Merci beaucoup de nous auditionner sur ce sujet qui occupe effectivement nos différents services. La direction générale des ressources humaines assure la gestion des cas pour lesquels il existe une suspicion ou un constat d'infraction à caractère sexuel sur mineur.
A la suite d'affaires intervenues au printemps 2015, l'ensemble du processus de contrôle des personnels de l'Éducation nationale a été refondu autour de trois dispositifs :
- d'une part, un nouveau cadre légal d'informations réciproques entre l'autorité judiciaire et l'administration ;
- d'autre part, la mise en place de référents au sein des parquets et des rectorats afin d'assurer la bonne communication entre les deux ministères ;
- enfin, le contrôle non plus seulement à l'entrée, mais aussi en cours de carrière, des antécédents judiciaires des agents en contact avec les mineurs.
Nous avons entamé, dès la fin de l'année 2015, l'interrogation de deux fichiers, le fichier B2 du casier judiciaire et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) pour l'ensemble des personnels relevant de l'autorité du ministère de l'éducation nationale, soit un million cent mille personnes. Ceci nous a permis de vérifier si des agents étaient passés entre les « mailles du filet » du contrôle initial, qui ne portait que sur le B2. Ces opérations ont abouti à l'identification de 122 cas d'inscriptions sur ces fichiers, dont trente-huit relevaient d'infractions sexuelles sur mineurs. Par construction, il ne s'agissait que d'infractions commises en dehors du service puisque nous n'en avions pas eu connaissance. Sur ces trente-huit cas, dix ont donné lieu à une révocation ou à l'interruption du contrat, huit personnes ne sont, de fait, plus en contact avec des mineurs, parce que leur contrat avait atteint son terme, parce qu'elles avaient atteint l'âge de la retraite ou qu'elles ont été affectées à des fonctions administratives. Vingt situations sont encore en cours de traitement, l'un des enjeux étant d'obtenir la copie des jugements puisque nous nous prononçons sur la base d'infractions pénales constatées par un jugement devenu définitif.
Dans ce cas de figure, la procédure est toujours la même. Dès qu'une infraction est détectée dans le fichier, la copie du jugement est systématiquement demandée, et à la lumière du jugement définitif, une procédure administrative est engagée. En pratique, le membre du personnel est suspendu ou affecté dans des fonctions ou des missions qui ne le mettent plus en contact avec des mineurs et une procédure disciplinaire est engagée pendant cette période de suspension. Ensuite, la procédure disciplinaire suit son cours. A l'issue de cette procédure contradictoire, occasionnant un passage en commission administrative paritaire (CAP), le membre du personnel se voit affliger une sanction disciplinaire.
S'agissant de la connaissance de nouvelles infractions criminelles, notre dispositif repose d'une part sur une grande vigilance, en interne, pour les actes qui seraient commis dans le cadre du service, et sur un échange d'informations très étroit avec l'autorité judiciaire pour ceux qui interviendraient en dehors du service.
Cela fonctionne très bien. L'information circule de manière fluide, ce qui nous permet d'agir vite et de suspendre sans délai les intéressés. Nous n'envisageons pas de refaire passer à brève échéance l'intégralité de notre million d'agents à l'interrogation des fichiers. C'est un processus lourd, et accessoirement assez coûteux en temps et en personnels ; il comporte en outre des risques d'erreurs liées aux homonymies.
Pour le reste, l'existence de référents en académie, d'une part, dans les parquets, d'autre part, permet une information de bonne qualité et suffisante pour que nous agissions avec efficacité.
L'autre élément, ce sont bien sûr les évènements qui pourraient intervenir dans le cadre du service. Selon l'âge du mineur, ce peut être les parents de l'enfant ou l'enfant lui-même qui font état de potentielles infractions auprès du chef d'établissement ou de l'inspecteur. Sur les quatre dernières années, les faits relevés vont du geste déplacé jusqu'à des agressions sexuelles caractérisées. Dès lors que les soupçons sont suffisants, l'agent est suspendu sans délai, une enquête administrative est diligentée, et l'autorité judiciaire est systématiquement informée quand l'enquête administrative confirme l'existence d'un fort soupçon ou établit un comportement pénalement répréhensible. À la clé, des sanctions disciplinaires sont systématiquement prises. En 2018, nous avons prononcé dix-neuf sanctions pour des infractions commises dans l'exercice des fonctions, dont dix évictions définitives du service pour des faits relatifs à la pédopornographie ou des agressions sexuelles. Nous avons aussi prononcé neuf exclusions temporaires du service pour sanctionner des comportements qui, au regard de la jurisprudence actuelle, ne pouvaient donner lieu à une sanction plus sévère. Il pouvait s'agir d'échanges de SMS connotés, généralement avec des mineurs.
De la même façon, nous avons sanctionné des comportements pour des infractions qui avaient été commises dans la sphère privée et dont nous avions eu connaissance grâce à l'autorité judiciaire. Nous avons ainsi prononcé douze évictions définitives, c'est-à-dire des révocations de fonctionnaires ou des licenciements de contractuels. Voilà ce qu'il en est du dispositif actuel.
De façon générale, la vitesse de réaction peut être regardée comme satisfaisante. En revanche, si un fait n'a pas été dénoncé, ni à l'autorité judiciaire ni à l'autorité administrative, nous ne sommes, par construction, pas en mesure d'agir. Dans les autres cas, notre réponse est systématique. Je suis catégorique puisque j'engage moi-même ma signature lorsque ces sanctions sont prises.
Outre les sanctions, notre action comprend aussi un volet préventif. Nous avons mis en place un dispositif de formation des enseignants et, plus généralement, des personnels de l'Éducation nationale, que mes collègues de la Dgesco vont vous présenter.