Intervention de Julien Boeldieu

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 19 novembre 2019 à 16h30
Audition de Mm. Patrice Liogier secrétaire général et julien jacquet-francillon secrétaire général adjoint syndicat national des ingénieurs inspecteurs des mines julien boeldieu et Mme Valérie Labatut syndicat national des inspecteurs du travail de l'emploi et de la formation professionnelle sntefp-cgt et M. David Romieux fédération nationale de l'équipement et de l'environnement représentant la cgt dreal normandie

Julien Boeldieu, syndicat national des inspecteurs du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (SNTEFP-CGT) :

En Seine-Maritime ont eu lieu récemment des accidents de travail graves, par exemple chez Total et Saipol. Chaque fois, les personnes décédées étaient des sous-traitants. Ce sont rarement des salariés de l'entreprise donneuse d'ordres.

Nous relevons à chaque fois des infractions telles qu'un manque de formation, un manque de connaissance des procédures et de sécurité et l'absence de vérification, par le donneur d'ordres, de la maîtrise de ces enjeux par le sous-traitant. Le même scénario s'était produit à AZF. Les arrêts de cour d'appel montrent que ces deux aspects étaient présents : le sous-traitant ne connaissant pas les règles et le donneur d'ordres ne cherchant pas à vérifier cette connaissance des règles par le sous-traitant.

Notre pratique de constats est très liée aux accidents de travail, car c'est pour ce type de situation que nous sommes appelés en priorité, même si nous avons également un rôle en matière de prévention. Contrairement à nos collègues des inspecteurs d'ICPE, la situation de nos effectifs est gravissime au sein du ministère du travail puisque la ministre a fixé à l'horizon 2020 un objectif d'un agent de contrôle - inspecteur du travail ou contrôleur du travail - pour 10 000 salariés. Nous exerçons en sections territoriales et généralistes. Nous avons chacun un secteur de contrôle dans lequel nous contrôlons toutes les entreprises, quelle que soit la branche à laquelle elles appartiennent. C'est une structuration à laquelle nous sommes très attachés car c'est aussi une condition de notre indépendante. Elle est garantie par une convention internationale. Nous ne dépendons pas du préfet. Nous pouvons ainsi établir librement nos procès-verbaux et les adresser directement au procureur de la République.

Il y a dix ans, il était prévu de recruter pour faire en sorte qu'il y ait un agent de contrôle pour 6 000 salariés. L'écart est donc considérable par rapport aux objectifs récemment annoncés. Les chiffres du ministère, l'an dernier, indiquaient qu'il y avait 2 150 agents de contrôle de l'inspection du travail sur le territoire, contre 2 250 il y a deux ans. En rythme annuel, les objectifs de suppressions de postes du ministère du travail réduiraient notre nombre à un peu plus de 2 000 agents en 2020, de façon théorique, si tous les postes sont pourvus. Les recrutements étant rares, il existe un taux de vacance considérable dans certaines régions. En Ile-de-France, où il y a de nombreux sites Seveso, le taux de vacance va de 15 % à Paris à 30 % dans le Val d'Oise. En réalité, il y aurait ainsi, d'après nos calculs - qui nous ont été confirmés par le ministère - 1 800 inspecteurs ou contrôleurs du travail en France. Nous réclamons le doublement de ce nombre, car contrôler 10 000 salariés et 1 000 entreprises, en moyenne, représente une tâche considérable. Lorsqu'on s'attaque à des entreprises de cette taille, on ne peut évidemment pas être présent tous les jours.

Nous avons des propositions à formuler car nous avons le droit d'arrêter des activités. C'est le cas par exemple en matière de prévention des chutes de hauteur ou d'équipements de travail dangereux. Ces dispositifs sont beaucoup plus efficaces que le procès-verbal, qui vient figer la situation d'infraction, sans garantie de la correction de la situation par l'entreprise. En cas de décision d'arrêt d'activité, celle-ci ne peut être remise en marche qu'une fois mise aux normes. Les employeurs agissent rapidement, dans de tels cas, et ne contestent pas la décision. Il n'en va pas de même lorsque la procédure est plutôt de nature juridique. Nous pensons que sur de nombreux points, notamment sur la sous-traitance, il serait possible de développer ces arrêts d'activité.

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