Intervention de Bruno Le Maire

Mission commune d'information RGPP — Réunion du 4 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'agriculture de l'alimentation de la pêche de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Bruno Le Maire, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Je me réjouis d'avoir l'occasion de m'exprimer devant vous à ce sujet. La RGPP était indispensable, car l'organisation de l'Etat n'était plus adaptée aux réalités sociales et économiques : la décentralisation a confié aux collectivités des tâches autrefois exercées par l'Etat, et nos concitoyens attendent des services publics plus lisibles, plus efficaces et plus accessibles. Il fallait en outre maîtriser la dépense publique, passée de 28 % du PIB en 1950 à 56 % en 2000.

S'agissant des services publics dans les territoires, je suis convaincu que l'avenir est à la mutualisation : des tâches remplies autrefois par des services et des agents distincts, dans des locaux séparés, peuvent être regroupées. L'Association des régions de France partage désormais cette analyse. Nous avons signé un accord de partenariat avec neuf opérateurs nationaux tels que la Caisse des dépôts et l'Union des points d'information et de mutualisation multiservices (Pimms). La RGPP ne peut se réduire à la baisse des moyens et des effectifs : elle implique la réorganisation des services, et donc la formation des agents. La mutualisation doit être expérimentée dans 23 départements et sera généralisée en cas de succès. Les conventions de mise en oeuvre territoriale doivent être signées d'ici la fin du mois.

Dans le domaine de la santé, l'heure est aussi à la mutualisation. Nous finançons la construction de 250 maisons de santé pluridisciplinaires, et un appel à projets sera lancé en juillet pour créer des outils numériques améliorant les services à la personne : 30 à 40 millions d'euros y seront consacrés dans le cadre des investissements d'avenir.

En ce qui concerne les services postaux, le fonds de péréquation postale a été porté de 124 à 170 millions d'euros, et l'accord tripartite que j'ai signé le 26 janvier avec Mme Lagarde garantit la présence de 17 000 points d'accès et d'un distributeur de billets dans chaque chef-lieu de canton. Nous travaillons aussi avec le Crédit agricole et le Crédit mutuel pour créer des points de retrait d'argent chez les petits commerçants, en particulier chez les buralistes.

Enfin, le Gouvernement a lancé une nouvelle génération de pôles d'excellence rurale, qui proposent une offre de services innovante.

J'en viens aux services rendus par l'Etat aux collectivités. Une réforme était nécessaire : le référent technique des communes doit être désormais l'intercommunalité ; l'Etat assumant le contrôle de légalité, il ne peut être juge et partie, en particulier en ce qui concerne l'ingénierie publique ; enfin il n'était plus possible de continuer à offrir des prestations entrant dans le champ concurrentiel. Mais l'Etat continuera à aider les territoires qui en ont le plus besoin, notamment ruraux. Si la RGPP a supprimé l'ingénierie concurrentielle, le Gouvernement a maintenu 1650 ETP pour l'assistance technique de l'Etat, pour raison de solidarité et d'aménagement du territoire, avec un coût de 147 millions d'euros : cela permet d'aider les communes qui n'ont pas les moyens de recourir à un prestataire privé. Les sous-préfectures ont une fonction d'accompagnement et de conseil, la délivrance des titres et le contrôle de légalité ayant été dévolus aux préfectures. Enfin les territoires ruraux peuvent bénéficier de moyens nationaux et européens dans le cadre du réseau rural.

