Intervention de Idriss Ingar

Mission d'information Fonds marins — Réunion du 4 mai 2022 à 8h00
Audition séquence bassin de l'océan indien

Idriss Ingar, référent climat-énergie au conseil départemental de La Réunion :

C'est un grand honneur de se présenter ici devant vous pour évoquer ce sujet, qui est pleinement stratégique dans le développement de la souveraineté de la France dans l'océan Indien, donc dans le monde.

À la Réunion, nous avons tendance à dire que le Réunionnais a tourné le dos à la mer. C'est vrai, et cela découle directement du peuplement de l'île, qui a débuté au XVIIe siècle. À l'origine, c'était un territoire vierge, caractérisé par une biodiversité exceptionnelle. Nous sommes l'un des trente hotspots de biodiversité mondiale. Nous avons le plus haut sommet de l'océan Indien et la seule source thermale de l'océan Indien. Les premiers habitants issus des différentes communautés, qui sont venues de métropole, d'Afrique, d'Asie se sont attachés à agir ensemble pour rendre l'île habitable. C'était le premier besoin et c'est ce qui a forgé l'identité réunionnaise : rendre cette île habitable, mais toujours en lien avec l'environnement. Ainsi, nous avons un parc national qui abrite 90 % de la biodiversité du territoire, sur 40 % de la surface de l'île. Jusqu'à présent, c'est vrai, nous étions très centrés sur la terre.

Quand on regarde ces trois siècles et demi passés, on peut identifier trois caractères principaux chez les Réunionnais : l'audace, l'innovation - invention de la cristallisation du sucre, notamment -, respect du cadre national.

Cela me fait dire que nous sommes aujourd'hui dans le bon tempo pour regarder vers cet autre horizon qu'est la mer. Il s'agit désormais de regarder La Réunion avec une frontière qui partirait du sommet du Piton des neiges, jusqu'à l'extrémité de notre ZEE.

L'enjeu principal est de concilier exploitation et protection. Il s'agit d'avoir une approche environnementale, ce que nous avons toujours eu sur notre île, mais c'est aussi une question de souveraineté. Les pays de la zone - Madagascar, Maurice, Seychelles - sont des partenaires de longue date, mais nous devons aussi faire face à des concurrents, comme l'Allemagne, l'Inde ou la Corée du Sud, qui disposent de licences d'exploration dans la région délivrées par l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Cependant, les deux plus gros compétiteurs auxquels nous sommes confrontés sont la Chine et la Russie. La Chine a énormément investi en Afrique en finançant des infrastructures, en contrepartie d'un accès privilégié aux ressources minières, alimentaires et forestières de ces pays. Je rappelle également que, dans le cadre de la stratégie des Nouvelles Routes de la soie, il y a aujourd'hui un port militaire chinois à Djibouti, ce qui nous aurait semblé inimaginable dans les années quatre-vingt-dix. Enfin, Madagascar, qui dispose d'importantes ressources minières, a signé en janvier un accord de coopération militaire avec la Russie. Il est vraiment fondamental de prendre en considération la protection de notre ZEE face à ces prédateurs, au besoin en renforçant les moyens militaires de surveillance.

La caractérisation des fonds marins est la question principale. C'est un peu l'inconnu. J'attire néanmoins votre attention sur la nécessité d'aborder le sujet sous l'angle tant des ressources minières ou halieutiques que des organismes vivants, qui peuvent représenter des atouts dans le domaine de la santé ou de la chimie verte. On peut imaginer que La Réunion aura un rôle à jouer à cet égard compte tenu de sa biodiversité. J'y vois de fortes potentialités de développement pour l'île. La jeunesse réunionnaise, de plus en plus qualifiée, peut trouver là des débouchés. Il faudrait donc retenir une approche régionale de nos politiques publiques. Malheureusement, notre collectivité n'a pas été associée aux discussions sur la mer dans le cadre de France 2030.

Enfin, il importe de structurer l'administration, tant déconcentrée que décentralisée, pour faire aboutir les projets sur la mer. Nous ne savons pas encore qui fait quoi dans les différents intervenants publics et il y a toujours des vides juridiques.

En conclusion, soyez assurés que le département prendra toute sa place, dans le cadre de ses compétences, pour mettre en oeuvre un écosystème dédié à cette exploitation de la mer, de sorte que nous puissions créer des activités à forte valeur ajoutée.

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