On peut attendre beaucoup du droit de la concurrence, mais il ne peut pas répondre à tous les problèmes ou à tous les objectifs. Sa grande force est d'être transversal et de concerner tous les secteurs de l'économie, ce qui garantit une cohérence. Il faut en attendre qu'il fasse respecter l'objectif de bon fonctionnement des marchés.
Pour autant, je l'ai dit, on ne se limite pas à des approches strictement économiques, c'est-à-dire que l'on prend en compte toutes les dimensions du bien-être du consommateur, donc aussi la qualité, la quantité et la diversité.
Les exemples que j'ai cités dans le secteur de la presse, où nous avons imposé des rédactions séparées lorsque la fusion de titres de la PQR aurait conduit à un monopole, montrent qu'il peut exister des solutions innovantes pour éviter une dégradation.
Par ailleurs, c'est le législateur qui définit les grands équilibres en matière de médias. Si, en France, nous avons un double contrôle, celui de l'Autorité et celui du CSA, qui intervient au titre des rachats de chaînes de télévision, c'est bien que le législateur a défini un contrôle spécifique en matière de médias audiovisuels. Plus généralement, et je crois que c'est tout à fait dans l'objet de votre commission, le législateur peut aussi, à ce niveau, définir des garde-fous ou des limites s'il l'estime pertinent.
Enfin, il me semble important de rappeler, y compris en ne considérant que le droit de la concurrence, la soupape que constitue le droit d'évocation du ministre, qui peut mettre en avant une série d'intérêts légitimes - ces objectifs sont limitativement énumérés par la loi -, par exemple en matière de souveraineté ou d'investissement.
L'Autorité de la concurrence ne prétend pas pouvoir répondre à toutes les interrogations lorsqu'elle est saisie d'opérations de concentration dans les médias, mais, à travers l'examen fin et minutieux que j'ai tenté de présenter, elle peut quand même voir beaucoup de choses. En tout cas, son contrôle peut aller assez loin et protéger une série d'éléments intéressants.
Comme vous l'avez signalé, nous voyons beaucoup d'entreprises qui rachètent des titres ou des médias, mais aussi beaucoup qui contestent des opérations, ce qui permet de connaître la perception que l'on en a. Par exemple, dans l'affaire Salto, nous avions rendu une décision positive, avec un certain nombre d'engagements assez exigeants. Après un examen très minutieux par le Conseil d'État, cette décision a été confirmée.
En tout état de cause, lorsque nous rendons une décision sur des sujets aussi complexes - à cet égard, je crois que l'affaire TF1/M6 sera encore beaucoup plus compliquée que l'affaire Salto -, nous essayons vraiment de prendre en compte tout l'éventail des objectifs de la concurrence, mais nous ne pouvons aller au-delà du mandat que nous a confié le législateur.