La réorganisation de l'Etat est nécessaire, mais il faut compenser son impact sur certains territoires. Les réformes des établissements de santé et de la carte judiciaire font l'objet de mesures compensatoires de la part des ministères concernés. En revanche, c'est mon ministère qui est chargé d'accompagner la reconversion des territoires touchés par les restructurations militaires, au titre de l'aménagement du territoire. La modernisation est indispensable si l'on veut que notre appareil de défense reste budgétairement soutenable, mais elle a des répercussions importantes sur l'économie de territoires où des bases étaient implantées de longue date. D'ici 2015, 82 sites doivent fermer, 47 être transférés, et 54 000 emplois seront supprimés. Notre politique n'a pas pour objectif de tailler dans les effectifs et les dépenses : nous faisons en sorte de revitaliser les territoires concernés. Dès 2008, le Premier ministre a demandé à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) d'accompagner les restructurations, en liaison avec le ministère de la défense ; 320 millions d'euros ont été débloqués dans le cadre de contrats de redynamisation des sites de Défense (CRSD) et de plans locaux de redynamisation (PLR). La loi de finances pour 2009 a autorisé la cession aux collectivités locales, pour un euro symbolique, des emprises militaires devenues inutiles. Le zonage des « aides à finalité régionale » (AFR) a été étendu aux territoires les plus affectés. Dans les zones de restructuration de défense (ZRD), nous avons octroyé des exonérations fiscales et sociales aux entreprises en création ou en extension et un crédit d'impôt aux micro-entreprises : 12 zones d'emploi et 11 communes sont concernées. Un fonds de soutien aux communes les plus touchées a été créé et abondé de 25 millions d'euros pour la période 2009-2011.

La RGPP ne se fait pas toujours au détriment des territoires : elle peut être une chance pour beaucoup d'entre eux. Je me suis rendu à Cambrai avec M. Juppé pour signer le CRSD, à Dax pour signer le PLR : dans ces deux territoires, où les restructurations de défense auraient pu entraîner une crise grave, elles ont donné de nouvelles perspectives grâce à une politique de développement économique fondée sur l'innovation. Je ne nie pas, cependant, la nécessité d'établir un diagnostic détaillé de la situation des territoires à la suite des restructurations ; la Datar a engagé ce travail à la demande du Premier ministre et remettra son rapport à la fin de l'année.

Dans le champ du ministère de l'agriculture, nous avons pour ambition de réorganiser les services départementaux dans le sens d'une plus grande interministérialité, afin de mieux répondre aux besoins. La RGPP nous a fait faire d'importantes économies dans les services déconcentrés : entre 2011 et 2013, 525 emplois sur 7 100 y auront été supprimés, soit une baisse de 7 %. C'est lourd pour les services, sans doute, mais notre logique n'est pas purement comptable : seuls des emplois correspondant à des missions identifiées sont supprimés, selon un calendrier progressif, et sans porter atteinte aux politiques prioritaires du ministère - le développement rural, l'économie agricole, la forêt. Dans les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), ces suppressions portent surtout sur les fonctions support, et sont facilitées par la rationalisation des services et l'amélioration des outils informatiques. Dans les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), elles s'expliquent seulement par la suppression de l'ingénierie publique concurrentielle - 137 ETP entre 2011 et 2013 - et la rationalisation des fonctions support - 264 ETP. Ces réorganisations ont permis de regrouper des services au sein des directions départementales et régionales, de mieux collaborer avec les services déconcentrés d'autres ministères, et finalement d'offrir un service proche à moindre coût.

Il faut cependant souligner deux problèmes. D'une part, nos outils informatiques, qui devraient accompagner ces transformations, ne sont pas toujours à la hauteur : je pense aux dysfonctionnements du service de paiement des aides de la PAC, qui affectent directement les agriculteurs. Car 40 % des déclarations au titre de la PAC s'effectuent désormais par voie électronique, ce qui était loin d'être le cas, j'imagine, quand vous étiez en charge de ce dossier, monsieur le président. La gestion des demandes sur papier était alors une lourde charge pour le ministère.

Au plan culturel, les agents sont attachés à l'identité de leur ministère, et ne souhaitent pas se retrouver dans de vastes directions indifférenciées. Il faut donc définir clairement les missions de chaque ministère, et ce que l'on attend de chaque agent. Cet aspect des choses est trop souvent négligé lorsque l'on parle de rationalisation de l'Etat.

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