Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 21 octobre 2009 à 14h30
Débat sur la réforme du lycée

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Parallèlement, la position du CAP comme première voie d’insertion professionnelle est renforcée. Le BEP n’est pas supprimé, mais il devient une certification intermédiaire obtenue à la fin de la classe de seconde professionnelle. L’articulation nouvelle des diplômes me semble de nature à favoriser l’accession des jeunes à des niveaux de qualification plus élevés qu’aujourd’hui.

Un point crucial de la réforme de la voie professionnelle réside dans l’accompagnement personnalisé, qui permettra à la fois de soutenir les élèves les plus en difficulté, de pousser plus loin les meilleurs et de sécuriser ceux qui, ponctuellement, connaissent une faiblesse.

Le Président de la République a annoncé un dispositif similaire pour le lycée général et technologique : deux heures hebdomadaires d’accompagnement seraient dispensées à chaque jeune, sans alourdissement des emplois du temps. Cette mesure me semble de nature à sécuriser les parcours scolaires.

Dans sa mise en œuvre concrète, elle ne portera toutefois ses fruits que si une large autonomie est laissée aux chefs d’établissement et aux équipes éducatives pour définir les modalités d’encadrement et d’enseignement. Il faut impérativement éviter une gestion administrative et uniforme du dispositif, sous peine de le vider de son sens.

Plus généralement, ainsi que le révèle encore une fois l’analyse des enquêtes PISA, les pays dont les systèmes scolaires sont à la fois les plus performants pédagogiquement et les plus équitables socialement sont des pays qui accordent une grande autonomie aux établissements.

Il me semble qu’à l’instar des Pays-Bas, de la Nouvelle-Zélande et du Québec nous pourrions réfléchir aux moyens d’accroître l’autonomie des établissements en augmentant la part des dotations horaires laissées à leur appréciation.

Ainsi que l’a rappelé le président Legendre dans son intervention, quelles que soient les réformes de structure et d’organisation du lycée qui seront entreprises, elles ne parviendront pas à diminuer les sorties sans qualification du système scolaire si la question de l’orientation n’est pas prise à bras-le-corps.

Une bonne orientation, c’est d’abord une bonne information. Or, aujourd’hui, l’information est réservée à ceux qui savent et à ceux qui ont, à ceux dont les parents ont déjà emprunté les mêmes voies ou qui sont assez aisés pour recourir aux services de structures privées.

À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, que j’avais l’honneur de rapporter, nous avons tenu à agir immédiatement pour changer la donne. Il fallait donner une nouvelle cohérence à la politique d’information et d’orientation éclatée en une vingtaine de réseaux indépendants. Chacun d’entre eux fait bien son travail, mais il le fait seul, isolé, sans nouer de véritable partenariat.

C’est pourquoi nous avons renforcé le rôle du délégué interministériel à l’orientation, qui sera désormais placé auprès du Premier ministre. Il aura pour tâche de proposer les priorités de la politique nationale d’information et d’orientation scolaire et professionnelle, d’établir des normes de qualité pour le service public d’information et d’orientation, et d’évaluer les politiques menées sur les plans national et régional.

En outre, le Délégué à l’information et à l’orientation présentera au Premier ministre, avant le 1er juillet 2010, un plan de coordination de l’action des opérateurs sous tutelle de l’État en matière d’information et d’orientation. Il examine les conditions de réalisation du rapprochement, sous la tutelle du Premier ministre, de l’ONISEP, qui dépend de l’éducation nationale, de Centre INFFO, piloté par le ministère de l’emploi, et du CIDJ, placé sous la responsabilité du haut-commissaire à la jeunesse.

Sont ainsi jetées les bases du service territorialisé d’orientation que le président de la République a présenté, le 29 septembre dernier, dans son discours d’Avignon consacré à la politique de la jeunesse.

La commission spéciale du Sénat a également souhaité agir sur la formation initiale des conseillers d’orientation-psychologues, laquelle devra davantage prendre en compte la connaissance des filières, des qualifications et des métiers. L’élargissement de la qualification de ces personnels ne pourra que renforcer l’utilité de leur rôle auprès des élèves et des familles.

L’orientation ne se limite pas, bien entendu, aux classes de troisième et de seconde. Nous devons accorder une attention spécifique à la charnière entre le lycée et l’enseignement supérieur. Chaque année, 80 000 jeunes environ échouent en premier cycle de l’université et sortent sans diplôme de l’enseignement supérieur, alors qu’ils ne disposent bien souvent d’aucune qualification du travail.

Il faut redire que, si tous les baccalauréats ouvrent les portes de l’enseignement supérieur, tous n’offrent pas les mêmes chances de succès dans toutes les filières du supérieur. Il convient donc que les lycéens, notamment dans les filières professionnelles et technologiques, mesurent bien les difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer au cours de leurs études.

Le dispositif d’orientation active mis en place depuis peu dans les universités répond en partie à ce problème. Toutefois, il ne suffit pas de dire à un lycéen que son profil, selon les statistiques, l’expose presque à coup sûr à l’échec. Il faut aussi prendre le temps de le rencontrer et de lui proposer une autre orientation, proche de celle qu’il souhaitait à l’origine, mais plus en accord avec son parcours antérieur. Ainsi, un entretien personnalisé devrait obligatoirement être proposé à tous les bacheliers risquant de rencontrer des difficultés dans la filière qu’ils souhaitent intégrer en priorité.

En complément du développement de l’orientation active et personnalisée, il serait utile que les universités fassent connaître, à titre indicatif, les connaissances et compétences qu’elles estiment nécessaires pour réussir dans telle ou telle de leurs filières. Les élèves seraient alors guidés dans leur choix par les informations ainsi fournies, ce qui ne pourrait qu’accroître leur chance de réussite.

Monsieur le ministre, ce grand chantier de l’orientation ne relève pas de votre seule responsabilité. Il nécessite un dialogue et une collaboration étroite non seulement avec vos collègues chargés de l’enseignement supérieur, de l’emploi et de la jeunesse, mais aussi avec les élus locaux, régionaux notamment. Croyez bien que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat saura appuyer vos efforts en ce domaine, comme elle l’a fait au moment de la rénovation du lycée, afin de lui assurer plus d’autonomie et plus d’ouverture sur la société.

Pour conclure mon propos, je reviendrai sur quelques chiffres : pour 30 % des enfants d’ouvriers, le diplôme le plus élevé est un CAP ou un BEP, alors que cette proportion est de 5 % seulement pour les enfants de cadres, d’enseignants ou de professions libérales ; 90 % des enfants de cadres et d’enseignants, mais moins de 50 % des enfants d’ouvriers obtiennent le baccalauréat ; il y a dix fois moins d’enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs dans les classes préparatoires aux grandes écoles que d’enfants de cadres, d’enseignants ou de professions libérales. Nous ne pouvons accepter plus longtemps une telle situation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenons-nous des paroles de Socrate, selon qui le savoir est la seule chose qui augmente lorsqu’on la partage. Dans notre société où il est la clef première de la réussite, notre devoir est de créer les conditions d’un meilleur accès au savoir et de l’élargissement de sa diffusion. Or, monsieur le ministre, votre réforme du lycée y contribue. C’est la raison pour laquelle nous la soutenons et saluons votre détermination, qui n’a d’égal que celle de M. le président de la commission.

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