Intervention de Emmanuel Combe

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 15 décembre 2021 à 17h00
Audition de M. Emmanuel Combe président par intérim et M. Stanislas Martin rapporteur général de l'autorité de la concurrence

Emmanuel Combe, président par intérim de l'Autorité de la concurrence :

Je commencerai par votre seconde question : l'idée de réécrire les règles, c'était là l'esprit même de notre avis audiovisuel de 2019, dans lequel nous formulions plusieurs propositions.

Pour réduire cette asymétrie règlementaire entre les nouveaux géants, auxquels rien ne s'impose, et les opérateurs historiques, nous proposions de faire évoluer les obligations relatives à la production audiovisuelle - la part réservée à la production indépendante, notamment, est de 75 % pour le cinéma - ainsi que les obligations de diffusion - le quota d'oeuvres françaises et européennes, en particulier.

Nous proposions également une réflexion sur la question des jours interdits. Cette réflexion a eu lieu ; en témoigne le décret d'août 2020.

Concernant la publicité à la télévision, il existe toujours des secteurs interdits, ce qui n'est plus le cas au cinéma. Ces secteurs interdits ne le sont pas, je le rappelle, pour les opérateurs numériques.

Nous attirions par ailleurs l'attention du législateur sur le fait que les grands acteurs de la télévision ne pouvaient pas faire de publicité segmentée - c'est désormais le cas. Ne pourrait-on pas imaginer que, demain, ils puissent faire de la publicité ciblée, comme les opérateurs du numérique, ce qui est encore différent ? Cela poserait de redoutables problèmes : comme nous regardons souvent la télévision via notre FAI, à qui appartiendraient les données personnelles ? Un débat juridique épineux aura lieu sur l'usage et la propriété de ces données.

Quelques mots sur le dispositif anticoncentration, qui repose sur trois grands piliers - la règle des 49 % de détention du capital, le nombre maximal de sept autorisations d'émettre, la règle des « deux sur trois » régissant les seuils de concentration plurimédias. Il nous semblait que ce dispositif pouvait être revu, concernant à tout le moins la détention du capital. Cette régulation doit être non pas allégée, mais réécrite, parce qu'elle est figée - alors que l'économie a changé - et défavorable aux acteurs historiques, et notamment à l'intégration verticale vers la production, que les nouveaux géants, eux, pratiquent allègrement. Elle est en outre assez complexe.

Quant à la prise en compte de la publicité en ligne, c'est l'un des sujets principaux du test de marché.

Dans notre avis audiovisuel de 2019, nous évoquions des pistes. Nous mettions en exergue une certaine convergence des caractéristiques : certaines chaînes combinent du linéaire et du non linéaire - on peut regarder la télévision gratuite sur sa tablette, où peuvent s'afficher des publicités ciblées. Néanmoins, nous insistions sur le fait qu'il existait plutôt, en la matière - mais c'était en 2019 -, une complémentarité qu'une substituabilité.

Publicité en ligne et publicité télévisuelle ont des caractéristiques physiques différentes ; appartiennent-elles pour autant à des marchés différents ? Un train n'est pas un avion ; pour autant, on peut considérer que, s'agissant du trajet Paris-Londres, ils appartiennent au même marché pertinent. Des produits différents peuvent appartenir au même marché et, réciproquement, des produits apparemment identiques n'appartiennent pas nécessairement au même marché, si les usages sont différents.

Cette question a irrigué toute notre réflexion depuis le début : celle de la délimitation des marchés pertinents. Attendons le résultat des tests de marché ! Quelque 1 000 annonceurs sont consultés - je l'ai appris aujourd'hui, comme vous, ce qui prouve la séparation entre l'instruction, qui instruit, et le collège, qui, en son temps, prendra ses responsabilités. Nous allons disposer d'un panel de réponses tout à fait considérable qui nous permettra d'y voir clair.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion