Statistiquement, les auteurs d'abus ou de crimes sexuels sont des hommes !
Me Antoinette Fréty. - La mixité des encadrants a un sens. Dans notre dossier, ce sont des femmes qui ont donné l'alerte.
Comme témoins ?
Me Antoinette Fréty. - Oui : en l'occurrence, elles se sont interrogées sur le fait qu'un homme s'enferme avec un enfant, qu'il procède à des vérifications médicales sans avoir la qualité de médecin.
Autre point que je veux mentionner, le secret de la confession. On nous l'oppose trop souvent. Il n'est pas reconnu par la loi, mais il l'est dans la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation : il est possible de ne pas poursuivre pour non dénonciation de faits révélés dans la confession. Je regrette que l'on se cache derrière ce secret, trop étendu : on admet que le récipiendaire de la confession s'abstienne de révéler des infractions sexuelles sur mineurs de quinze ans. Cela me gêne intellectuellement. Le législateur pourrait revoir la définition et le périmètre du secret de la confession, qui ne saurait être aussi large que le secret professionnel confié par la loi aux avocats.
La Cour de cassation a-t-elle admis une exonération de l'obligation de dénonciation ou a-t-elle reconnu une atteinte au secret de la confession en cas de révélation ?
Me Antoinette Fréty. - Le confesseur qui entend un prêtre auteur de crime sexuel, ou la victime d'un crime à caractère sexuel, peut révéler les faits sans être poursuivi pour non-respect du secret de la confession. Mais il n'en a pas l'obligation. C'est toute l'ambiguïté ! Le législateur devrait travailler sur ce point car on ne peut l'admettre sur les infractions graves.
Me Edmond-Claude Fréty. - Il n'y a pas de loi, seulement une jurisprudence, et une circulaire de la chancellerie sur l'option de conscience. Mais ce n'est pas le sens de l'article concernant la non-dénonciation de crimes ou d'atteintes sexuelles. Et si l'option de conscience s'applique dans le cadre de l'Église, où existe un secret de la confession, alors les prêtres agresseurs qui sentent planer une menace pénale se confesseront à leur évêque et on en restera là ! C'est aussi pourquoi le jugement d'Orléans opère un retour intéressant à l'esprit de la loi qui avait instauré l'infraction de non-dénonciation d'infractions sexuelles sur mineurs de quinze ans. Elle visait à débarrasser les victimes du poids considérable de la dénonciation des faits. Olivier, profondément croyant, a dû franchir la porte du diocèse, lieu sacré ; il est allé, accompagné par son ancienne monitrice du camp, voir l'évêque et lui exposer les faits, autrement dit dénoncer un prêtre confesseur, aumônier du camp, une autorité morale, qui représentait la voix du Seigneur, et qui était pour ces jeunes un guide spirituel. Mettre en cause de telles personnes devant leur hiérarchie est très éprouvant pour un catholique pratiquant. Aller au bout de la démarche l'est encore plus lorsque les victimes se heurtent à un mur du silence.
Dans le cas présent, cette forme d'hypocrisie, de mistigri par lequel chaque évêque transmet, via ses archives, le signalement à son successeur, jusqu'à ce que la prescription éteigne l'affaire, n'a pas fonctionné, et c'est tant mieux, car ce n'était pas le sens de la loi. Il importe de faire de l'infraction de non-dénonciation un absolu : ce n'est pas aux récipiendaires du signalement d'apprécier si les faits sont réels ou non, s'ils sont ou non prescrits, ils doivent transmettre le dossier aux professionnels habilités à mener une enquête judiciaire. Si chacun compte sur le voisin pour dénoncer, c'est à nouveau la victime qui porte le fardeau de devoir dénoncer.