître sa destination finale car nous avions décelé antérieurement des abus. S'agissant de votre deuxième question, depuis vingt ans, la viande n'avait jamais atteint des niveaux de prix aussi élevés. Enfin, en ce qui concerne l'ESB, il y a en France, au plan sanitaire, des règles qui garantissent la sécurité des produits mais, du point de vue qualitatif et gustatif, on trouve de tout et on ne peut pas affirmer que la viande est, de manière générale, meilleure ou moins bonne qu'il y a vingt ans. Toutefois, la qualité gustative se paye aujourd'hui très cher.
On s'abrite souvent derrière la traçabilité et l'étiquetage. Jusqu'où peut-on aller dans l'étiquetage des plats cuisinés ?
Tout animal est aujourd'hui « tracé » et la destination de toutes ses parties est connue. Dans n'importe quelle barquette de viande la traçabilité est parfaitement assurée. Le fabricant de produit transformé peut parfaitement identifier le lot qu'il utilise mais, si ce dernier le précise sur l'étiquetage, il risque alors de perdre sa liberté de manoeuvre en matière d'achat et craint la diminution de sa capacité de négociation du prix.
Dans un plat cuisiné on pourrait, à tout le moins, chiffrer le pourcentage de viande française qu'il contient. Certains rétorquent que c'est difficile dans le cas où les fournisseurs changent presque quotidiennement.
C'est tout-à-fait possible. La plupart des fabricants de produits transformés sont aujourd'hui, à la suite du scandale Spanghero, dans une demande d'achat de viande 100 % française.
Compte tenu du déclin de l'élevage, avez-vous des problèmes d'approvisionnement en viande ? Dans quels pays vous fournissez-vous et exportez-vous ?
Tout d'abord, la viande que nous traitons aujourd'hui provient à plus de 90 % d'animaux que nous abattons. Ces derniers sont à 99 % français, soit 25 000 à 28 000 bovins par semaine. Ensuite, nous avons effectivement des difficultés d'approvisionnement avec des prix en hausse. Nous achetons donc des viandes de qualité en Irlande, en Allemagne, ainsi que des animaux de réforme provenant d'Italie ou de Hollande et également du muscle pour approvisionner par exemple des collectivités qui lancent des appels d'offres avec le prix comme principal critère de sélection.
Par ailleurs, nous exportons plus de 15 % de nos productions. Les quartiers avant issus de jeunes bovins sont exportés essentiellement vers les pays du bassin méditerranéen. Globalement, nous achetons plus de quartiers avant que nous n'en vendons.
Je rappelle que la plus grosse difficulté d'un abatteur est de compenser le déséquilibre permanent entre la production qui résulte de carcasses entières d'animaux et la demande différenciée de certains morceaux.
Vous rappelez les lois de l'offre et de la demande mais on constate aujourd'hui qu'un certain nombre d'animaux exportés en vif échappent au circuit de transformation en France : quelle est la mesure de ce phénomène ?
Il y a, en viande bovine, une recherche constante des débouchés les plus rémunérateurs, avec, en particulier, un syndicalisme qui milite pour la vente de broutards vifs. Dans la viande porcine, certaines coopératives disposent d'abattoirs, et pourtant elles organisent la sortie des animaux de leur périmètre afin de faire monter les prix sur le marché.
Ceci rejoint la problématique de la contractualisation : elle ne fonctionne que si le producteur réserve l'intégralité de sa production à un distributeur, l'abattoir devant être rémunéré pour son intervention. Dans des cycles longs, la contractualisation n'est pas opérationnelle en raison de la variabilité des cours.
En réponse à votre questionnaire, je précise qu'en viande bovine, la main-d'oeuvre représente 60 % du coût de la fonction d'abattage ; cette proportion est de 85 % pour le désossage avec des couts horaires qui varient entre 25 et 30 euros. Vous comprenez donc notre détresse face au dumping allemand.
Est-on plus souple en dehors de la France pour les normes applicables à la construction ou la rénovation des abattoirs ?
J'ai récemment rappelé au ministre en charge de l'agriculture plusieurs données de base. La première est que les gros abattoirs peuvent subir d'énormes pertes alors que des petites entités sont parfois rentables. En second lieu, lorsque nous construisons des abattoirs neufs, on est accablé de normes, alors qu'à quelques kilomètres de distance des établissements fonctionnent dans des conditions archaïques.
Plus généralement, nous souhaiterions qu'on « lave très blanc, mais pas plus blanc que blanc ». L'interdiction de travailler sur les têtes de moutons que l'on importe par ailleurs depuis l'Espagne illustre les excès dans ce domaine.
Il me parait nécessaire de conserver deux types d'abattoirs en France, en particulier parce que certains petits opérateurs n'ont pas toujours accès à vos grands abattoirs et cela me parait difficilement acceptable. J'observer également que l'abattage d'urgence n'existe quasiment plus en France, faute d'abattoirs de proximité.
Les véritables difficultés naissent quand des installations d'abattage qui ne sont pas aux normes fonctionnent de manière industrielle. Vous évoquez également les circuits courts et, dans ce domaine, j'apporterai un bémol en matière de risque sanitaire. Les abattoirs de mon groupe traitent environ 40 % de la viande bovine française et ce niveau me parait extrêmement élevé, ce qui me vaut une attention toute particulière de l'Autorité de la Concurrence. Cependant, il faut aujourd'hui trouver des solutions face aux difficultés puisque des abattoirs sont en train de péricliter. Les producteurs risquent de se trouver sans débouchés. Aujourd'hui, si notre groupe souhaite se développer, il est plus rentable de le faire en dehors de la France, ce qui pourra soulever d'autres difficultés puisque, pour un même animal, il existe des différences de prix notables d'un pays à l'autre. Un pays comme la Pologne consomme peu de boeuf et exporte la plus grosse partie de sa production, avec des prix moins élevés qu'en France.
Quels sont les volumes d'abattage rituel ? L'abattage rituel sans étourdissement entraine-t-il, au-delà de la souffrance animale, des problèmes de sécurité pour le personnel des abattoirs ?
Nos établissements ne présentent pas de particularité par rapport aux autres abattoirs français et, en pourcentage, nous sommes dans la moyenne nationale. A l'abattoir de Cuiseaux, qui sera visité par la mission sénatoriale, la proportion de halal est à peu près de 15 %, en viande bovine.
Le pourcentage peut atteindre 30 ou 40 % au maximum pour les ovins, mais jamais on n'a atteint les proportions qui ont circulé dans la presse.
Je ne suis pas un défenseur de l'abattage rituel, qui représente un épisode très difficile pour les animaux et nous demandons un aménagement des normes avec un étourdissement concomitant à l'égorgement pour diminuer les souffrances animales. Ce sera sans doute assez difficile à imposer à toutes les communautés. Pour le culte israélite, l'organisation de l'abattage est extrêmement normée, avec cependant certains conflits internes. Pour le hallal, on constate une certaine adaptabilité. Nous procédons à des expérimentations mais rencontrons des obstacles administratifs pour l'usage de tables et d'outillage qui sont utilisées dans d'autres pays. Il s'agit d'une problématique complexe, juridiquement dérogatoire et avec de forts enjeux politiques.
La transparence est souhaitable dans le domaine de l'abattage rituel sans quoi le consommateur peut avoir le sentiment qu'on lui cache la réalité, à quoi s'ajoutent des enjeux financiers qu'il convient de clarifier.