Intervention de Jean-Luc Salagnac

Mission commune d'information Inondations dans le Var — Réunion du 11 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Luc Salagnac chef du projet impact du changement climatique sur le cadre bâti ic3b au centre scientifique et technique du bâtiment cstb

Jean-Luc Salagnac :

J'ai préparé une présentation. Au préalable, je souhaite commencer par une chronologie rapide des travaux du CSTB :

- Le guide de la remise en état des bâtiments après inondations, en 1995, constatant un certain vide de la littérature concernant cette problématique,

- Le guide d'évaluation de la vulnérabilité des bâtiments vis-à-vis du risque d'évaluation en 2003,

- Un protocole d'évaluation des performances des batardeaux en 2004,

- Le rapport « bâtiments amphibies et autres solutions pour construire en zone inondable » en 2005,

- La publication scientifique « Vulnérabilité des bâtiments à l'inondation : la qualification du comportement des matériaux » en 2006,

- Un bilan des outils de prévention réalisé en 2008,

- L'élaboration d'un référentiel de travaux de prévention du risque d'inondation dans l'habitat existant (DGALN) en 2011, dont le guide est à paraître dans le courant du mois de juillet 2012,

- La participation au projet SMARTeST dans le cadre européen du FP7, de 2009 à 2012.

Comme vous avez pu vous en rendre compte, nos travaux ont été financés pour l'essentiel par le Ministère du logement et, dans une moindre mesure, par le Ministère de l'environnement et la DPPR. Nous sommes actuellement en train de terminer le projet européen.

Je propose d'articuler mon propos autour de certaines questions:

- Un bâtiment peut-il être « étanche » ?

- Comment les règles de construction prennent-elle en compte l'inondation ?

- Que sont les matériaux peu sensibles à l'eau ?

- Comment assurer la sécurité des personnes ?

- Comment limiter les dommages aux bâtiments neufs et existants ?

- Où en est la qualification des dispositifs de protection ?

- Quelles sont les difficultés de mise en oeuvre des solutions existantes ?

Un bâtiment peut-il être « étanche » ?

Je répondrais qu'il est techniquement possible de concevoir un bâtiment étanche à condition que le maître d'ouvrage le décide et se donne les moyens de le faire. Il est possible d'ancrer un bâtiment, de poser des portes étanches et d'étanchéifier des parois, par exemple.

Ces bâtiments s'opposent au passage de l'eau et de la vapeur d'eau. Il est essentiel que la vapeur d'eau produite à l'intérieur puisse être évacuée d'un tel bâtiment. Dans un bâtiment ordinaire, cette évacuation se fait pour partie à travers les parois et pour partie via la ventilation. Un bâtiment étanche devrait permettre l'évacuation de la vapeur d'eau d'une manière alternative pour que l'atmosphère intérieure soit viable.

Les bâtiments ordinaires, le plus souvent en France, construits en maçonnerie de bloc de bétons ou de terre cuite ne sont pas étanches parce qu'il existe par construction de nombreuses voies d'eau possibles (murs, passage de canalisations, sols). Il serait quasiment impossible d'obstruer toutes ces ouvertures.

Par ailleurs, la poussée de l'eau n'est pas un facteur dimensionnant pour les murs d'un bâtiment ordinaire. La poussée du vent, surtout lorsqu'il s'agit d'immeubles hauts, ou des actions mécaniques telles que le poids de la neige ou les séismes sont des facteurs dimensionnant. Les règles de construction concernent très peu l'inondation. Par conséquent, les dimensionnements des bâtiments ordinaires n'intègrent pas la poussée de l'eau sur les murs pour définir leur résistance. Or, l'expérience montre qu'un mur ordinaire de 2,5 mètres de haut est fragilisé dès que la différence de hauteur de l'eau de part et d'autre de ses faces atteint un mètre. On peut observer des ruptures au cinquième ou au sixième rang de maçonneries pour un mur soumis à une telle sollicitation.

En outre, un autre phénomène courant, celui des chocs lors des inondations, n'est pas pris en compte dans les calculs de dimensionnement d'ouvrage. Le choc peut provenir des objets charriés par les flots ou de l'arrivée d'une vague d'eau. Les vitres peuvent alors se briser et des structures être endommagées.

Néanmoins, même si nous pouvions construire un bâtiment maçonné étanche, les joints de maçonnerie seraient soumis à une forte traction du fait de poussée d'Archimède et n'y résisteraient pas. Des voies d'eau s'ouvriraient alors.

Finalement, il n'est pas possible d'empêcher durablement l'eau de rentrer dans un bâtiment ordinaire. Ce serait du gaspillage d'essayer de le faire.

Cependant, il est tout de même possible de limiter les dégâts dus à l'inondation sur un bâtiment ordinaire, grâce à des moyens comme les batardeaux, à condition que la hauteur et la vitesse de l'eau restent modérées et que l'inondation ne dure pas plus de quelques jours.

Comment les règles de construction prennent-elle en compte l'inondation ?

Les règles de construction intègrent essentiellement la poussée d'Archimède. Ces règles résultent de considérations mécaniques comme c'est également le cas pour la prise en compte des aléas sismiques ou des effets du vent. Pour l'inondation, des dispositions diverses ont été prises, notamment au sujet des cuvelages enterrés. Elles sont décrites dans le DTU 14.1.

Une de ces dispositions consiste à construire un conduit au sous-sol qui permet de remplir le volume du cuvelage afin de lester le bâtiment dès qu'une cote de conception est atteinte en cas d'inondation.

Un autre dispositif réglementaire, l'arrêté du 30 juillet 1979, concerne les cuves d'hydrocarbures. Celles-ci peuvent se décrocher de leur support et se mettre à flotter en cas d'inondation. Les dispositions prévues sont destinées à dimensionner les berceaux de support des cuves pour éviter qu'elles ne se décrochent.

Que sont les matériaux peu sensibles à l'eau ?

Les termes « matériaux peu sensibles à l'eau » sont souvent utilisés dans les PPR. Or, ces matériaux sont ne sont pas codifiés, ce qui rend leur compréhension difficile pour les administrés.

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