Intervention de Bernard Jomier

Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins — Réunion du 27 septembre 2018 à 10h00
Examen du rapport de m. jean-pierre decool rapporteur de la mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Je souhaite tout d'abord remercier le rapporteur et le président pour cette mission... impossible ! Il s'agit bien de cela quand on doit affronter de telles questions dans un délai aussi court.

La question des ruptures d'approvisionnement dépend naturellement de la politique générale conduite en matière de médicaments.

Nous avons connu, ces dernières années, plusieurs crises, qui ont marqué l'opinion publique : le Mediator, les contraceptifs de troisième génération, les coxibs, qui sont une nouvelle classe d'anti-inflammatoires, ou encore les médicaments contre la maladie d'Alzheimer, dont on sait depuis des années que le rapport bénéfice-risque est probablement défavorable - j'avais écrit un article à ce sujet en 2013. Il faut aussi relativiser certaines de ces crises, car il est assez naturel que l'évaluation d'un médicament évolue au fil du temps.

La question véritablement intéressante est de savoir comment ces différentes situations ont été gérées. Or il existe de fortes similitudes : une autorité politique très faible, voire défaillante ; des agences de santé engluées dans leurs difficultés, même si la situation s'est nettement améliorée de ce point de vue ; une industrie pharmaceutique plus soucieuse de développer ses ventes que de promouvoir la santé publique.

Le problème est non pas que l'acteur privé veuille vendre son produit, mais que la puissance publique ne régule pas de façon satisfaisante la place et le rôle de l'acteur privé. Je ne fais pas le procès des industriels du médicament, il est normal qu'ils veuillent vendre leurs produits le plus cher possible, mais la santé publique nécessite des cadres, des réglementations.

Un pharmacien a des obligations de service public, car il exerce une mission essentielle pour la population et la santé publique. S'il ne les respecte pas, il est sanctionné. Je trouve donc choquant que le titulaire d'un brevet pour un médicament d'intérêt thérapeutique majeur, alors qu'il obtient un prix pour le commercialiser, puisse ne pas fournir le médicament. Il doit avoir l'obligation de le fournir et être sanctionné en cas de non-respect de cette obligation. Qu'on réfléchisse à des mécanismes incitatifs en faveur de la relocalisation en France de la production ne me choque pas. Ce qui me choque, en miroir, c'est l'absence de sanction de ceux qui n'assurent pas l'approvisionnement d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur. Je me fiche de savoir 'que l'exploitant a un problème dans une usine en Inde ! De même, une fois que le prix a été négocié, je me fiche de savoir qu'il trouve qu'il n'est pas assez élevé. Quand un accord est signé, on l'applique ! Si l'autorité politique ne le fait pas appliquer, c'est une faiblesse de sa part. Il faut prévoir dans le rapport des obligations et des sanctions.

Par ailleurs, on le sait, le monde industriel souffre d'un manque de transparence, et ce pour de multiples raisons. Cela étant dit, ce qui importe est que ce défaut de transparence ne nuise pas à l'exécution du contrat. Il faut contracter sur le prix et sur la mise à disposition, et laisser l'industriel vivre sa vie d'industriel. L'autorité publique doit assurer la fourniture à la population dans de bonnes conditions des médicaments dont elle a besoin.

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